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Hélicoptère

Soutien inattendu de Le Drian à une hypothétique version militaire du H160 d’Airbus Helicopters

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Frédéric Lert

En annonçant, le 3 mars 2017, sa volonté de doter les armées françaises de 160 à 190 hélicoptères H160, le ministre de la Défense a créé la surprise. Au passage, il offre à Airbus Helicopters son premier client providentiel pour le programme militaire du H160, ainsi que son financement. Reste maintenant au constructeur à démontrer que le H160 répond au cahier des charges du futur « Hélicoptère Interarmées Léger » ou HIL : le H160 a vocation à remplacer les Dauphin, Panther, Alouette 3, Gazelle, Fennec et même Puma. A ce stade, l’annonce de Le Drian pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses…

« J’ai décidé lors du dernier comité interministériel de faire du H160 la base du futur HIL – Hélicoptère Interarmées Léger-  » a déclaré le ministre de la Défense lors de son passage à Marignane, précisant que les livraisons pourraient intervenir dès 2024, avec comme cible de 160 à 190 appareils. Cette déclaration, qui a surpris beaucoup de monde, n’a pourtant pas été prise sur un coin de table : un groupe technico-opérationnel réunissant l’industriel et les utilisateurs finaux planchait sur la question du HIL depuis plusieurs années.

Les besoins exprimés en terme de capacité d’emport, d’autonomie et de vitesse par ce groupe de travail ont fait du H160, en dehors de tout appel d’offre, l’heureux élu. Subsistent toutefois de nombreuses interrogations.

H160 : un programme civil en cours de développement

Le H160 est un appareil d’environ 6 tonnes lancé en 2011 et qui a effectué son premier vol en juin 2015. Deux prototypes participent aujourd’hui au développement et un troisième est en cours de fabrication. Airbus revendique des intentions d’achat et devrait annoncer les premières ventes fermes cette année.

Airbus Helicopters a l’ambition de franchir une étape technologique majeure avec le H160 qui rassemble de nombreuses innovations. A commencer par les pales « blue edge » de son rotor principal, aux formes caractéristiques. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Le H160, qui est pour l’heure un appareil de la gamme civile, vise le remplacement de la famille Dauphin. Airbus Helicopters entend en développer une version militaire, qui devrait s’appeler logiquement H160M. Normal dans ces conditions que la Marine, seule utilisatrice militaire en France des Dauphin et Panther, regarde du côté du H160 pour renouveler sa flotte.

HIL ou Hélicoptère Intermarmées Léger

Mais faire du H160 un HIL est une autre paire de manches. Parce que le HIL, serpent de mer des armées, est un concept à géométrie variable. Officiellement, le HIL permettra de rationaliser les parcs en remplaçant différents types d’hélicoptères par un appareil unique.

Le NH90, avec un seul centre de formation et une logistique commune pour l’armée de terre et la marine fait figure d’exemple en la matière. Mais personne pour l’instant n’a su définir l’hélicoptère parfait qui saurait remplacer à la fois l’Alouette 3, la Gazelle, le Fennec, les Dauphin et Panther et le Puma.

La Marine devrait facilement trouver son bonheur avec le H160 pour le remplacement des ses Dauphin et Panther. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Plus difficile en revanche de voir comment le H160 pourrait remplacer l’Alouette 3 pour les missions d’instruction. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Difficile par exemple d’imaginer l’escadrille 22S de Lanvéoc Poulmic remplaçant ses Alouette 3 par des H160 pour faire de l’instruction. La Marine a d’ailleurs déjà montré la voie en lançant un appel d’offre pour la fourniture à la 22S d’heures de vol par un opérateur privé, avec quatre appareils « de type Dauphin ». Par ailleurs les Alouette 3 sont déjà épaulées par des EC120 de l’école de Dax, mais ceux-ci ne sont pas autorisés aux survols maritimes.

