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Industrie

Les avions d’Airbus sous la menace d’une surtaxe américaine

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Jérôme Bonnard

L’OMC (Organisation mondiale du commerce) autorise Washington à prendre des sanctions tarifaires dans le traitement du dossier des aides européennes à Airbus. Le président Trump, en pleine campagne électorale, a immédiatement sauté sur cette opportunité. Airbus « prend acte de cette décision » et compte sur une solution négociée.

Il s’agit de la sanction la plus lourde jamais accordée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Les prochains jours seront déterminants, il y a une volonté de négociation de la part de l’Europe et il serait plus sage qu’elle aboutisse. » a précisé Airbus à aerobuzz.fr. Faute de quoi les droits de douanes sur l’importation d’aéronefs et/ou de composants d’aéronefs imposés par l’USTR (United States Trade Representatives) seront instaurés à partir du 18 octobre 2019. Au total ces sanctions s’élèvent à 7,5 milliards de dollars et touchent aussi la grande consommation taxée, elle, à 25%. 150 produits européens sont concernés (des olives, des anoraks, du vin, des biscuits, des fromages, tournevis…)

+10% sur le prix de vente d’un Airbus aux Etats-Unis

Concernant Airbus, de lourdes taxes allant jusqu’à 100% ont même été évoquées. Cette nouvelle taxe douanière (de 10% pour le moment), si elle est appliquée, concernera le prix de vente global de l’avion. « Il s’agit du prix payé par le client. Il n’y a pas de prorata ou déduction sur les composants de l’avion fabriqués par des fournisseurs aux Etats-Unis »  nous explique Airbus. Il faut dire que c’est aussi dans l’intérêt des américains puisque près de 40% des appareils de l’avionneur européen proviennent de fournisseurs américains de produits aéronautiques et spatiaux.

Cette chaine d’approvisionnement made in USA représente 275.000 emplois dans 40 États américains et un chiffre d’affaires de 50 milliards de dollars au cours des trois seules dernières années. Au final « l’application de droits de douanes des deux côtés aurait de graves répercussions sur les secteurs industriels des Etats-Unis et de l’UE, entrainant une augmentation des coûts liés à l’acquisition de nouveaux aéronefs tant pour les compagnies américaines qu’européennes » a aussi précisé Airbus dans un communiqué.

Un contentieux vieux de quinze ans…

La bataille entre Airbus et Boeing a débuté en 2004 avec des dépôts de plaintes croisées devant l’OMC, les deux avionneurs s’accusant mutuellement de fausser la concurrence en recevant des aides publiques illégales (autour de 20 milliards de dollars pour chacun). Les Etats-Unis avaient d’abord accusé le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Espagne d’accorder des subventions illégales pour soutenir la production d’une série de produits Airbus.

S’en est suivi ensuite une longue série d’appels et de contre-appels entrainant les deux parties dans un bourbier juridique. En 2016, l’OMC avait jugé illégales les déductions fiscales accordées jusqu’en 2040 par l’Etat de Washington à Boeing sur le chiffre d’affaire réalisé par le prochain long courrier 777X (rival de l’A350 européen). Quant à la décision de l’OMC du 2 octobre 2019, elle fait suite au rapport rendu par l’Organe d’appel en mai 2018 qui avait estimé que l’UE ne s’était pas entièrement mise en conformité avec les règles de l’OMC s’agissant des subventions versées pour l’A380 et l’A350WXB.

Airbus produit aussi des avions aux Etats-Unis

Airbus a étendu son outil industriel jusqu’aux USA. Ce qui n’est pas le cas de Boeing avec l’Europe. « Sur les quelques 120 avions livrés sur le marché américain chaque année, 60 de la famille A320 sortent de notre usine de Mobile, alors que eux ne produisent rien chez nous » nous détaille Airbus.

Cela permettra à Airbus de continuer à produire au même coût dans son usine d’Alabama mais profitera aussi à Boeing, qui utilise des pièces européennes. Rien qu’en France, en 2017, Boeing a acheté pour 6,3 milliards de dollars aux équipementiers tricolores, confortant ainsi de sa position de premier client à l’export de l’industrie aéronautique française…

Dans ce rapport de force où tout est imbriqué, Airbus espère donc « que les Etats-Unis et l’UE accepteront de trouver solution négociée avant de causer de graves préjudices au secteur aéronautique ainsi qu’aux relation commerciales et à l’économie mondiale » a déclaré Guillaume Faury, CEO d’Airbus.

