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Industrie

Airbus décroche la double certification de l’A350-1000 en un temps record

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Fabrice Morlon

Presqu’un an jour pour jour après son premier vol (24 novembre 2016), l’A350-1000 a obtenu sa certification EASA et FAA ce mardi 21 novembre 2017. La version allongée du programme XWB (extra wide body) est déjà en production et la première livraison devrait avoir lieu avant la fin de l’année, pour le client de lancement du programme, Qatar Airways. Aerobuzz a suivi, à Toulouse, la fin des tests sur l’A350-1000 avant certification et l’état d’avancement de l’appareil qui sera prochainement livré.

L’ambiance est studieuse, ce mardi 7 novembre 2017, autour et à bord de MSN71, l’un des trois avions-test du programme de certification de l’A350-1000. L’avion vient de subir des tests au vent sur l’aéroport de Perpignan, sur lequel soufflait une forte tramontane. Cet appareil qui a effectué son premier vol le 10 janvier 2017 est bardé de capteurs. Il est dépourvu d’aménagement cabine.

Les ingénieurs d’Airbus ont procédé, jusqu’au 21 novembre 2017, date de la double certification européenne et américaine, à des vols et des tests complémentaires, suite aux tests des systèmes cabine et aux vérifications de compatibilité aéroportuaires menés par MSN65, seul appareil parmi les trois avions-tests à avoir été aménagé d’une cabine passagers.

De retour d’essais par vent fort à Perpignan, MSN71 est ausculté par les ingénieurs de bord qui poursuivent les tests avant la certification © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Certifications EASA et FAA

Lors de notre récente rencontre à Toulouse, les équipes d’Airbus attendaient la certification de l’EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) avant la fin novembre 2017. Quelques jours plus tard, Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, le confirmait au Dubai Airshow (12-16 novembre 2017). Objectif plus que pleinement atteint puisqu’à la certification européenne s’ajoute l’américaine. Même doublé que pour l’A320neo et l’A321neo.

Même si l’EASA et la FAA ont délivré le certificat de type et que le premier A350-1000 peut officiellement entrer en service, il reste encore aux équipes des essais en vol d’Airbus quelques tâches à effectuer, notamment à étendre le domaine de vol sur le vent de travers. « Du fait de la rapidité avec laquelle nous avons mené la certification, nous n’avons pas réussi à réunir, dans l’intervalle, les bonnes conditions de vents. Nous nous y employons activement actuellement », fait remarquer Alain De Zotti, l’ingénieur en chef du programme A350XWB.

Les ordinateurs de bord permettent de recueillir les données relevées depuis les capteurs répartis à l’intérieur et à l’extérieur de l’avion et de les envoyer vers le centre de traitement au sol © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Il aura fallu un an à Airbus pour mener les tests sur ce nouvel avion et 1.600 heures de tests. Le premier avion de test, MSN59, faisait son premier vol le 24 novembre 2016. Ainsi, outre les tests sur le -1000 menés en un temps record, la production et les livraisons du -900 ont connu une augmentation spectaculaire, encore jamais vue chez Airbus. D’un exemplaire livré en 2014, Airbus passe à 14 exemplaires en 2015 puis 49 exemplaires en 2016 et 58 au 31 octobre 2017. Airbus s’est fixé un objectif de production à 10 exemplaires en 2018.

Pour Frank Chapman, l’un des pilotes d’essai du programme XWB, l’A350-1000 est très similaire à son « petit » frère -900 même s’il est plus long et plus lourd © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Avec l’expérience accumulée sur l’A350-900, les tests ont été menés de manière optimale. Frank Chapman, pilote d’essai chez Airbus, qui nous accompagne comme guide de marque pour la visite d’MSN71, explique que « 90 à 95% du comportement de l’A350-1000 sont connus grâce aux connaissances et à l’expérience accumulée sur l’A350-900. Les systèmes, hérités de l’A380, sont très similaires entre les deux versions de l’A350″ explique le pilote de test qui précise : « les systèmes commandant le train principal sont, eux, différents : on passe de quatre roues sur la version -900 à six sur le -1000. »

La trappe d’évacuation, munie de boulons explosifs, aurait permis à l’équipage de sauter de l’appareil. Fonctionnelle pour les premiers vols, en fin de campagne de tests, l’avion s’étant révélé sain, la trappe est désactivée © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Train principal d’atterrissage renforcé

Toutefois, si le train principal, utilisant majoritairement le titane, a été renforcé, le logement du train principal avait déjà été pensé dès la version -900 pour accueillir le train du -1000. Seule la baie du train d’atterrissage a été prolongée pour accueillir les six roues. D’autres modifications interviennent par exemple au niveau du joint des portes.

