Anchorage, le rendez-vous des cargos du Covid-19

En pleine pandémie du Covid-19, alors que le transport aérien mondial était quasi à l’arrêt, l’aéroport Ted Stevens d’Anchorage est devenu certains jours, le plus fréquenté au monde. Depuis avril 2020, des milliers de gros porteurs chargés à bloc d’équipements médicaux transitent par l’aéroport d’Alaska. Les cargos Boeing 747 se concentrés sur ce coin du globe, et les MD-11 ont été appelés en renfort…

Le 25 avril 2020, l’aéroport Ted Stevens d’Anchorage en Alaska est devenu le plus fréquenté au monde avec 391 atterrissages et décollages dans la journée. « Avec la diminution du transport passager (qui est en moyenne de 5 millions par an à Anchorage), l’activité globale a baissé de 28%. Mais le cargo est monté en flèche, +16% en avril et +30% en mai 2020, comparé à la même période en 2019 » explique Trudy Wassel, directrice adjointe de l’aéroport, interviewée par Aerobuzz.fr.

Les plus grands aéroports US et mondiaux détrônés

Rien qu’aux États-Unis, selon la FAA, le trafic passager a chuté de 54,5% (soit 2,5 millions de vols en moins) dès avril 2020. Au cœur de la crise sanitaire, Ted Stevens (classé en temps normal 10^ème aéroport sur les 520 américains) est passé devant les trois aéroports combinés de New York JFK, La Guardia et Newark.

Anchorage a même volé la palme d’aéroport au plus grand nombre de vols à Atlanta Hartsfield-Jackson (qui est aussi la première plateforme mondiale passagers avec 110,5 millions de voyageurs en 2019) et de Chicago O’Hare.

Quand les avions convergent vers Anchorage

Depuis début avril, il y avait parfois en vol au même moment jusqu’à 60 avions cargo (contre 35 en mars d’après les données de site Flightradar24) en provenance ou à destination d’Anchorage. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter. Le 16 avril 2020 par exemple, par moins de 87 avions étaient en vols vers ou retour de Ted Stevens. C’est plus que tous les vols de ou vers les trois aéroports new-yorkais (JFK, La Guardia, Newark) combinés au même moment… 41 de ces avions étaient des Boeing 747.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jusqu’à 25 avions par heure en mai 2020…

Avec l’activité cargo en hausse, l’aéroport a continué sur un rythme très élevé entre 14 et 25 opérations (atterrissages et décollages) de frets par heure « Avec des pics entre 11h00 et 15h00 » précise Trudy Wassel à Aerobuzz.fr, et principalement avec de très gros porteurs. le trafic passagers a en revanche baissé de -88% comparé à la mêem période en 219.

« L’Alaska est un haut lieu touristique aux États-Unis. Mais la pandémie a tout arrêté, sans épargner la faillite de Ravn Air, la compagnie régionale locale qui reliait 115 destinations à travers l’Alaska avec 400 vols par jour et 72 avions… »

… et jusqu’à 63 Boeing 747 par jour

 « C’est 16 de plus par jour qu’il y a un an en mai 2019 ! » souligne Trudy Wassel. Le Boeing 747, déjà un visiteur très fréquent à Anchorage, reste plus que jamais l’indétrônable roi du tarmac de Ted Stevens. « Depuis le début de l’année, jusqu’en mai 2020, nous avons accueillis 7.400 Boeing 747 (+10%) contre 6.704 sur la même période en 2019. »

En outre, cette période particulière a vu revenir le MD-11 ainsi que l’Antonov 225 Mriya, plus gros avion-cargo au monde. L’appareil s’est posé à Anchorage le jeudi 30 avril, en provenance de Tianjin en Chine chargé de matériel médical avant de repartir le lendemain vers le Canada (Montréal). Depuis il est revenu faire escale à plusieurs reprises et pas plus tard que les 04 et 05 juin 2020…

Le MD-11 revient en force

Le McDonnell Douglas MD-11 a toujours été un visiteur fréquent à Anchorage, notamment aux couleurs de UPS et Fedex. En 2017, le tri-réacteur s’y est posé 3.201 fois. Sa présence a ensuite commencé à décroitre, comme nous l’explique la direction de l’aéroport « Début 2018, ces deux compagnies ont réduit de près de moitié leurs rotations de MD11 à Anchorage en intégrant de nouveaux avions (777F) dans leurs flottes. En 2019, les opérations de MD11 ont encore chuté de 30%. Mais depuis janvier 2020, la demande cargo est montée en flèche. D’abord avec le Nouvel An Chinois (envois de colis entre la grande communauté asiatique aux Etats-Unis et la Chine) puis  la pandémie et les besoins de transporter du matériel sanitaires… En Mai le MD-11 est revenu au même rythme d’opérations que novembre 2017 ! »

Une position stratégique

 « Anchorage est situé à moins de 9,5 heures de vol de 90% des zones industrialisées da la planète » précise l’aéroport sur sa page d’accueil de son site Internet. La plateforme reçoit en temps normal (hors pandémie) 2,7 millions de tonnes de marchandises.

Ouvert en 1951, Ted Stevens était une escale habituelle pour les passagers à destination de l’Asie des années 1960 aux années 1980 car les avions occidentaux ne pouvaient survoler l’espace aérien soviétique et n’avaient pas la capacité de faire le vol direct, sans escale.

Aujourd’hui, la majorité des gros porteurs peuvent aisément relier la côte Est des États-Unis à l’Asie sans escale. Mais l’heure est aux affaires « lucratives » pour l’industrie du transport aérien cargo, particulièrement avec les besoins d’approvisionnement en matériels sanitaires fabriqués en Chine…

Plus de marchandise, moins de kérosène

La majorité des avions qui transitent par Ted Stevens transporte moitié moins de kérosène qu’ils pourraient afin de gagner en capacité d’emport et donc transporter plus de marchandise. Le Boeing-747-400F, par exemple, peut emporter jusqu’à 203.520 litres pour une charge offerte jusqu’à 124.33 tonnes (données constructeur).

« Les compagnies aériennes cargo gagnent plus d’argent en passant par Anchorage ! » souligne Trudy Wassel. « Les avions ne déchargent quasiment rien de l’avion mis à part du périssable. Ils se posent simplement pour reprendre du carburant ou changer d’équipage ».

Bases permanentes

A Anchorage, les spotters peuvent aussi régulièrement admirer les Boeing 747 de Polar Air Cargo (qui opère aussi aux couleurs de DHL) basée ici et de sa compagnie mère Atlas Air. Comme nous le précise la direction de l’aéroport, « ces opérateurs font partie des exceptions puisqu’ils chargent ou déchargent beaucoup de fret ici. »

Fin 2019, UPS Airlines a d’ailleurs annoncé les travaux pour s’étendre sur la zone Nord de l’aéroport avec la construction d’un nouveau bâtiment de plus de 120.000 m2 ou l’équivalent de 20 stades de football pour un montant de 110 millions USD. Le début des travaux est prévu cette année pour une durée de deux ans. Le projet prévoit l’intégration de nouveaux parkings pour accueillir encore plus de Boeing 747-8F (Freighter). UPS en a commandé 28 et 15 sont déjà en service. C’est la plus grosse flotte au monde de cet avion.

Anchorage est certainement l’un des meilleurs endroits au monde pour (encore quelques années) admirer le super jumbo… et toujours le MD-11 !

Jérôme Bonnard