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Transport Aérien

Les conséquences du blocus aérien de la Biélorussie

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Jérôme Bonnard

Depuis le lundi 24 mai 2021, les avions biélorusses sont interdits dans l’espace aérien européen. L’Union Européenne recommande aussi à ses compagnies aériennes de contourner la Biélorussie. Dans les faits, l’ancienne république soviétique se retrouve isolée et privée d’une partie de ses redevances aéronautiques.

Suite au déroutement d’un Boeing 737-800 de Ryanair sur Minsk, dimanche 24 mai 2021, et l’arrestation d’un militant biélorusse à son bord, les vingt-sept états-membres de l’Union Européenne ont rapidement mis en place des sanctions contre la Biélorussie.

Première « victime », la compagnie nationale Belavia qui doit annuler une grande partie de ses 46 vols quotidiens de/vers l’ex république soviétique. Mardi 25 mai 2021 elle publiait sur son site Internet un message à l’attention de ses clients : « Suite aux décisions des gouvernements français et britanniques qui nous attristent mais pour lesquelles nous ne pouvons rien changer, nous sommes dans l’obligation d’annuler tous nos vols vers Paris et Londres jusqu’au 30 octobre 2021 ». Ses vols vers l’Ukraine ont eux été suspendus jusqu’au 25 août 2021.

Air France ne survole plus la Biélorussie

Air France a emboité le pas aux britanniques dans leur décision, conformément aux recommandations de l’Union Européenne, de suspendre jusqu’à nouvel ordre le survol de l’espace aérien par ses avions.

D’autres compagnies européennes comme Lufthansa, SAS et Air Baltic, ou plus lointaines (Singapore Airlines) ont également annoncé mardi 25 mai modifier leurs trajectoires. Contactée par Aerobuzz.fr, Air France, qui commercialise les billets Paris-Minsk en « codeshare » avec Belavia, nous précise « qu’une dizaine de ses routes internationales sont concernées, mais qu’il n’y a désormais plus de vols directs entre Paris et Minsk. »

2000 vols hebdomadaires traversent la Biélorussie

La Biélorussie est un axe important de l’aviation européenne pour rejoindre la Russie et l’Asie. Selon Eurocontrol, l’organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, contactée par Aerobuzz.fr, 300 vols transitent au-dessus de l’espace aérien Belarus en moyenne chaque jour. « Une centaine sont des vols de compagnies aériennes européennes et du Royaume-Uni » précise Eurocontrol, « alors qu’une centaine d’autres sont des vols à destination ou en provenance du pays dont 14 opérés par des compagnies européennes et du Royaume-Uni » ce qui est relativement peu…

Données statistiques des vols quotidiens au dessus de la Biélorussie ou de/vers l’ex république soviétique. © Eurocontrol

Procédures de contournement

Toujours selon Eurocontrol, le fait d’éviter l’espace aérien de l’ancienne république soviétique peut impacter les compagnies aériennes en termes de retards et de consommation de kérosène mais relativement moins pour les vols longs courriers.

« Les quelques 100 opérateurs européens qui transitent d’ordinaire par la Biélorussie auront besoin en moyenne de rallonger leur vol de 40 nautiques (soit 74 kilomètres). La route alternative la plus efficace est celle qui passe par les pays baltiques au Nord » précise Eurocontrol. Ce sera le cas par exemple pour un vol Air France Paris-Moscou, mais il faut aussi composer avec l’Est de l’Ukraine qui est déjà décrétée en « no fly zone » depuis depuis qu’un avion Boeing 777 de Malaysian Airlines y a été abattu en 2014, faisant 298 morts…

Sur son compte twitter, Eamonn Brennan (Directeur Général de Eurocontrol) a assuré aux Etats membres que l’organisation les assistera dans la gestion de leurs décisions suite à l’affaire du détournement du vol de Ryanair… © Eurocontrol

Les routes les plus concernées par les contournements sont, selon les données fournies par Eurocontrol, Pékin-Francfort, Séoul-Frankfurt ou encore Shanghai-Francfort avec 5 vols par jour chacune. La route la plus fréquentée étant entre l’Allemagne et la Russie avec 29 vols par jour suivie des liaisons entre l’Allemagne et la Chine (14 vols).

Manque à gagner

Comme pour chaque pays qu’elle survole, une compagnie aérienne paye une taxe en guise de redevance, prélevée par Eurocontrol. Le Bélarus n’est pas un État-membre mais a signé un accord avec l’organisation pour la collecte des taxes qui varient selon le type d’avion (taille et poids), la distance parcourue sur le territoire et le taux fixe propre à chaque pays.

« En moyenne, la redevance pour les vols de passage (sans décollage ni atterrissage) au Bélarus est comprise entre 245 euros pour un avion de la famille A320 et 770 euros pour un avion de la famille A380 » souligne Eurocontrol.

En 2019, l’organisation européenne a facturé et collecté 85 millions d’euros de redevances de navigation aérienne pour le compte du pays. L’impact des sanctions est donc à relativiser puisque les principales compagnies à utiliser les couloirs aériens du Bélarus sont russe (Aeroflot), turque (Turkish Airlines) ou encore chinoise (Air China).

