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Boeing va modifier les systèmes électriques du 787

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Thierry Dubois

Le constructeur américain a trouvé l’origine de l’avarie du 9 novembre. Les ingénieurs élaborent des corrections mais ignorent encore combien de temps il leur faudra. Des questions restent en suspens sur la gravité de l’incident qui a conduit à la suspension des essais en vol


Boeing a commencé à corriger le problème qui a causé l’incendie du 9 novembre à bord d’un 787 et la suspension des essais en vol. Sont prévues des modifications sur les répartiteurs de puissance électrique et dans un logiciel. Le constructeur américain ne sait toujours pas quand le programme pourra reprendre son cours.

La présence d’un corps étranger, hypothèse avancée par plusieurs sources industrielles depuis une semaine, est confirmée. Par exemple, un technicien de maintenance pourrait avoir oublié un objet dans la désormais fameuse armoire P100 de distribution électrique primaire, située dans la partie inférieure du fuselage, juste derrière l’aile gauche. Boeing parle de « débris » qui auraient « très probablement » provoqué un court-circuit ou un arc électrique. Des simulations en laboratoire ont permis de reproduire des « aspects essentiels » de l’avarie, explique Scott Fancher, chef du programme 787.

Premier changement : rendre plus robustes les armoires de distribution électrique, afin d’éviter que des corps étrangers ne causent encore ce genre d’ennui. Ensuite, il s’agira d’améliorer le logiciel qui « gère et protège » la répartition de puissance électrique. Autrement dit, il faut corriger des anomalies dans ce logiciel et éviter qu’une anomalie ne conduise à des dysfonctionnements plus graves.

Depuis l’incident, les questions se faisaient plus pressantes autour de la conception même des répartiteurs de puissance électrique. La filiale ECE de Zodiac, avec Hamilton Sundstrand, en est le fournisseur sur le nouveau long-courrier américain. Boeing reste l’architecte de ces systèmes.

Les ingénieurs spécialistes des systèmes électriques s’interrogent toujours sur un élément troublant : pourquoi l’éolienne de secours est-elle sortie ? Boeing n’a pas répondu à la question. Ce moulinet se déploie sous le fuselage et fournit de la puissance électrique et hydraulique. Certes, un communiqué (daté du 11 novembre) de Boeing explique que les systèmes de secours, dont la « ram air turbine » (RAT), ont fonctionné. Certes, Scott Fancher, cité dans le Seattle Times, insiste sur le fait que la sortie de l’éolienne « ne veut pas forcément dire » qu’aucune autre source de puissance n’était disponible.

Reste qu’un précédent communiqué, daté du 10 novembre, soit le lendemain de l’atterrissage d’urgence, ne cite que l’éolienne parmi les systèmes de secours qui ont permis à l’avion de se poser. Et dit clairement que l’avion avait perdu la puissance électrique primaire. C’est aussi Hamilton Sundstrand qui fabrique le moulinet du 787. Comme l’explique un document officiel de cet équipementier, l’éolienne fournit une puissance de secours en cas de panne des deux moteurs.

« Boeing doit éclaircir l’affaire et sans doute corriger les anomalies qui ont conduit à une perte complète des sources électriques normales », affirme un ingénieur, bon connaisseur de la conception du 787. Ces sources sont les deux générateurs installés sur chaque moteur et les deux générateurs du groupe auxiliaire de puissance (APU).

Selon l’ingénieur, l’incident aurait dû être circonscrit au système électrique lié au moteur gauche. Il aurait dû provoquer, au pire, un passage en « mode dégradé » des systèmes de gestion de la puissance électrique. Aucun système de secours n’aurait dû être nécessaire.
Une autre RAT est venue sur le devant de la scène récemment puisque, dans le poste de pilotage de l’A380 de Qantas endommagé par un incident moteur, l’équipage semble avoir reçu le message « éolienne déployée » – ce qui n’était probablement qu’un bug. Quoi qu’il en soit, les problèmes du 787 montrent combien le concept d’avion « plus électrique » est un défi technologique. Remplacer des systèmes hydrauliques et pneumatiques par des systèmes électriques n’est pas anodin.

Les ingénieurs de Boeing en sont encore à estimer le temps qu’il leur faudra pour mener à bien leurs travaux. L’avion ZA002, toujours bloqué à Laredo au Texas, se prépare pour son retour à Seattle—sans précision de date. Un « calendrier révisé » pour les essais en vol doit être dévoilé « dans les prochaines semaines ». Ce sera un retard de plus pour le programme 787. Ce calendrier doit être approuvé par la FAA, dont un pilote était dans le poste lors de l’atterrissage d’urgence.

