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Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?

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Gil Roy

Fidèles à leurs travers, Airbus et Boeing ont occupé la scène médiatique du 51ème salon du Bourget en multipliant les annonces de contrats. Cette comédie agaçante ne remet nullement en question le dynamisme de l’industrie aéronautique dans son ensemble.

Cette année, le salon du Bourget a viré « agriculture ». Le statique a grouillé d’hommes et de femmes politiques de tout bord qui, tous et toutes, ont montré, pour les avions la même passion qu’ils et elles éprouvent apparemment pour la croupe des vaches. Les allers et venues de ministres en fonction, de ténors de l’opposition et même de frondeurs ont, par moment, donné à cette édition du Bourget, des allures de salon de l’agriculture. L’industrie étant devenue très « tendance », l’aéronautique est le modèle à suivre tout trouvé.


Les politiques étaient là pour applaudir aux annonces des constructeurs aéronautiques qui, une fois de plus, ont succombé à leur penchant naturel. L’avant-veille de l’ouverture du salon, Yves Galland, le PDG de Boeing France avait pourtant juré sur les antennes de France Inter que Boeing avait renoncé depuis longtemps au jeu des annonces. « Il n’y a pas une commande qui arrive au Bourget qui soit signée au Bourget. Ce sont évidemment des commandes qui pré existent », reconnaissait Yves Galland.

Ce n’est pourtant pas l’impression que nous a donné le constructeur américain qui a annoncé 331 commandes et intentions d’achat sur les quatre premières journées du salon, pour un montant total estimé à 50,3 milliards de dollars (prix catalogue évidemment). Airbus a fait mieux avec 421 avions (dont 124 fermes) et 57 milliards de dollars. Dans la foulée ATR a dévoilé 46 commandes fermes et 35 options pour près de 2 milliards de dollars, et le motoriste franco-américain CFM, 835 moteurs Leap et CFM56, pour un total de 14 milliards de dollars.

Même si ce cirque médiatique est exaspérant et les commandes dévoilées dans le cadre du salon datent de quelques semaines, voire de quelques mois, ces contrats sont bien réels (pour ce qui est des seules commandes fermes toutefois) et viennent remplir encore un peu plus des carnets de commandes déjà très confortables.

Mais à l’inverse, ceux qui ne vont pas bien, n’ont rien à annoncer. Bombardier a du se contenter de la décision de Swiss, client de lancement du programme CSeries, de remplacer sa commande de 10 CS100 datant de plusieurs années, par 10 CS300. Pas d’autre annonce exceptée celle portant sur 6 Q-400 achetés par West Jet Europe. Le constructeur canadien va mal et, même au Bourget, il est difficile de faire croire le contraire.

Ce n’est pas parce que le Rafale, auréolé de ses premiers contrats export, était la vedette du 51ème salon du Bourget, que l’industrie de la Défense va bien, à l’échelle de la planète. Les restrictions des budgets militaires dans les grandes nations du monde se sont traduites cette année par une présence à minima des industriels et par la raréfaction des avions d’arme dans le ciel du Bourget. Les après-midi du salon n’ont jamais été aussi calmes que cette année. De là à en conclure que cette 51ème était morose, c’est un peu court comme analyse.

Les deux halls qui regroupent traditionnellement les sous-traitants et les équipementiers ont bourdonné comme des ruches pendant les journées professionnelles. Il faut alimenter les chaines d’assemblage des constructeurs et suivre les montées en cadence. Quand Airbus, Boeing, ATR, Airbus Helicopters, CFM, Pratt&Whiney, GE vendent des avions, des hélicoptères et des moteurs, ce sont aussi ces 800 entreprises des Hall 4 et 2b, et bien d’autres réparties à travers les 130.000 m2 d’exposition couverte qui voient leurs chiffres d’affaires croître. Pour toutes, 2015 est un bon millésime.

Dans les années à venir, il est peu probable que la tendance s’inverse et que le ciel du Bourget s’anime à nouveau. Qui peut se plaindre que les affaires aillent bien, même si parfois, Airbus et Boeing en font un peu trop ? Le salon du Bourget est de plus en plus un salon spécialisé et de moins en moins un spectacle aérien, tout du moins pendant les journées réservées aux professionnels.

