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L’héritier

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Martin R.

Le mono-turbopropulseur français contre-attaque pour le plus grand plaisir de ses aficionados. Avec sa nouvelle motorisation, il est désormais armé pour faire face à l’arrivée imminente des jets ultra légers. La partie sera serrée, mais le TBM850, en digne descendant d’une des plus prestigieuses lignées d’avions de grand tourisme, ne manque pas d’atouts dans son jeu.


C’est un avion qui ne laisse pas indifférent. Il cristallise une véritable passion. Il est l’objet d’un culte. A travers la planète, les propriétaires de TBM700 constituent un club à part pour lequel toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver et échanger autour de cette machine d’exception. Sa ligne racée, ses performances et son agilité l’ont souvent fait comparer à un warbird. S’il présente les qualités de vol de ces chasseurs de la Seconde Guerre, il offre aussi le confort d’une berline de luxe. Avec 150 cv de plus sous le capot, le TBM850, dernière évolution en date, est définitivement irrésistible.

L’idée du TBM 700 est née dans les années 80. A cette époque, les bimoteurs à piston qui jusque-là ont fait les beaux jours de l’aviation d’affaires se révèlent de plus en plus poussifs et chers à exploiter. Ils ne répondent plus aux attentes de la clientèle qui commence à regarder avec envie du côté des biturbopropulseurs et des jets. Mais la marche est trop haute. D’où la réflexion menée par les constructeurs d’aviation générale de proposer au marché un produit intermédiaire.

Au milieu des années 80, aucun d’entre eux n’a encore trouvé le moyen de résoudre l’équation d’un avion rapide, capable de transporter six personnes sur une longue distance, à un coùt raisonnable. En 1986, le constructeur texan Mooney et le français Socata décident d’unir leurs compétences et leur savoir-faire pour dessiner, construire et commercialiser un monoturbopropulseur pressurisé capable de se mesurer aux jets. L’objectif est ambitieux. Le groupement franco-américain s’engage dans la voie d’un avion de sept places, volant en croisière à plus de 550 km/h (300 nœuds), à une altitude de 9140 mètres (niveau 270) sur des distances de l’ordre de 2780 km.

Le défi est relevé par deux hommes. D’un côté, Pierre Gautier, PDG de Socata, ancien directeur du programme Concorde. De l’autre, Alexandre Couvelaire, président de Mooney Aircraft, l’un des pionniers de l’aviation d’affaires en France. Le projet porte le nom de code M301. L’avion n’existera qu’à un seul exemplaire construit par Mooney. Le prototype de ce six places pressurisé est décortiqué. La direction technique de Socata, dirigée alors par Claude Lelaie, actuel patron des essais en vol d’Airbus, premier pilote de l’A380, décide de repartir à zéro et surtout de faire appel à la conception assistée par ordinateur. Une première rendue possible grâce à la proximité du bureau d’études de l’Aérospatiale de Toulouse. La voilure du futur avion bénéficie des recherches menées pour le biturbopropulseur de transport régional ATR72. La technique de construction est directement issue de celle des Airbus, notamment les collages métalliques et les matériaux composites.

Le nouveau né de Socata est baptisé TBM 700. TB pour Tarbes, là où se trouvent les ateliers du constructeur français. M pour Mooney. 700 en référence à la puissance de son turbopropulseur Pratt & Whitney PT6A. Il faut s’arrêter sur cette motorisation. Elle est le secret du succès du TBM700. Construite à des milliers d’exemplaires, cette turbine équipe des dizaines de milliers d’avions qui totalisent des millions d’heures de vol à travers la planète. Sa fiabilité est démontrée quotidiennement dans le cadre des missions les plus diverses. Seule la PT6A a permis de passer du bi ou monomoteur.