Le risque d’un mouton à cinq pattes

Même questionnement du côté de l’Alat, où le remplacement des Gazelle (un besoin évalué à environ 80 appareils) par un appareil trois fois plus lourd peut étonner. L’Alat n’a d’ailleurs jamais été en pointe dans le combat pour le HIL. On y redoute l’empilement des besoins des différentes armées avec in fine l’accouchement d’un mouton à cinq pattes, qui serait trop lourd pour ses besoins. Or le Maintien en Condition Opérationnelle se paie à la tonne et l’Alat endure déjà le fardeau financier que représente la maintenance de ses hélicoptères de nouvelle génération, Tigre et NH90.

Le remplacement de la Gazelle par le H160 imposera un changement de paradigme : il ne sera pas question de retrouver un appareil de reconnaissance léger, mais plutôt de mettre en œuvre un appareil capable d’opérer au rythme des Tigre et NH90… © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

On peut en revanche trouver une cohérence dans la mise en œuvre d’un appareil rapide, avec une capacité d’emport robuste réclamée par les armées (équipage de trois personnes, cinq ou six commandos équipés ou un système d’arme…) capable d’accompagner le Tigre et le NH90. Ce que ne sait pas faire la Gazelle…

Une bouée pour Airbus Helicopters

A l’autre bout du spectre, le HIL aurait la lourde tâche de remplacer le Puma de 7,4 tonnes. Pour éviter le grand écart, une porte de sortie pourrait être de permettre à l’armée de l’Air de recevoir des Caracal supplémentaires en lieu et place du HIL. Rien n’est joué pour l’instant.

Airbus Helicopters qui a connu en 2016 « l’année la plus difficile pour l’industrie de l’hélicoptère depuis 2008 », mise gros sur le programme H160 qui incarne le renouvellement d’une gamme vieillissante. Le soutien de la France doit se concrétiser maintenant par une commande officielle. © Airbus Helicopters

Si l’idée même de HIL soulève de nombreuses questions au niveau des armées, la sélection du H160 offre en revanche quelques belles réponses à Airbus Helicopters. Le développement de la version militaire de l’appareil trouve ainsi un financement et un premier client idéal.

Sans doute verra-t-on également Airbus Helicopters proposer une extension de son concept HForce vers ce nouvel hélicoptère. L’achat de grand nombre de H160, si elle est confirmée par le prochain gouvernement, sera synonyme d’investissement fort et structurant de l’état sur long terme pour une industrie souffrant actuellement de l’atonie du marché civil.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • 'Au passage, il offre à Airbus Helicopters son premier client providentiel pour le programme militaire du H160, ainsi que son financement.'
    En a t il le droit , cette pratique est t elle legale?

    • @lavidurev Je comprends votre légitime dernière interrogation ! Mais les dépenses militaires de l'Etat ne sont pas soumises à une procédure d'appel d'offres obligatoire. Et heureusement pour garantir l'approvisionnement rapide en matériels sensibles. C'est notamment la raison pour laquelle le MINDEF n'a jamais opposé le Rafale au Mig 29 ou au F/A 18... Ou le Tigre à l'Apache et à l'Alligator ;)
      Quelques contre-exemples toutefois mais pour chercher le meilleur rapport qualité/prix sur des équipements peu stratégiques : HK416, Ford Ranger...

  • Il y a quelques temps, je m'étais amusé à imaginer le H160 en tenue militaire (publié sur Instagram puis sur Twitter en fin de semaine dernière). Pour votre divertissement :

