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Transport Aérien

Le transport aérien ne doit plus compter que sur lui-même.

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Gil Roy

La liquidation sans appel d’Aigle Azur, le sort comparable qui guette XL Airways à court terme et la détermination d’Air France à ne pas s’impliquer dans un hasardeux sauvetage de ces compagnies semblent démontrer que le gouvernement français a décidé de laisser faire le marché. Le pavillon français n’est pas condamné pour autant.

Week-end meurtrier pour le pavillon français. Liquidation d’Aigle Azur : 1.150 salariés au chômage. Pas d’offre de reprise financée pour XL Airways : 570 salariés en sursis. La Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) déplore « cette situation dont les conséquences pénalisent, le personnel des compagnies, leurs familles et l’économie française au sens large ». Pour sa part, le secrétaire d’Etat chargé des Transports, « regrette qu’aucune offre financée n’ait pu aboutir pour permettre une reprise de la compagnie aérienne. » Quant à l’intersyndicale d’XL Airways elle lance un « mayday » : « Nous exhortons les pouvoirs publics, nos actionnaires actuels et nos autorités de tutelle à trouver une solution. Le temps presse. » Autant d’aveux d’impuissance…

Nouvelle donne pour le transport aérien français

En d’autres temps, Air France aurait repris Aigle Azur et XL Airways, et aurait hypothéqué ses chances de redressement. Il est ici question d’un temps où les directeurs des compagnies étaient des grands commis de l’Etat, chargés de mettre en œuvre des décisions prises à l’Élysées ou à Matignon. Mais, l’année dernière, en allant chercher au Canada, un professionnel du transport aérien, le pouvoir politique a ostensiblement choisi de couper le cordon ombilical.

Cela ne veut pas dire pour autant que Ben Smith, le CEO d’Air France-KLM, n’aie pas subi de pressions. Les habitudes sont tenaces, mais à la différence des hauts fonctionnaires qui l’ont précédé dans la fonction, Ben Smith n’appartient pas au système. Il a justifié son refus de la manière la plus irréfutable qu’il soit en invoquant la fragilité de la paix sociale qu’il a réussi à instaurer depuis son arrivée. Le CEO protège son entreprise et ses salariés.

Le pavillon français marginalisé sur son marché domestique

Le gouvernement français qui anticipait la faillite d’Aigle Azur et de XL Airways depuis plusieurs mois s’est efforcé, au cœur de la saison estivale, de limiter l’hécatombe pour les passagers, en tentant de repousser le plus tard possible, après le pic des retours de vacances d’été, l’échéance qui apparaissait inéluctable, de la suspension de l’activité. Il y est partiellement parvenu.

La faillite, coup sur coup de deux compagnies aériennes françaises apportent de l’eau au moulin des organisations patronales et des syndicats qui ne cessent de répéter que le pavillon français est en grand danger. « Depuis 10 ans, le transport aérien français n’a réussi à capter que 10% de la croissance du marché français, pourtant le second en Europe. », ne cesse de répéter la FNAM. « Il est urgent de voir le gouvernement français mettre en œuvre une Stratégie Nationale pour le Transport Aérien, en particulier les mesures de simplification sans impact budgétaire. »

Exit « la stratégie nationale pour le transport aérien »

A défaut de la « stratégie nationale » réclamée depuis deux ans par la filière, les Assises nationales du transport aérien n’ont débouché que sur une série de mesures de portée réduite et sur la mise en place d’une éco-contribution payable « essentiellement par les compagnies aériennes françaises » déplore la FNAM.

Depuis le week-end dernier, le pavillon français sait qu’il ne doit maintenant plus compter que sur lui-même. La simplification de la réglementation française ainsi que la baisse des taxes et cotisations sociales applicables au transport aérien français réclamées une fois encore par le président de la FNAM, le 27 septembre 2019, s’éloignent encore un peu plus. Le gouvernement a visiblement décidé de traiter le transport aérien comme n’importe quelle autre branche de l’économie française.