Thierry Dubois

Armoire de distribution électrique ECE du Boeing 787
Les 787 demeurent cloués au sol
Les systèmes Hamilton Sundstrand sur le Boeing 787
Ce nouveau problème pourrait remporter les premières livraisons du 787 à 2012.
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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

View Comments

  • Il y a code et code ...
    Il y a une grosse différence entre un composant gravé une fois pour toutes "en dur" qui est assimilable à ce que autrefois on appelait "logique cablée" et dont la taille est limitée et les logiciels "vivants" avec leurs corrections, leur "patchs" et autres mises à niveau incessantes dont la taille est énorme ...

    Je ferai confiance au premier, pas au second.

  • Logiciels
    En tant qu'ingénieur généraliste à dominante mécanique avec une triple culture mécanique, électronique et certification de systèmes aéronautiques complexes à logiciel prépondérants (10 ans d'expérience dans ce domaine), je suis à 100% d'accord avec le point de vue de FbS

  • Boeing va modifier les systèmes électriques du 787
    Ne pas confondre electronique et logiciel.

    On sait concevoir un système électronique même complexe, et en valider le fonctionnement "sur plans" (paradoxalement, dans des logiciels qui font ca très bien..par exemple un design de microprocesseur de 4 milliards de transistor peut-être est validé sur plans avant d'être gravé)

    Pour l'instant, malgré des recherches en ce sens, personne n'est en mesure d'effectuer ce que l'on appelle une "preuve" d'un programme, c'est à dire, a partir du code écrit, en valider le fonctionnement au travers de l'equivalent d'une démonstration mathématique. On ne sait le faire qu'au travers de tests, c'est à dire une approche empirique qui ne prend en compte que les cas effectivements testés.

    Dès que le logiciel devient relativement complexe, le nombre de cas de figures possibles étant en théorie 2 à la puissance du nombre de conditions de test dans le code (moins quelques factorisations), soit rapidement des chiffres qui dépassent l'entendement, on ne testera jamais qu'un sous-ensemble très réduit des cas de la vie réelle. Et on croisera les doigts pour que ca se passe sans casse dans les autres cas. Le génie logiciel offre certains outils et techniques pour réduire au maximum l'espace des cas de figure (réutilisation, modularité, abstraction...) ce qui permet de faire des choses plus complexes avant de ne plus rien maitriser, mais ne fait que repousser le problème a un niveau de complexité supérieur (on arrive a faire marchouiller des logiciels plus complexes avec ces techniques que sans). Mais on ne garantit toujours pas le fonctionnement. La démarche de l'industrie, vous pouvez le constater avec votre PC, étant de laisser les utilisateurs valider le système, en élargissant le domaine des tests aux cas qu'exploreront au fil du temps les utilisateurs, et de corriger les problèmes une fois qu'ils ont été détectés. C'est acceptable pour votre PC ou un de ses logiciels qui vous fait perdre un peu de temps quand il plante, moins si votre vie est en jeu en cas de bug. Tout au plus, pouvons nous, de manière également empirique, constater a posteriori que le code s'est comporté de manière satisfaisante dans un nombre suffisemment élevé de cas pour faire un nombre de morts acceptables à l'arrivée (10-6 en aviation)

    Vous êtes toujours partant pour confier votre vie a un bout de code ? Surtout un truc super complexe qui fait simultanément papa, maman et le café ?

    • Boeing va modifier les systèmes électriques du 787
      Excusez-moi pour la confusion du point de vue éthique entre électronique et informatique. Pourtant c’est un mariage forcé qui fonctionne très bien et qui progresse sans cesse. Les 4 milliards de transistors sans logiciel ne font rien, et réciproquement. Ça s’appelle numérique ?

      Je ne suis pas expert ni en électronique, ni en informatique, mais dans mon métier de mécanicien, j’ai côtoyé ces deux premiers groupes. J’ai connu tous les ennuis du monde avec ces systèmes numériques. Des capteurs qui ne lisaient pas ce qu’on aurait voulu, deux processeurs qui allaient en collision sur une ligne CAN, des effets de bord. J’ai connu aussi des bidouilleurs en informatique. Et j’ai compris votre vision car je la connais. Il faut du courage pour progresser, l’espèce humaine a cette grande qualité. Probablement on laissera la place à la jeune génération qui est née avec une souris dans la main ?

      Je crois que la société internationale devrait solliciter la fondation Nobel pour créer un prix Nobel spécial du numérique pour le nombre de vie sauvée.