Gil Roy

Mise en scène médiatique des signatures de contrats dans les chalets des constructeurs aéronautiques
Le ministre français de la Défense était le bienvenu au salon du Bourget 2015 du fait de son implication dans les contrats export du Rafale
Rarement les présentations en vol ont été aussi dépouillées que cette année au salon du Bourget
Premier contrat au Japon pour ATR
Les aéronefs en statique
Il revient au Président de la République française d'inaugurer le salon du Bourget
En 2015, au Bourget, le spectacle aérien a été assuré par les civils…
Sur le JS-17 Thunder pakistanais, même les housses sont exotiques…
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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?
    D'accord avec Gil sur les points qu'il relève. Inutile de s'étendre sur la tendance générale, non plus sur le fait que la puissance invitante du Salon du Bourget, le GIFAS, entend faire savoir que l'industrie pure et dure reste au cœur du propos, avec tous les enjeux stratégico-financiers qu'elle recèle. Dans un pays surendetté, en panne d'activité et de déploiement industriels et où au moins deux générations d'hommes et de femmes politiques élus à haut niveau ont probablement tout fait pour que cela arrive, il est vrai que les visites en fanfare agacent. "Le Grand Cirque", titre choisi après-guerre par le pilote Pierre Clostermann pour son livre de souvenirs de combattant du ciel, siérait décidément très bien à certaines démonstrations auxquelles les observateurs navrés que nous sommes auront pu assister. Gardons le moral.

  • Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?
    ... je croix qu'il y a méprise !...
    le salon du Bourget est un salon professionnel qui s'ouvre les 3 derniers jours au grand publique pour bénéficier des démonstrations comme spectacle, mais qui ne leur est pas directement destiné. Ce n'est pas un meeting, même si le grand publique est pris en compte dans les demo des derniers jours.
    les vols concordes, TU144, ... avaient la même finalité que les demos 350, 787, scorpion, lionceau/symba ... remplir des carnets de commandes.
    d'où mon étonnement de la 'couleur de l'article' et du commentaire associé.
    d'ailleurs la communication qui est faite autours des ventes est faite par les médias, les constructeurs et industriels finalement ne fond que des conférences de presse (les airbus / Boeing mais aussi tous les autres aussi). Les médias choisissent les info à relayer et visiblement à ce jeu les airbus/boeing retiennent plus l'attention qu'Issoire aviation ou les PME du secteur (de fait).

    • Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?
      C'est vrai que le salon du Bourget est avant tout un salon professionnel, mais pourquoi se limiter à cela puisque de toute façon les constructeurs font le déplacement ?

      Et puis, le B2B c'est bien, mais tel qu'appliqué au Bourget par exemple, il est significatif d'une maladie de plus en plus présente dans notre monde (et pas seulement aéronautique) : le court terme.

      Tout ce que l'on voit au Bourget, c'est du court terme, mais après, il se passe quoi ?
      On le voit par exemple avec le traitement réservé au grand public, car un tel salon a une utilité aussi vis-à-vis de celui-ci : faire rêver, susciter des passions.

      Comment susciter des passions si le seul message que l'on diffuse au public, c'est "milliards d'euros" et "les démonstrations, ça coûte cher".

      Dans le public du Bourget, il y a peut-être, sans doute même, les décideurs du futur, des ingénieurs, des techniciens... alors l'avion des métiers, c'est sympathique, mais ça ne suffit pas. Ça ne prend pas aux tripes comme une démonstration avec la réchauffe allumée et les vibrations associées.

      À fermer la porte aux passionnés, on finit par se retrouver dans la même situation que Bombardier... plus de gestionnaires, moins d'ingénieurs, moins de résultat.

      La France par exemple, compte

  • Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?
    Après avoir été au SIAE mardi (pro) et dimanche (famille), je retiendrai de ce millésime :
    Positif: l'A400M, époustouflant, L'A350, splendide, le B787, Majestueux.
    Sympa: le puissant NH90, le superbe A380, le Rafale, heureusement là pour sauver l'honneur des chasseurs...
    Décevant: l'absence des militaires Russes et des Américains, comme au temps de la guerre froide (enfin les américains étaient là, mais au sol et avec de vieux avions usés...)
    Moyen: l'absence de la flotte Quatar, du 787 Vietnam et du 777 China le dimanche, c'est vraiment un manque de respect total pour les visiteurs qui paient et se font des heures d'embouteillages pour venir...
    Nul: la sonorisation pendant les démonstrations, on entend rien en dehors des chalets et du haut des gradins pour le dimanche (car en semaine, les gradins ne sont même pas ouverts. Les pros sans chalet ont donc les fesses dans l'herbe, sans le son... Nul!)
    Voilà. Plus qu'a souhaiter plus de militaires en 2017, car cela commence à ressembler à la Ferté Allais côté démonstrations en vol...

  • Bourget 2015 : qui a gagné des milliards ?
    Je partage totalement l analyse de Gil Roy. J ai 63 ans et je crois rarement avoir manqué les éditions du salon. Oui tout est en transformation au niveau du business-spectacle et beaucoup moins en magnifique attraction publique source de vocations. C est vrai que le retour de la mission Appolo ... le vol Concorde... le SR71 arrivant des USA en (moins de 3heures?) je ne parle pas du Tu144 ...bref tant de démonstrations magnifiques ou tragiques... Désormais c'est un gentil moment familial lissé léché avec des vols de planeurs !!! Certes ... Mais je crois que le show se passe dans les chalets pas ou beaucoup moins sur le tarmac.

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