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Transport Aérien

L’Indonésie publie le rapport final sur l’accident du Boeing 737MAX de Lion Air

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Daphné Desrosiers

Le bureau d’enquête de l’aviation civile indonésienne (KNKT, Komite National Keselamatan Transportasi) a publié, le 25 octobre 2019, son rapport final sur l’accident du Boeing 737MAX survenu le 28 octobre 2018 en mer de Java (195 morts). La défaillance du système Maneuvering Characteristics Augmentation System (MCAS) est évidemment au cœur du problème. Le KNKT n’en adresse pas moins une série de recommandations aux transport aérien indonésien, mais également à Boeing et à la FAA.

Personne n’attendait de révélations fracassantes des enquêteurs indonésiens. Néanmoins, ils ont rempli leur mission en publiant leur rapport final sur l’accident du 737MAX de Lion Air (PK-LQP) à trois jours près du premier anniversaire de ce drame. Ce rapport de 320 pages dans lequel l’acronyme MCAS apparaît 477 fois, a été rédigé dans les règles de l’art édictées par l’OACI et propose, en conséquence, une série de recommandations.

Les premières recommandations s’adressent à la compagnie aérienne Lion Air et à la société Batam Aero Technic à laquelle est confié l’entretien de la flotte de Lion Air. Dans les deux cas, l’enquête a révélé que les manuels d’exploitation et d’entretien n’ont pas toujours été mis à jour correctement, générant des incohérences ou des lacunes dans les procédures partiellement ou pas amendées.

Par conséquent, le KNKT recommande de mettre en place un système garantissant que les manuels de l’entreprise soient mis à jour en temps et en heure. Une recommandation supplémentaire est également transmise au service de la navigation aérienne. En effet, l’équipage du vol LN 610 a sollicité le contrôle aérien en vue d’obtenir une source supplémentaire d’information d’altitude. Le KNKT recommande aux contrôleurs d’informer l’équipage que l’indication de l’altitude indiquée sur l’affichage radar de l’ATC répète les données de l’aéronef fournies par le transpondeur.

La suite du rapport n’évoque pas moins de 6 recommandations au constructeur Boeing et 8 à la FAA dont certaines sont communes. Si le MCAS n’est mentionné à aucun moment, le KNKT recommande de réviser la conception du degré de pertinence des alarmes, adapter les procédures et les entrainements des équipages pour qu’ils aient une réponse appropriée lors de situation dégradée. Il stipule également qu’au cours des phases de certification, la conformité est démontrée par des pilotes d’essais en vol, qui possèdent des compétences et une expérience exceptionnelles. Ce qui n’est pas le cas de l’ensemble de la population des pilotes de ligne qui n’ont pas bénéficié du même cursus de formation et d’entrainement. Par conséquent, le KNKT recommande à Boeing de prendre en compte une conception plus tolérante des systèmes afin de les rendre utilisables par la majorité des pilotes en toute sécurité ; en cas de dysfonctionnement, l’avion doit rester contrôlable à tout moment.

Boeing n’a évidemment pas attendu le rapport final des autorités indonésiennes pour tenter de corriger les défauts du 737MAX et mettre en place une nouvelle organisation interne de la surveillance de la sécurité. Le 22 octobre 2019, le constructeur américain a pris les devants en publiant quelques jours avant la sortie officielle du rapport final du KNKT, un état des lieux : « Nous avons actualisé le système de contrôle automatisé MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) du 737 MAX en ajoutant trois couches de protection supplémentaires qui empêcheront que de tels accidents ne se reproduisent. À ce jour, plus de 800 vols d’essai et de production ont eu lieu avec le logiciel mis à jour, soit plus de 1.500 heures au total. Le Groupe accomplit des progrès constants sur la deuxième mise à jour logicielle annoncée en juin relative au niveau de redondance des ordinateurs de commandes de vol. Environ 445 personnes représentant plus de 140 clients et organismes de réglementation du monde entier — dont la FAA —, ont pris part à des séances sur simulateur afin de découvrir le fonctionnement de la mise à jour proposée pour le logiciel MCAS. La semaine dernière, le Groupe a effectué avec succès un essai de vol de certification. »

Boeing a également anticipé une recommandation du KNKT en précisant qu’il « procède à la mise à jour des manuels destinés aux équipages, ainsi que de la formation dispensée aux pilotes, de sorte que chaque pilote disposera de toutes les informations dont il a besoin pour piloter le 737 MAX en toute sécurité. »

A ce stade de l’affaire qui est loin d’être close, l’enquête sur l’accident du 737 MAX de la compagnie Ethiopian Airlines étant toujours en cours, le mot de la fin pourrait revenir (temporairement) au  commandant de bord du vol US Airways 1549  Chelsey B. Sullenberger qui a réussi l’amerrissage d’un A320 sur l’Hudson River, en plein cœur de Manhattan : « En tant que l’un des rares pilotes à avoir survécu et à pouvoir dire qu’il était assis à gauche dans un avion de ligne où les choses tournaient terriblement mal, avec une poignées de secondes pour réagir, je sais quelque chose de la façon à surmonter une crise totalement inimaginable. Je suis également l’un des rares à avoir piloté un simulateur « full motion » d’un Boeing 737 MAX niveau D, reproduisant les deux vols accidentés à plusieurs reprises. J’ai bien conscience des défis auxquels les pilotes de ces 2 vols ont dû faire face et à quel point il est faux de leur reprocher de ne pas avoir été en mesure de compenser une conception aussi pernicieuse et meurtrière. Ces situations d’urgence ne se présentaient pas comme un problème classique d’emballement de stabilisateur, mais initialement, comme des situations ambiguës et peu fiables en ce qui concerne la vitesse et l’altitude, masquant d’autant plus le MCAS ».

Cette réflexion de Chelsey B. Sullenberger figure en page 316 du rapport final sur l’accident du 737Max de Lion Air…

Daphné Desrosiers

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Daphné Desrosiers

Daphné Desrosiers exerce tour à tour le métier d’agent d’escale, d’hôtesse de l’air avant d’accomplir son rêve : devenir pilote de ligne. Du MD83 au Boeing 737 NG, elle accumule les heures de vol tout en ayant à cœur de transmettre l’histoire de l’aviation. Auteure de plusieurs ouvrages, Daphné Desrosiers rejoint Aerobuzz.fr en 2019 afin de partager son expérience et sa passion.

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  • Avant que le 737 max ne re-décolle(sic)
    Ce que nous attendons avec impatience est le rapport final du crash "ETHIOPIAN"
    et la réponse à deux questions
    1) qu'est ce qui fait perdre en quelques secondes 8 degrés d'assiette à l'avion (cela ne peut pas a priori être du au MCAS qui notamment agit lentement)
    2) pourquoi les enregistrements de la position de la GP et du Stabiliseur en fonction du temps ne figurent pas dans le rapport préliminaire d'Ethiopian ? ces données ne sont elles pas enregistrées par les boites oranges? alors que tout le reste figure bien dans le rapport préliminaire

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