      En 1972, il y a eu 16545 tués sur les routes françaises. Pour diverses raisons convergentes, tout le monde a participé au progrès, aujourd’hui, ma Dauphine tient sur la route. En 2008, il y avait encore 4275 tués. À la question si je confierai ma vie à un bout de code, ma réponse est oui car il sauve des vies. Déjà, par exemple l’ABS est obligatoire sur les automobiles. Déjà les moteurs automobiles sont gérés par des calculateurs ce qui permet de gérer la consommation de carburant (moins de CO2), de polluer moins (moins de maladies cancérigènes), de moins tomber en panne (vie plus agréable). Certains constructeurs automobile introduisent des espions à bord pour vérifier le conducteur, sa vigilance au volant, une caméra est capable de reconnaitre les panneaux de limitation de vitesse ou un obstacle devant. Imaginez combien de vies sauves ainsi.

      Dans mon avion aujourd'hui, je dois gérer encore toutes les manettes du moteur à se réciter à chaque fois par cœur avec des moyens mnémotechniques, alors que je devrais regarder dehors pour mon vol VFR, alors je serai bien heureux d’avoir un esclave intelligent à bord qui fasse une partie de ce boulot pour moi. Le GPS est déjà entrain de me filer un bon coup de main super sympa, au lieu de déplier les cartes ou les fiches d'aéroports sur les genoux et rechercher où on est ou les fréquences radio. Le moteur d’avion de l’aviation générale du futur (horizon 2020 et au delà) devra être géré totalement avec l’électronique numérique et quelque part, son réseau de neurones artificiels gérera mon affaire pour me laisser jouir de mon voyage, de mon paysage, de mes amis à bord. Que mon avion transmette via satellite ou autre, des données de mon vol à terre au constructeur de mon moteur en cas de doute des neurones artificiels, et bien, tant mieux, ça me rassurera beaucoup qu’on puisse penser à moi. Saint-Exupéry a débroussaillé l’aviation, et il a eu le temps de penser au Petit Prince lors d’un long arrêt imprévu dans le désert, aujourd’hui j’ai plutôt envie de penser au Petit Prince en voyageant où je veux, grâce à l’aide de mon esclave à bord.

      Je confie mon argent à l’électronique / informatique. Mon banquier n’est juste qu’un contact humain. 50% de l’usage de l’électronique – informatique est utilisé par les banques et les transactions d’argent. Jusqu’à présent tout semble bien se passer.

      Oui, en 2020 j’accepterai de monter dans un avion sans pilote (comme un UAV) pour aller d’un point à un autre point. Car le futur est ici. Il y a encore un peu de travail pour les ingénieurs, les physiciens, les mathématiciens et les inventeurs. Ça s’appellera alors la nanoélectronique ? Mais, surtout il ne faut pas tomber dans le monde de Globalia, livre écrit par Jean-Christophe Rufin, ni dans ce monde de réseaux virtuels qui nous envahit aujourd’hui.

      cordialement. Noël

  • Boeing va modifier les systèmes électriques du 787
    Faudrait surtout cesser de mettre du logiciel partout, alors que personne ne peut véritablement en garantir le bon fonctionnement (et ce d'autant moins qu'il est sophistiqué)

    C'est du moins ce que je pense en tant qu'ingénieur en informatique.

    • Boeing va modifier les systèmes électriques du 787
      je voudrais corriger votre commentaire sur l'électronique.

      En tant que simple ingénieur mécanicien (celui qui a les ongles noirs), je partage l'extrait de la fameuse vision 2020 de l'aéronautique (que je reporte ci-dessous, je laisse le texte en anglais). Du progrès réalisé dans mon métier, je peux affirmer que sans l'électronique (télémètrie, mesures, capteurs, transmission de données via satellites, calculs FEM, calculs de combustions, simulations mathématiques, calculs de tous genres), nous serions encore aux carburateurs ou à l'injection mécanique sur les moteurs à pistons.

      je suis intimement convaincu de ce qui est écrit ci-dessous. C'est vrai que ça demande du courage et ce n'est pas gagné en termes de marketing pour vendre un produit full electronic in the sky.

      MAKING THE MOST OF ADVANCED ELECTRONICS
      The digital revolution is enabling huge strides to be made in aircraft design, production, manufacturing, maintenance and operating and traffic management. There will be vital impacts on flight systems, where much greater integration will bring top line operation, minimal fuel consumption and dramatic improvements in safety standards. Integrated electronic systems will greatly improve reliability, remove causes of unscheduled maintenance and allow the opening of “the office and home in the sky”.

      cordialement. Noël

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