Les principales modifications entre les deux versions portent sur le train principal, la voilure et les moteurs © Airbus

Le bord de fuite des ailes a également été modifié sur cette version allongée de l’A350. En augmentant la surface de l’aile de 4%, le but est de maintenir de bonnes performances à basse vitesse. Ainsi, la vitesse d’approche de la version -1000 est la même que pour la version -900, à 150 kts, alors que la MTOW (Masse maximale au décollage) est supérieure à 28 tonnes (280 t pour le -900 contre 308 t pour le -1000). L’objectif est double : un pilotage similaire entre les différentes versions de la famille XWB et une empreinte sonore réduite aux abords des zones aéroportuaires. Selon Alain De Zotti, les essais de certification ont même démontré que l’A350-1000 est plus silencieux encore que l’A350-900.

A bord d’MSN71, à l’arrière de l’appareil, des ballasts remplis d’eau simulent le poids des passagers et de la cabine. Une caméra, à gauche, enregistre les mouvements de l’aile © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Un moteur exclusif

Certifié par l’EASA le 31 août 2017, le Trent XWB-97 est l’autre modification de taille, conçue de manière exclusive pour l’A350-1000. Le moteur de Rolls-Royce, fabriqué à Derby, a une poussée de 97.000 livres contre 84.000 pour son « petit frère » équipant la version -900, le Trent XWB-84 (431kN pour le premier contre 374kN pour le second).

Le Trent XWB-97, certifié en juillet 2017, et inspecté au sol lors de la préparation des tests finaux © Fabrice Morlon / Aerobuzz

La différence de poussée a été obtenue en modifiant l’aérodynamique de la soufflante du moteur originel, en augmentant la taille du générateur de gaz et en développent une turbine qui puisse supporter des températures plus élevées. Toutefois, les deux moteurs gardent une certaine compatibilité qui facilite leur intégration dans un processus de maintenance. 80% des éléments qui composent les deux moteurs sont interchangeables pour la maintenance en ligne.

Le développement et la certification du nouveau moteur ont été menés en parallèle de ceux de l’avion, ce qui a tendu les plannings comme le souligne Alain De Zotti. « Le développement du moteur s’est fait sur banc, au sol, en parallèle des vols de l’A350-1000. Le moteur a volé également sur A380, ce qui nous a permis un gain de temps ».

L’Automatic Emergency Descent opérationnel

L’A350-1000 dispose d’une nouvelle fonction avec l’Automatic Emergency Descent, un système qui se déclenche automatiquement en cas de dépressurisation de la cabine, ou à la demande du pilote. L’idée était dans les tuyaux depuis l’origine du programme A350XWB. Elle est désormais opérationnelle et sera installée sur les A350-900, sur les appareils déjà en service (retrofit systématique) comme sur les prochains à être livrés.

Les versions -900 et -1000 ont un cockpit similaire, comme celui de l’A330 : les deux avions ont la même qualification de type © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Lorsqu’il se déclenche automatiquement ou qu’il est déclenché par le pilote, l’avion dévie de sa route latéralement avant d’entamer une descente jusqu’à une altitude de sécurité, tout en transmettant des informations au contrôle aérien. Cette fonction qui est nouvelle dans la gamme Airbus permet aux pilotes de se focaliser sur leur stratégie, souligne Alain De Zotti.

366 places en configuration 3 classes

Avec 366 sièges en configuration trois classes, soit 41 de plus que l’A350-900, dans sa version -1000, l’A350XWB se positionne face au 777-8 (350 à 375 sièges), en termes de capacité passagers. En revanche, à ce jour, son autonomie est sensiblement inférieure (7.950 NM contre 8.700 NM).