L’Europe prête à riposter

La Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a immédiatement réagi en affirmant qu’en cas de nouveaux droits de douane américains « l’UE n’aura pas d’autre option que de faire la même chose ». Il faut dire que dans cette affaire, l’Europe reproche de son côté à Boeing d’avoir été soutenu par l’administration américaine pour développer ses avions dans le cadre de programmes de défense américain. Ces actes ont été également condamnés par l’Organe d’appel en mars 2019 ; la décision de l’arbitre sur le montant des sanctions que l’UE sera autorisée à imposer sera rendue au printemps 2020.

L’Union Européenne réclame pour sa part environ 12 milliards de $ par an en réparation du préjudice subi. Elle a récemment proposé aux Etats-Unis de trouver un arrangement afin de mettre fin à l’amiable à ces contentieux et de poser les bases d’une négociation sur de nouvelles disciplines multilatérales en matière de financement du secteur aéronautique. Les Etats-Unis n’ont, à ce jour, pas donné suite à ces propositions… Un compromis n’est pas un argument de campagne électorale !

L’heure est à l’escalade. L’industrie aéronautique chinoise compte les points !

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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  • A un moment où beaucoup de Boeing sont interdits de vol il ne faudrait pas que ses concurrents privilégient leurs autres clients... Que deviendra l'industrie du transport aérien sans avions récents ?
    Donald Trump est comme tous les populistes, un homme à courtes vues.

  • Mesure symbolique qui ne va rien apporter a l'industrie americaine, au contraire puisque en valeur, les Airbus sont fabriques a partir de composants americains, de meme que les Boeing comportent un grand nombres de composant made in Europe. L'assemblage final d'un avion c'est environ 5% de son prix de vente, mais beaucoup voient en Airbus un avion 100% europeen. Meme dans le domaine militaire, le F35 par exemple fait appel a un grand nombre de composants venus du monde entier (ou presque ...}

  • il faut cependant relativiser ces sanctions. Les "vaches à lait" d'airbus ne sont pas concernées.
    Les sanctions portent principalement sur les A380.
    A voir ce que va être la réponse du me^me tribunal concernant les aides du gvt US envers son aviation, en particulier Boeing

    • Scusi Signor, l'OMC n'a pas de "tribunal". Ce sont des décisions "arbitrales" comme celle qui
      - a attribué des millions à Tapie,
      - condamné l'Égypte à des, là aussi, millions sur plainte de veolia (si je ne me trompe) pour manque à gagner parce qu'il était question d'augmenter le salaire minimum,
      - fait verser d'autres millions par un État (souverain, rappelons-le) à Philipp Morris parce qu'il avait fait campagne contre le tabagisme,
      Et c'est ce qui peut nous arriver avec le CETA et autres traités commerciaux.

    • Bonjour, il est vrai qu'épargner les "vaches à lait" à permis de ramener la surtaxe à 10% sur les avions européens et d'éviter le pire pour Airbus... Seuls les programmes A380 et A350 étaient visés par les américains, mais les sanctions au final portent sur tous les avions européens... et non principalement sur l'A380.

  • 5 à 4 - Avantage US, Balle au centre...

    Dans l'intervalle Boeing s'est emmêlé les pinceaux ou les crayons...
    Attendons l'engagement du prochain jeu avant de conclure à une victoire.
    Le cycle de vie des produit est bien trop long. Pour mémoire, les parties avant du 737 MAX sont communes avec celles du 707 dessiné en ???.

    Qui de notre côté se dévoue pour lancer une appel à Seattle en vue d'installer une chaine de montage en Europe ? Ce sera parfait : on prévoit la réserve foncière suffisante pour construire de grands parkings.

    Quant à vous messieurs les Anglais, vous n'êtes bientôt plus dans la bonne zone économique.
    Pourquoi bouder le plaisir de sourire de la situation...

  • L'Europe pourrait se servir des déboires du 737 pour refuser toute certification d'avion du fabricant Boeing sur le territoire européen et demander un ré-examen des modèles déjà certifiés, puisque apparemment l'organisme certificateur a été trompé sur la qualité des Boeing ..... du moins aussi longtemps qu'il y aura des taxes supplémentaires sur les Airbus !

  • Mort de rire !
    Donc au lieu d'acheter des A320 Néo les compagnies américaines vont acheter des B-737 max ?
    Ha ben non, il est interdit de vol...
    Mouarf !
    Mort de rire !

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