La faisabilité du projet d’un monomoteur étant démontrée, le programme industriel est officiellement lancé à l’occasion du salon du Bourget 1987. Moins d’un an plus tard, le 13 juin 1988, le prototype 01 du TBM700 fait son roll-out à Tarbes. Un mois plus tard, le 14 juillet, il effectue son premier vol, et le 31 janvier 1990, il est certifié. Le premier client prendre livraison de son avion, à l’occasion de la convention annuelle de la NBAA, qui se tient en 1990, à la Nouvelle-Orléans. Les pilotes américains adoptent le TBM700. Leur engouement qui frise pour certains d’entre eux la passion ne se démentira jamais comme le démontre l’accueil réservé par la clientèle nord-américaine au TBM850, fin 2005.

EADS Socata a offert la primeur de l’information à ces inconditionnels en organisant en Floride une présentation, en avant-première, de son nouvel avion. Auparavant, l’avionneur avait contacté ses prospects les plus sérieux pour leur faire part de lancement imminent du nouveau modèle. Cette démarche, entourée de la plus grande discrétion, n’est pas sans rappeler celle dont est coutumier Ferrari lors du lancement d’une nouvelle voiture. Le succès était au rendez-vous puisqu’en quelques jours seulement, le constructeur français a engrangé 35 commandes. Les options existantes sur le TBM700 ont toutes été transformées sur le nouveau modèle qui présente, à l’évidence, des améliorations significatives.

Grâce à son nouveau turbopropulseur PT6A-66D qui fait passer sa puissance de 700 à 850 ch, le TBM850 offre une vitesse de croisière de 320 kts, soit un gain de 25 kts qui réduit de moitié l’écart qui séparait le TBM700C2 des futurs biréacteurs ultra légers. Son nouveau compresseur à pales monocristallines fonctionnant à des températures plus élevées, lui octroie aussi un gain de 55 kts au niveau 310 avec des températures supérieure de 20°C aux conditions standard. A pleine charge, le TBM version 850 passe le niveau 260, c’est-à-dire l’altitude de 8.500 m, en 15 minutes seulement et le niveau 310 (10.230 m) en 20 minutes. De telles performances remettent EADS-Socata dans la compétition face aux biréacteurs ultra-légers. Et c’était bien évidemment là l’objectif premier de l’avionneur.  » Nous avons interrogé nos clients américains et il est ressorti qu’ils avaient besoin d’un avion plus rapide « , explique Stéphane Mayer, le PDG d’EADS Socata. Il était le plus rapide des monoturbopropulseurs. Il creuse encore l’écart avec ses concurrents directs et il revient dans la course avec les pocket jets.

Compte tenu de ses qualités intrinsèques, le TBM devait impérativement combler son handicap au niveau de la vitesse propre pour rester compétitif. S’il demeure légèrement moins rapide en vitesse pure, d’un point de vue opérationnel, il fait mieux que tenir la comparaison face au Citation Mustang qui incarne son plus redoutable compétiteur.

Son rayon d’action supérieur à celui de n’importe lequel des pockets jets sur le point d’investir le marché est son meilleur atout. Il lui permet de sauter les escales techniques indispensables aux jets.  » Si sur un voyage de 500 nm, soit un peu moins de 1000 km, le biréacteur est plus rapide de 7 minutes, en revanche sur une distance de 1.200 nm (2.100 km), supérieure à la distance de franchissement de la plupart des jets ultra légers, le TBM850 offre un gain de 11 minutes « , explique Nicolas Chabbert, le directeur commercial d’EADS Socata. Si ces différences demeurent marginales, en revanche, dès lors qu’entrent en ligne de compte les coùts d’exploitation, là le monoturbopropulseur devient beaucoup plus avantageux.  » Ceux d’un biréacteur léger sont 50 % plus élevés que ceux du TBM850 « .

Toutefois, cet appareil souffre de deux handicaps face aux pockets jets. Le premier est lié à son avionique. Les petits biréacteurs sont tous équipés des plus récentes suites. EADS Socata n’a pas encore fait le saut technologique qui aurait permis au TBM d’apparaître véritablement plus moderne. Le constructeur français invoque l’incompatibilité des suites avioniques telles que la célèbre Garmin G1000 avec son pilote automatique jugé comme le nec plus ultra. Opté pour un glass cockpit impliquait d’adopter un pilote automatique moins performant, ce que s’est refusé à faire Socata. Toutefois, il est important de souligner que l’avionique du TBM850 n’est pas obsolète et qu’il s’agit de matériel de pointe. Elle a seulement le défaut d’apparaître un peu moins moderne.

