Le fret à grande vitesse en bonne voie

Avant la fin de la décennie, Paris-CDG devrait est équipé d’une deuxième gare TGV. A la différence de la première, celle-ci sera exclusivement dédiée au fret. L’objectif est de répondre à la demande croissante de transport de fret express en transférant sur le train une part du tonnage acheminé par avion et par camion.

L’idée était dans l’air depuis 1999. Pourquoi en effet, les opérateurs de fret express ne pourraient-ils pas utiliser le TGV pour desservir des villes et des territoires en France et en Europe, situés principalement entre 300 et 800 kilomètres de l’aéroport de Roissy ? Une partie des marchandises transitant par la plate-forme parisienne de fret aérien voyagerait ainsi par le rail plutôt que par la route ou l’air, avec tous les avantages que cette substitution de mode de transport présente. Cette réflexion a fait son chemin avant d’entrer dans une nouvelle phase, il y a tout juste un an, avec la création de l’association Roissy Carex (Roissy Cargo Rail Express), dont la vocation est d’étudier la faisabilité d’un tel projet de transport de fret express par voie ferroviaire pour la desserte de Paris-CDG.

Cette accélération du processus de maturation est liée à l’entrée en scène d’Aéroports de Paris, Air France Cargo, la Poste, et des deux poids-lourds du fret express, FedEX et UPS, qui sont parvenus à fédérer autour du projet, les pouvoirs publics (Etat et collectivités locales) et plusieurs autres acteurs économiques du site (TLF, TNT et WFS). L’objectif de Roissy CAREX est de favoriser la création d’une plate-forme intermodale air-rail de fret express, raccordée aux LGV (lignes à grande vitesse) passant à proximité de Roissy (LGV Nord et Interconnexion) et qui permettrait d’utiliser des trains de fret à grande vitesse, afin de desservir des zones économiques en Europe telles que Londres, Cologne, Francfort, Bruxelles, Amsterdam, Lyon, et éventuellement le sud de l’Europe.

L’association présidée par Yanick Paternotte, Président du comité d’expansion économique du Val d’Oise (CEEVO) et Premier Vice-président du Conseil général du Val d’Oise a fait réaliser une étude de faisabilité qui montre que le taux de remplissage moyen des rames de fret serait satisfaisant, et permettrait un coùt de transport de la tonne de fret très attractif. Elle quantifie également l’intérêt du projet dans le cadre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec un bilan carbone du projet très favorable par rapport aux modes aériens et routiers. Il est évident que la question environnementale est au cœur du problème.

 » L’industrie du transport express est l’un des secteurs économiques à plus forte croissance dans le monde. Elle progresse de 12 à 16 % l’an, contre 6,2 % l’an pour le fret aérien classique. Nous pensons que le projet de ligne à grande vitesse est véritablement innovant sur le plan environnemental, ambitieux sur le plan technique et prometteur sur le plan économique. Nous espérons qu’il devienne réalité au cours des cinq prochaines années  » affirme Alain Chaillé, Vice-Président des opérations de FedEx pour l’Europe du sud et Vice-président de l’association Roissy CAREX.

La réalisation du projet passe par la création d’une gare TGV-fret sur la plate-forme. Deux options se présentent. La première consisterait à construire le nouvel équipement au nord-ouest de l’aéroport afin de pouvoir la relier à la ligne grande vitesse Paris-Bruxelles. La gare se situerait sur le territoire de la commune de Goussainville. La seconde possibilité serait d’implanter la future gare au sud-est de la plate-forme, sur le territoire de la commune de Tremblay-en-France, et de la raccorder à la ligne qui traverses CDG2. En fonction de leur localisation géographique sur la plate-forme, les différents opérateurs sont partisans d’un choix ou de l’autre.

Avant même que le choix ne soit tranché, le dossier a d’ores et déjà reçu le soutien de plusieurs ministres, dont celui des Transports et de l’Equipement :  » le projet d’une plate-forme multimodale air-rail pour le fret express est une idée passionnante dont je soutiens sans réserve le développement, tant pour l’aspect économique que pour les aspects environnementaux et pour l’innovation en la matière », a déclaré Dominique Perben.  » Il y a là une opportunité pour que l’aéroport de Roissy devienne une plate-forme logistique multimodale de référence en Europe et dans le monde « . Le projet CAREX permettrait en effet de remplacer l’utilisation d’avions par celle de rames ferroviaires à grande vitesse spécialement conçues pour contenir des conteneurs pour avions, ce qui permettrait aux transporteurs de fret express, qui opèrent majoritairement pendant la nuit, de continuer de développer leur activité sans besoin de créneaux aériens supplémentaires, à la satisfaction des riverains de l’aéroport de Roissy.

Il apparaît clairement que le développement du fret express ne pourra pas continuer à se pousuivre en Europe sur le même schéma. La pression environnementale entrave l’activité des opérateurs aériens en limitant le nombre des mouvements. L’intermodalité est un passage quasi obligatoire si les expressistes veulent continuer à pouvoir répondre à la forte demande du marché. Avec l’extension du réseau européen ferré à grande vitesse, le train apparaît aujourd’hui comme l’avenir de la plate-forme fret de Roissy-CDG.

Gil Roy. Entre Voisins – Théma N°11 / Mai 2007