A350-900A

A350-1000

Nombre de places en configuration 3 classes

325

366

Moteur

Poussée (lbx1000)

Trent XWB-84

84 (374 kN)

Trent XWB-97

97 (431kN)

MTOW (tonnes)

280

308

Distance franchissable (nm)

8,100

7,950

Longueur (m)

66.80

73.78

Envergure (m)

64.75

Largeur du fuselage (m)

5.96

Hauteur (m)

17.05

17.08

Capacité maximale en fuel (l)

141,000

156,000

Marie-Luisa Lucas-Ugena, directrice du marketing du programme A350XWB promet que l’autonomie de l’A350-1000 va augmenter. Elle affirme également que le nouveau-certifié de la gamme A350XWB est beaucoup plus économique au siège que le 777-9 d’une capacité de 400 à 425 sièges, du fait de sa masse inférieure de 35 tonnes.

Fuselage allongé

Pour passer de l’A350-900 à l’A350-1000, le fuselage, composé de panneaux en composite, a donc été rallongé en deux endroits, de près de 7 m (73,78 m contre 66,80 m). Au total, onze panneaux ont été rajoutés : six à l’avant, entre les tronçons D1 et D2 (plus 3,8 m) et cinq à l’arrière, entre les tronçons D3 et D4 (plus 3,1 m).

Six panneaux ont été ajoutés à l’avant et 5 autres à l’arrière de la version -900 pour obtenir 7 mètres supplémentaires et 41 passagers de plus sur 3 classes © Airbus

Ligne d’assemblage commune

Si les deux avions possèdent quelques différences, notamment en longueur, les deux versions du XWB se côtoient sur la même ligne d’assemblage final. La FAL (Final Assembly Line) « Roger Béteille » a été pensée dès l’origine pour accueillir l’A350-1000. Sur 11 hectares, 1.800 personnes s’affairent au montage final des A350.
A la différence des autres programmes d’Airbus, l’aménagement de la cabine passager des A350XWB débute en parallèle de l’assemblage du fuselage, des ailes et de l’empennage, ce qui permet de réduire la durée de l’assemblage final et contribue à l’augmentation de la cadence de production.
Dans un premier temps, les éléments fabriqués dans les différents centres de productions en Europe sont réunis. En même temps que leur assemblage, on va intégrer les grands modules tels les galleys, les compartiments de repos pour l’équipage (situés à l’avant et à l’arrière de l’appareil, dans le plafond) ainsi que les toilettes.
Lorsque l’avion arrive à sa dernière étape, les équipes procèdent alors à l’intégration des derniers éléments cabine (divertissement en vol, rideaux, équipements de sécurité…) et aux finitions. Cette station accueille de manière indifférente les deux versions de l’A350 mais également les A330, qui ont aussi en commun la même qualification de type.

Le premier A350-1000 de série en cours de finition à la station 20 : ici on termine l’aménagement de la cabine, on aménage le cockpit et on installe les moteurs © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Premier A350-1000 pour le Qatar

Lors de notre visite à Toulouse, début novembre, 15 jours seulement avant l’obtention de la certification, sur cette station finale précédent le premier vol, le MSN88 destiné à Qatar Airways terminait son assemblage. Le premier A350-1000 à sortir des usines d’Airbus est en effet en cours de finition. Il rejoindra bientôt la flotte de Qatar Airways, avant Noël comme prévu Airbus et la compagnie cliente.

Compagnie de lancement de l’A350-900, Qatar Airways est aussi le premier client, et le plus important en termes de commandes du XWB, de l’A350-1000 © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Si cette étape nécessite environ 15 jours en temps normal, les équipes d’Airbus estiment à 6 semaines le travail sur MSN88. En cause : le haut niveau d’exigences de la compagnie qatarienne dont un représentant suit quotidiennement l’avancée des travaux à Toulouse. L’aménagement de la désormais emblématique Qsuite est un défi en soit.

Une nouvelle classe affaires

La Qsuite, présentée par la compagnie dès l’ouverture du salon du Bourget en juin 2017 sur un Boeing 777, est une innovation voulue par Qatar Airways qui permet à quatre personnes en classe affaire de se faire face. Des panneaux modulables créent un véritable espace privatif pour travailler ou rester en famille.

La Qsuite met le confort de la Première en classe affaire. Qatar Airways souhaite aménager les Business Class de tous ses A350-1000 et B777 avec ces espaces modulables © Qatar Airways

La Qsuite offre également deux lits simples et un lit double. Un véritable casse-tête digne d’un mécano à assembler sur la station finale de la FAL où travaillent des équipes dédiées à l’aménagement des appareils de Qatar Airways.