Le pavillon français flotte aussi sur le deuxième marché européen

Difficile de faire autrement, surtout dans le contexte actuel de montée du « Flight Shaming ». Comment pourrait-il justifier une baisse des taxes et des cotisations sociales accordées à une activité qui aux yeux de ses détracteurs de plus en plus nombreux bénéficie déjà d’une exonération discriminatoire des taxes sur le kérosène ? Le cours de l’Histoire irait plutôt dans le sens d’une taxation du kérosène à l’échelle européenne…

Le transport aérien français n’est pas le seul secteur économique à être menacé par la mondialisation sauvage et ses coups bas, à être handicapés par les charges sociales et les lourdeurs réglementaires propres à la France. Il doit se résoudre à s’en sortir seul. La réussite des compagnies du groupe Dubreuil démontre que c’est possible. En 2018, Air Caraïbes a enchainé son quinzième exercice bénéficiaire consécutif, distribuant au passage plus de 2 millions d’euros, au titre de l’intéressement et de la participation, à ses 1.033 salariés. French Bee, sa petite sœur, a atteint l’équilibre financier au terme de son deuxième année d’exploitation.

La France demeure le deuxième marché européen pour le transport aérien, et pas seulement pour les compagnies étrangères. Le pavillon français doit, lui aussi, en tirer profit.

Gil Roy

 

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • ... michel sardou pourra bientôt chanter ne m'appeler plus jamais "air france" si les lourdeurs administratives et les taxes continuent à exploser, mais surtout qu'elles s'appliquent de façon inégalitaire. Personnellement, je suis pour une taxe "éco", tant est si bien qu'elle serve à l'écologie et la biodiversité. Et quand je parle de biodiversité, je ne parle pas de la biodiversité politicienne administrative. En France, les impôts et les cotisations sociales ont représenté 48,4% du PIB, record européen. Une compagnie aérienne française peut-elle encore être concurrentielle?

    • La taxe éco devrait servir à la recherche (notamment où nous avons formés de très bon scientifiques, avant qu'ils ne partent à l'étranger).
      J'en ai déjà parlé ici, mais en 1988 l'URSS avait testé le TU-155, prototype (un TU-154B2 adapté en fait) de liner fonctionnant à l'hydrogène liquide. Toute la chaîne (production du liquide, avitaillement sur le tarmac, etc.), les problèmes de sécurité avaient été évalués, mais le projet n'a pu à terme : quelques années plus tard le pays a cessé d'exister, et le financement du projet aussi.

      Parait-il que l'hydrogène reviendrait sur la table en Russie, mais pour un bizjet supersonique.

      Si cela vous intéresse, je peux partager avec vous des articles sur le sujet, mais c'est en Russe. Les questions environnementales que l'on se pose aujourd'hui était déjà au coeur de la réflexion des scientifiques des années 80.

  • Ce n’est pas uniquement que le transport aérien Français qui ne peu compter que sur lui même, mais c’est la France et tous les Français qui doivent réagir effacement dans un monde ultra concurrentiel ou il n’en restera qu’un !
    Fini les syndicats , les je m’en foutismes à outrance, les profiteurs omnidirectionnels et les traines savates en tous genres.
    Terminé la langue de bois des gentils tolérants issus des clivages gauche droite contre les grands méchants qui défendent le fruit de siècles de travail de nos prédécesseurs.
    Ici l'extrémiste c'est le traître qui sabote une industrie et son pays au profit de ses petits avantages personnels ! C’est celui qui réduit à néant tout ce que nos ancêtres ont construits pour nous et pour notre descendance !
    L’union fait la force ! La patrie fait la force. Nous sommes Français que diable !
    Du nerf, souquons ferme citoyens car ceci n’est encore que le petit clapot du gigantesque tsunami qui est déjà en route ...

    • Vous récitez la leçon LREM parfaitement. Bravo. Si mes élèves pouvaient en faire autant avec leur cours, je serais au paradis.

  • Le transport aérien est un des secteurs d'activité les plus fragile qui soit et particulièrement en France avec ses contraintes et ses lourdeurs.
    Espérons que la croissance d'Air France permettra de compenser la disparition de ces deux compagnies qui vont nous manquer.

    • Air France et sa croissance vous rigoez j'espère ou ne connaissez pas grad chose au monde aèro.
      Air France n'est capable d'aucue réforme ni de vision sur le low cost tel XL airways c'était une opportunité mour eux les subventionnés, mais ils ne l'ont pas saisie.

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