    https://twitter.com/adrienselvon/status/837747129468792833

    Ce choix me parait pertinent (réflexion toute personnelle qui n'engage que moi) si on se projette sur une durée de service de 30/40 ans à l'image des actuelles Gazelle et Alouette (au-delà donc de la durée d'industrialisation des autres solutions potentielles : H135, H145). Rappelons qu'à plusieurs reprises ces ruptures technologiques ont fait s'hérisser les poils (un petit peu de résistance au changement...) avant d'être saluées pour leurs atouts à l'aune des opérations (Frégate Lafayette, Dauphin, Famas...).
    Les écarts de tonnage entre ces machines à remplacer et les futures sont quand même à relativiser et à dédramatiser :
    - Le Puma n'est il pas devenu trop lourd dans le cadre de certaines missions pour lesquelles le NH90 et le Caracal sont eux complètement surdimensionnés (SAR en Corse, Commandement avancé dans l'ALAT, infiltration de petites équipes...) ;
    - La Gazelle (mais aussi le Fennec), toutes qualités reconnues, n'est elle pas trop légère au regard des engagements actuels (blindage limité par la puissance, autonomie limitée, difficultés à suivre les NH90 et Tigre dans les opérations qui se font de plus en plus en patrouilles mixtes, versatilité limitée lorsqu'il faut basculer en MEDEVAC). Les H135 ou H145 sont ils du coup pertinents (taille, autonomie) pour couvrir une zone comme le Sahel ? Certains ont peut-être eu en tête les OH6 Cayuse du 160th SOAR, transportant des commandos sur des banquettes en extérieur dans la Chute du Faucon Noir, au moment des débats... Quid de ce mode d'emploi aujourd'hui ?
    On peu donc penser qu'en terme de tonnage la vérité se trouve à présent au milieu avec un poids moyen comme le H160 (le H175 est du coup peut-être un peu trop gros).
    Attention également à ne pas oublier l'Armée de l'Air qui ne se résume pas qu'au Caracal et qui a besoin d'un vecteur hélico rapide pour les missions de police du ciel. Le Fennec, bien qu'ayant élargi le spectre récemment en Afrique, pourrait voir son remplaçant aller au-delà (SAR en Corse, à Cazaux et outre-mer) et alléger la charge de travail des Caracal.
    Enfin bref, passionnant débat qui commence à aboutir à des solutions concrètes !

    • On a un bon exemple de ce que vous argumentez avec le Mi-8, qui est un peu l'engin à tout faire de l'armée russe, et que l'on a vu dans toutes les sauces, civiles et militaires, et avec un succès plutôt démontré. Alors un H-160 pour tous, pourquoi pas après tout?

  • On va encore faire un monstre technologique brillant mais au prix hallucinant, au coût d'entretien dément comme le Rafale ou l'Airbus A400M.
    Décidement, nos décideurs n’apprennent jamais rien.
    Mon professeur de dessin industriel disait qu'une pièce simple nécessitait beaucoup d'heures de travail pour être simple. Cet adage reste encore plus vrai à l'ère de la mécatronique §

    • Non, rien à voir avec l'A400M ou le rafale (de même qu'avec le NH90 et le Tigre d'ailleurs): le H160 est un hélico civil, certifié auquel on va rajouter des équipements de mission. On est loin de l'usine à gaz développée spécifiquement, sur la base de spécifications plus ou moins farfelues avec plusieurs états parties prenantes.
      Une fois le H160 peint en vert, il pourra déjà assurer les missions simples, pour le reste il y aura effectivement des packages de mission mais qui seront plus ou moins sur étagère (même pour un système d'arme, il existe déjà quelque chose de fonctionnel qui pourra être monté à moindre frais).
      Quand aux problèmes de taille de la machine, je pense qu'il faut aussi analyser le compromis : "plein de machines spécialisée avec la logistique qui va avec" vs "une seule machine couteau Suisse mais bien moins de compétences et de pièces détachées à gérer". N'oublions pas qu'un hélicoptère, c'est avant tout énormément de maintenance.

    • Dans la même veine, Victor Hugo disait "désolé d'avoir fait un peu long, je n'ai pas eu le temps de faire plus court"... C'est d'ailleurs l'excuse que je donne régulièrement à Gil Roy... (n'allez pas croire que je me prenne pour Totor, hein...)
      Frédéric Lert

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