Première livraison avant Noël

La compagnie nationale du Qatar, qui recevra les cinq premiers A350-1000 produits, devrait être livrée du premier exemplaire avant Noël 2017. La compagnie avait déjà été, en 2015, le client de lancement de l’A350-900. Elle devrait exploiter à terme une flotte de 39 A350-900 et 37 A350-1000. Avec 76 A350, Qatar Airways est le meilleur client du programme XWB à l’heure actuelle.

Le hangar « Roger Bateille » représente la station 20, dernière phase avant les premiers essais en vol. Deux avions peuvent y être abrités et l’A350 le partage avec l’A330 © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Parmi les compagnies qui ont commandé plus de 25 A350 XWB, à part Singapore Airlines (qui a commandé 67 A350-900), United Airlines (qui a converti ses 35 A350-1000 en 45 A350-900 en septembre 2017) et Air France-KLM (28 commandes pour la version -900), six clients achètent à la fois des A350-900 et des A350-1000.

« L’A350 XWB est un programme qui a été pensé pour le développement d’avions complémentaires » résume Antonio Da Costa, chef du marketing produit chez Airbus qui précise : « Les clients de l’A350 veulent bénéficier du concept qui intègre deux avions différents au sein d’une seule et même famille. L’objectif est de pouvoir répondre à une demande passagers accrue, par exemple sur une période donnée. »

A350XWB, un programme en développement

L’A350-1000 qui vient de recevoir son certificat de type n’est que le deuxième appareil d’une gamme appelée à se développer rapidement. Dès 2018, apparaîtra une version à très long rayon d’action de l’A350-900. Elle aura en effet une autonomie de 9.700 NM. Puis, en 2019, Airbus proposera la version « régionale » de l’A350-900 développée à la demande de Japan Airlines. Elle se caractérisera par un délai entre deux visites de maintenance qui va passer de 28.800 cycles à 36.000 cycles.

Au tournant de la décennie, Airbus lancera des versions de l’A350-900 et de l’A350-1000 avec de plus importantes capacités. « Nous avons trouvé des marges« , affirme Alain De Zotti, l’ingénieur en chef du programme A350XWB qui sait d’ores et déjà, que dans les années à venir, ses équipes ne vont pas avoir le temps de souffler.

Fabrice Morlon
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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • @Brituge
    En fait la séquence n'est automatique QUE si il n'y a pas d'action de l'équipage pour amorcer la descente d'urgence (cf vol Helios Airways 522).
    L'équipage peut reprendre la main à tout moment.

  • Comment se fera la descente automatique d'urgence au-dessus de l'Himalaya ou de la Cordillère? Les escape route sont très complexes...déjà je n'aimais pas trop l'évitement automatique de collision sur le 380...enfin qui vivra verra!

    • AP/FD TCAS est maintenant disponible sur toute la gamme, du 320 au 350. Et le pilote peut a tout moment revenir en manuel ... si on prend le temps de lui apprendre.

    • L AEDO , ce sera automatic ou a la demande du pilote , et puis l'I y a le GPWS , le Tcas aussi , ce qui pourrait être bien , c est le masque a oxygène avec tête chercheuse et cherchée , confère le malheureux Hélios Chypriote qui ne s est pas vu asphixier ...

  • D'une longue expérience opérationnelle de pilote de transport, y compris sur Airbus A 310, j'ai gardé le souvenir de nombreuses fausses alarmes de dépressurisation, notamment en cas de turbulence.
    L'idée de mettre en place une procédure de descente de secours se déclenchant automatiquement est certes une initiative tout à fait compréhensible de la part des ingénieurs du constructeur, reste à souhaiter qu'opérationnellement le taux de descentes de secours déclenchées sans raison valable ne vienne pas perturber ce beau raisonnement... Car la manoeuvre en question ne manquera pas de "perturber" sérieusement le passager et accessoirement sa confiance dans la sécurité du transport aérien!

  • Excellent niveau de détails, illustrations de bonne qualité. Un article qui se laisse lire. Félicitations M. Morlon. Vous devez être un bon pilote.

  • Enfin un article aéronautique complet et détaillé avec des données techniques, économiques, des illustrations claires et rédigé dans un bon français...Bravo à son auteur

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