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Transport Aérien

Le 737 d’Ukraine Airlines, abattu par deux missiles Tor

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François Brevot

Certes, l’iran a reconnu sa responsabilité dans la destruction du Boeing 737-800 du vol PS752 d’Ukraine International Airlines. Mais, ce n’est pas un, mais deux missiles sol-air SA-15, ou Tor-M1, chargé de la défense de Téhéran, qui ont été tirés, affirme le New York Times. 

C’est un système sol-air Tor-M1, qui a abattu, avec deux missiles 9M331, le vol PS752, quelques minutes après son décollage de l’aéroport Imam Khomeini. Le système Tor est également connu dans l’OTAN, sous la désignation SA-15 « Gauntlet ». 176 passagers et membres d’équipage ont trouvé la mort dans ce drame survenu le 8 janvier 2020. Le 11 janvier 2020, les autorités iraniennes ont reconnu la responsabilité des servants d’une batterie de missiles sol-air postée dans le secteur.

La défense anti-aérienne, épine dorsale des forces iraniennes

En 2010, 19 sites de batteries de missiles sol-air opérationnels ont été répertoriés en Iran, par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Ils sont répartis en 13 zones jugées sensibles pour la défense iranienne, dont celle de Téhéran. Sous le commandement des forces de défense anti-aérienne, ils sont autonomes par rapport à la marine, l’aviation, et l’armée de terre. Certains sites clefs, dépendent des IRGC, et non pas de l’armée, comme ces Tor-M1 qui défendent Téhéran. La défense sol-air est l’assurance survie du pays face à la supériorité technologique adverse.

On compte 17 types de missiles sol-air en service en Iran, distribués entre ces 13 secteurs, les deux tiers étant d’origine russe, dont les 29 systèmes mobiles de type Tor M-1. Un système est composé de 4 lanceurs associés à un véhicule de commandement Panzhir-M, chargé de coordonner les tirs. Le 9M331 a une portée de 12 km, mais de 6.000 mètres en altitude. Les SA-15 Tor-M1 ont été livrés par la Russie à l’Iran, à compter de 2007.

Le SA-15, un système sophistiqué

Le système de missiles sol-air SA-15 à l’origine de la destruction du vol PS752 était opéré par les forces aérospatiales des gardiens de la révolution islamique (IRGC). Babak Taghvaee, expert en affaires de défense dans le Golfe Persique explique : «  Quelques minutes après son décollage, le vol PS752 a pris un cap « , qui par le plus grand des hasards,  » le plaçait dans l’axe du centre de recherches en missiles balistiques Tehrani-Moghaddam des IRGC de Parand.« 

Ce site stratégique était défendu par un système SA-15 (Tor). Les opérateurs de ce SA-15 ont identifié à tord le Boeing, en tant que vecteur hostile. Sur une série de videos diffusées par le New York Times – et vérifiées par ses  » fact checkers  » experts en analyses de documents audiovisuels –  nous avons la certitude désormais, que deux missiles ont été tirés.

Des missiles 9M331 à « fusées de proximité »

Le vol PS752 a décollé à 6h12. Il est monté à 8.000 pieds. A 6h15, le lance-missiles Tor a tiré une première munition 9M331 sur le 737-800. Dans cet intervalle, le transpondeur du 737 a été mis hors service. 23 secondes plus tard, un second 9M331 a frappé le 737 qui, en flammes et dans l’urgence, faisait demi-tour vers l’aéroport. On le sait, à 6h19, il s’est écrasé près du village de Khalaj Abad.

Le 9M331 est un missile doté d’une fusée dite « de proximité », dont la charge s’active par elle-même « à proximité » de la cible, et non pas, au contact physique avec celle-ci. Cela explique pourquoi le Boeing n’a pas été complètement désintégré en plein vol, mais très endommagé par les deux charges déclenchées dans son environnement immédiat, avant de s’écraser.

Une confusion avec des missiles de croisière

Le 9 janvier 2020, en réponse à l’attentat dont a été victime l’un de ses généraux, l’Iran avait tiré 13 missiles Fateh-313 et Qiam-1 contre la base américaine de Ain Al-Asad, en Irak. Dans les heures qui ont suivi, la défense sol-air a été mise en alerte par les forces armées et les IRGC, pour contrer un probable raid aérien américain contre des bases ou des installations. Au cours d’un briefing donné devant la télévision, le 11 janvier 2020, le général de brigade Amirali Hajizadeh a précisé que les forces iraniennes s’attendaient plus notamment, à une attaque de missiles de croisières. 

Hajizadeh n’a pas expliqué pourquoi les autorités n’ont pas fermé le trafic civil, ce jour-là. D’après le New York Times, 19 vols civils ont eu le loisir de décoller de cet aéroport, dans les heures qui ont suivi les frappes contre Ain Al-Asad. Hajizadeh a d’ailleurs reconnu l’erreur, une précaution pourtant bien entrée en usage partout ailleurs, en temps de conflit. Dernier exemple en date, au Pakistan, le 27 février 2019, Islamabad avait pris soin de fermer son espace aérien, dans la foulée des combats du Cachemire entre son aviation et celle de l’Inde.

Un environnement de  » cyberguerre «

D’après Babak Taghvaee, une attaque cybernétique américaine contre les moyens iraniens aurait ce jour-là, paralysé le fonctionnement de canaux de coordination entre les batteries, et leur centre de commandement (C4I), plongeant les opérateurs du Tor dans la confusion. Cela étant, en Iran, les systèmes anti-aériens fonctionnent avec un haut degré d’autonomie par rapport à leur C4I, habilités à prendre des initiatives de tir, explique Babak Taghvaee. Mais d’après le général, les opérateurs auraient dû obtenir l’autorisation du commandement, avant de traiter leur cible. Les deux sources s’accordent donc sur le fait qu’ils auraient décidé de tirer, en pleine solitude et sous la pression d’un état d’urgence.

François Brévot

 

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François Brevot

François Brévot est un reporter globe-trotter, chroniqueur, et photographe, passionné d’histoire contemporaine, aéronautique et spatiale, et de géopolitique. Il écrit en particulier, sur l’aviation militaire moderne ou ancienne, française ou internationale, et de nombreux récits de voyages sur des destinations et musées à caractère aéronautique. Spécialisé sur les nouvelles puissances aériennes, il visite très régulièrement les salons aéronautiques émergents du nouveau Siècle, que ce soit en Russie, en Chine, en Asie, en Turquie, et se passionne pour les nations d’Europe centrale.

View Comments

  • Bonjour,
    On peut aussi supposer qu’ils ont reçu ordre d’abattre tout ce qui volait.
    La responsabilité ne serait-elle pas chez ceux qui n’ont pas interdit le survol du territoire iranien ? Et là, ce ne sont certainement pas les servants.

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