Le deuxième handicap s’inscrit dans le même registre. Il réside tout simplement dans le fait que le TBM850 n’est pas propulsé par un réacteur. Là encore, le paramètre psychologique l’emporte sur le rationnel. Tous les propriétaires ne seront pas sensibles à cet argument, d’autant qu’une proportion d’entre eux n’oseront pas se risquer à faire le saut. Pour un pilote privé, le passage au réacteur implique un investissement personnel dans un nouvel apprentissage. Tous ne sont pas prêts ou n’ont pas la capacité à le réaliser.

Autant d’arguments qui pèsent en faveur du TBM850 dont le cœur du marché demeure le pilote privé américain qui utilise son avion pour ses déplacements professionnels et privés.  » Sur les 35 exemplaires livrés en 2002, 25 l’ont été à des privés américains. Sur les 350 TBM700 vendus depuis 1990, plus de 70 % volent sous pavillon américain. Aux Etats-Unis, il fait l’objet d’une véritable  » tébemmemania « . Le premier TBM850 livré prendra prochainement la direction de l’Indiana piloté par son propriétaire, John Inshaw. Cet entrepreneur en bâtiment possédait depuis 2003 un TBM700. Il a choisi de le changer pour un 850 dès qu’il a su que le nouveau modèle était disponible.  » J’ai été séduit par ses performances, son budget raisonnable, mais surtout parce que je connais l’attachement des équipes techniques d’EADS Socata à la satisfaction du client « .

Ce pilote privé américain est représentatif de la clientèle américaine du TBM.  » Le pilote-propriétaire type aux USA est quelqu’un qui a bien réussi dans la vie. Il a la cinquantaine. Il est à la tête d’une entreprise individuelle. Il rêvait depuis toujours de posséder son propre avion « , explique Stéphane Mayer. John Inshaw répond à ce portrait robot. Il n’exploite pas son TBM pour des voyages d’affaires, son activité professionnelle étant concentrée dans l’Indiana. Il l’utilise uniquement pour ses déplacements privés.  » J’ai fait le choix de cet avion parce qu’il est rapide, qu’il est facile à piloter et qu’il est pressurisé, ce qui autorise de voler au-dessus du mauvais temps. Il permet aussi de faire des étapes de 1100 NM. Depuis l’Indiana, nous pouvons aller partout sans faire d’escale. Nous avons un enfant qui vit à Denver et un autre à Atlanta. C’est très pratique. J’ai passé deux ans à rechercher l’avion qui nous conviendrait le mieux. J’ai essayé le Piper Meridian, le Cheyenne, le King Air 90 et en définitive, le TBM était toujours le meilleur « .

John vole entre 200 et 250 heures pas an. Pour le plaisir.  » Quand il est stressé au travail, il va voler et il se sent tout de suite mieux « , explique son épouse. Elle a accompagné John à Tarbes, en avril dernier, pour voir leur futur avion en cours d’assemblage. Les propriétaires des TBM font fréquemment ce voyage. Tarbes est le berceau. C’est là que la saga a commencé. C’est à Tarbes que Morane-Saulnier, l’ancêtre d’EADS Socata est devenu en 1954 le constructeur du premier jet de liaison, le quadriplace Paris. Le précurseur de l’avion d’affaires moderne. Le TBM850 s’inscrit dans cette lignée prestigieuse.
Face au succès remporté par son dernier né, le constructeur français a décidé de passer ses cadences de production de 3 à 4 avions par mois, cette année.  » Nous ferons plus en 2007 encore « , affirme Jacques Lordon, le directeur Aviation générale de la société, d’autant que d’autres évolutions sont en gestation.

Gil Roy. Altitudes N°12 / Juillet 2006

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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