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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  • L'EASA vient donc de faire interdire l'espace aérien biélorusse, ce qui est une sanction sous prétexte de sécurité, alors qu'il est bien évident que cet incident était un cas isolé qui n'a aucune raison de se reproduire (eh oui, les opposants devraient choisir d'autres lignes aériennes à l'avenir, c'est factuel, qu'on le regrette ou non)
    Il est intéressant de constater que l'IATA est en désaccord avec l'EASA, considérant que cette politisation du transport aérien revient à faire porter sur les compagnies travail et coût supplémentaires.
    Je rappelle enfin qu'un pays fait (hélas ? heureusement?) ce qu'il veut de son espace aérien et des aéronefs qui le traversent - exactement pour l'espace maritime et les navires qui y transitent. Ou alors montrez-moi des textes qui disent le contraire - il y a beaucoup de gens qui croient à "l'exterritorialité" des avions marchands, alors que pas plus que pour les cargos, à quai ou en mer, celle-ci n'existe. Cela n'est vrai que pour les avions ou les navires militaires.... mais ont peut toujours tenter de le faire croire. On peut toujours rêver quant aux histoires de portes fermées, ce sont des arguties juridiques style questions d'ATPL qui ne tiendront pas deux minutes si l'état de l'aéroport souhaite s'assurer d'une personne (Strauss-Kahn extrait d'un avion d'Air France à New York il y a quelques années...vous pensez que cela les aurait arrêtés si les portes de l'Airbus avaient été fermées ?) Et quand on a jadis dérouté un avion présidentiel avant de le faire fouiller, on pourrait s'abstenir de jouer aux offusqués.

  • Communiqué de presse du SNPL (27 mai 2021)

    "Les compagnies aériennes françaises dans le viseur de la Russie ?

    Le Syndicat National des Pilotes de Ligne a été plus que surpris d’apprendre que des vols à destination de la Russie, opérés par des compagnies françaises, ont dû être annulés ces derniers jours faute d’avoir obtenu formellement des autorités russes l’autorisation opérationnelle nécessaire.

    En effet, depuis le début de la semaine, les compagnies aériennes françaises sont appelées, comme toutes les compagnies européennes, à éviter le survol du Bélarus, en raison du détournement d’un avion de ligne dimanche par les autorités bélarusses. Le Ministre délégué aux transports a transmis les mêmes consignes à toutes les compagnies opérant en France.

    Ces compagnies doivent donc, pour pouvoir continuer à opérer certains vols, construire des routes alternatives à celles passant par l’espace aérien du Bélarus initialement prévues et autorisées. Elles ont demandé, selon une procédure classique habituelle, des modifications de plans de vol notamment aux autorités russes pour pouvoir assurer les vols entre la France et la Russie.

    Mais, alors qu’habituellement les réponses à ce type de demandes de modifications sont instantanément acceptées, là depuis 2 jours, c’est silence radio…ces vols ont donc dû être annulés, faute d’autorisation formelle de survol de l’espace aérien russe.

    Le SNPL s’étonne de ce manque de réactivité des autorités russes et espère qu’une situation normale sera rapidement rétablie entre les différents intervenants, afin d’assurer une visibilité aux voyageurs quant à leur vol réservé, tout en préservant leur sécurité.

    Le SNPL demande en conséquence que tout soit mis en œuvre par les autorités, et que le droit international soit respecté, pour que les compagnies aériennes françaises puissent continuer à assurer leurs dessertes vers la Russie."

  • Communiqué de presse du ministère français des transports (27 mai 2021)

    " A la demande de la France appuyée par plusieurs Etats européens, le Conseil de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) s’est réuni ce jour à Montréal en session exceptionnelle, pour examiner le sujet du détournement du vol de la compagnie Ryanair entre Athènes et Vilnius le 23 mai par les autorités biélorusses.

    Cette réunion a permis de prendre connaissance des informations délivrées par les différents Etats directement concernés par ce vol : la Biélorussie mais aussi la Pologne, dont le contrôle aérien le suivait jusqu’à ce qu’il entre dans l’espace aérien biélorusse, l’Irlande en tant qu’Etat de la compagnie, et la Grèce et la Lituanie en tant que pays d’origine et de destination du vol.

    Sur cette base, et pour faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé le 23 mai dernier, le Conseil a décidé, comme le demandait la France, de lancer une enquête pour clarifier l’enchainement des faits et leur qualification juridique. Les premiers résultats de cette enquête sont attendus d’ici à la fin du mois de juin.

    La France salue cette décision de l’OACI, obtenue grâce à la détermination de l’ensemble des partenaires européens."

  • Et tout ça pour un pseudo-journaliste dont il s'avère qu'il a combattu en Ukraine (on est loin de la Biélorussie) dans les rangs du sinistre bataillon Azov néo-nazi ....
    Et alors qu'il est avéré qu'il n'y a aucun danger à survoler le pays, que c'est juste une sanction économique .... que l'on fait payer aux compagnies aériennes à qui on impose de contourner la zone.
    Une brique de plus dans le mur de pays interdits de survol qui se dresse dans cette partie du monde, de la Biélorussie au Yémen en passant par l'Est de l'Ukraine, la Syrie, l'Irak et Israël pour certains, l'Afghanistan... ce qui rend certaines zones (de Turquie notamment) fréquentées comme la place de l'Etoile....ou le VOR d'AMB à la grande époque.
    Quant à l'IFALPA qui est dans son rôle de syndicat de pilotes en demandant à ce qu'on reconnaisse la suprématie du commandant de bord pour les questions de sécurité, désolé mais s'il y a urgence (evaluée par d'autres, police, douanes, gouvernants) eh bien le CDB s'exécute et c'est tout. On ne peut pas dire - comme pour l'A320 d'AF posé à Damas - que c'est la faute du CCO si une mauvaise décision à été prise, et réclamer en même temps la souveraineté du cockpit.
    Pour info les armes (Mig 29 ici) servent à ça, à ne pas passer le réveillon à discuter du pourquoi du comment.

  • On dit Biélorussie et non pas Belarus, pour la même raison qu'on dit Florence et non pas Firenze....

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