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Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault

Published by
Jean Ponsignon

Aérobuzz vient de bénéficier d’une visite rare, celles des installations de « réalité virtuelle » du bureau d’études de Dassault Aviation à St. Cloud qui a été mis à notre disposition pendant plus de deux heures. En me rendant à St Cloud je ne m’attendais pas à éprouver une telle stupéfaction…


Le Virtual Reality Center (VRC) a été mis en service en 2002 pour la conception du Falcon 7X. Il offre la possibilité d’adapter l’échelle de la maquette à celle de l’utilisateur. Le tout est installé dans une salle de conférence d’une trentaine de places où l’on s’assied face à un très large écran qui a l’aspect du fond d’une glace sans teint. A droite des participants une estrade comporte deux moniteurs de grande dimension qui servent à conduire la projection. De l’autre coté de la cloison 800 ingénieurs travaillent au bureau d’études. Mais dans le VRC, on n’entend aucun bruit, on a l’impression d’être dans une bulle. On chausse les lunettes de vision 3D, et l’exposé commence. Le Falcon 7X devient tout d’un coup présent, en relief et en transparence. Grâce à cet outil, il est maintenant possible de plonger, en trois dimensions et à échelle réelle, au cœur de la maquette numérique.

La conception numérique, qui a présidé à la production du Falcon 7X, s’appuie sur la modélisation de toutes les pièces d’un avion en 3D. Cette représentation virtuelle a pu voir le jour grâce au logiciel de conception CATIA, développé par Dassault Systèmes. Grâce à CATIA, la maquette physique disparaît au profit d’une maquette numérique.

Inaugurée sur le Rafale et le Falcon 2000, la maquette numérique présente une définition 3D complète de l’avion ainsi qu’une gestion de l’appareil pièce à pièce. Elle est le référentiel unique du produit dans l’entreprise. Elle supprime la fabrication d’un couteux prototype et diminue sensiblement les dérives budgétaires. L’application de ce principe au Rafale a permis de limiter l’inflation budgétaire à 15%, alors qu’elle a été de 75% pour l’Eurofighter et de 100% pour le F22 américain.

Bien sur le logiciel CATIA est bien connu, mais il convient sans doute de rappeler qu’il est utilisé par les bureaux d’études de tous les constructeurs d’avion du monde, de tous les fabricants d’automobiles et de la plupart des chantiers de construction maritime produisant des navires de guerre. Les architectes, les industries mécaniques en sont également friandes. Il se murmure enfin qu’un fabricant de soutiens-gorges ferait aussi appel à ses capacités de simulation de volumes.

Revenons à Dassault Aviation ; ce système permet de concevoir à la fois l’appareil, mais aussi les conditions de maintenance et les matériels dédiés à ces opérations. Bien entendu tous les sous-traitants ont accès en temps réel à toutes les informations actualisées. On imagine à peine la puissance informatique et le cryptage de données que requiert une telle organisation.
Le présentateur entre dans le fuselage virtuel, désigne une tuyauterie. Un simple clic renvoi à son code, à ses besoins matières, etc… Un avion, c’est 100 000 pièces mais aussi 25 km de câbles, 300 000 fixations et des milliers d’évolutions sur une série. L’ensemble de ces données doivent pouvoir être prises en compte simultanément.

Déjà très impressionné par cette découverte on nous emmène maintenant dans l’Immersive Reality Center (IRC), qui permet notamment à l’utilisateur d’interagir avec la maquette numérique comme si elle était réelle; L’IRC utilise pour y parvenir trois ordinateurs musclés, un écran de projection stéréoscopique, deux grands écrans de recopie, un système de capture de position avec quatre caméras infrarouges et un bras à retour d’effort Haption. A titre d’exemple, l’immersion dans la maquette numérique permet de réaliser une opération de montage et de démontage de pièces à l’aide d’un bras à retour d’effort Haption. En voyant la maquette numérique en stéréoscopie et à l’échelle, l’utilisateur peut ainsi trouver de manière naturelle une trajectoire possible pour le montage ou le démontage d’une pièce, tout en ressentant physiquement les contacts de la pièce avec son environnement.

Autre exemple d’utilisation opérationnelle de l’IRC : dès la phase de conception, le pilote est en mesure de vérifier, en grandeur réelle, que les équipements du tableau de bord, et ceux qui sont installés en partie haute du cockpit, sont visibles et accessibles. Il peut aussi déplacer des objets. La représentation à l’échelle un (perception visuelle de la maquette numérique identique à ce que permettrait un déplacement dans une maquette physique) et le ressenti utilisateur, facteur essentiel, permettent donc de choisir plus facilement le meilleur compromis. Pour autant, ce nouvel outil ne remplace pas les moyens de validation existants, mais permet d’explorer plus rapidement un ensemble de combinaisons de solutions. Même le nombre de vols d’essais pourra être réduit.

L’application IRC gère ce que voit la personne immergée (en stéréoscopie sur un mur plan, ou dans un casque de réalité virtuelle); sa vision de la maquette numérique est également reproduite sur un écran en haut à droite de l’écran principal. Sur le troisième écran, les spectateurs peuvent voir la représentation de l’utilisateur immergé et peuvent se déplacer dans la maquette indépendamment de ce dernier.

Côté logiciels, l’application d’immersion dans le cockpit de Falcon 7X a été développée par Dassault Aviation à partir de la plate-forme Virtools de Dassault Systèmes. L’application utilisant le bras à retour d’effort Haption résulte quant à elle d’un atelier de CATIA V5, fruit d’un partenariat industriel formé avec d’autres acteurs français de la réalité virtuelle (Renault, PSA, CEA et Haption). La stratégie fixée pour l’IRC consiste en l’utilisation des données extraites du PLM (Product Lifecycle Management) produites par le bureau d’études, directement et sans aucune modification. Les outils de réalité virtuelle permettent en effet de visualiser ces informations qui ne doivent en aucun cas être retravaillées. L’interface doit être suffisamment simple pour qu’aucune formation spécifique ne soit nécessaire aux utilisateurs métier, l’idéal étant de pouvoir utiliser en mode standard l’outil de revue existant.

Les concepteurs sont tellement confiants dans la simplicité d’utilisation qu’ils nous proposent de l’utiliser. On me barde de capteurs au poignet et sur des lunettes et je m’installe aux commandes du Falcon 7X. en bougeant la tête et les bras je peux accéder au mini-manche et vérifier que toutes les commandes sont à ma portée. Puis me levant du siège je parcours l’allée centrale de l’appareil et remonte les stores des hublots. Fini de jouer au pilote, me voilà devenu le mécanicien chargé d’enlever une roue du train avant, de façon à vérifier que la manœuvre ne fait pas heurter un capot. Quand je dois céder ma place, je reste éberlué et rêveur.

Les premières utilisations de l’IRC ciblent aujourd’hui des visites virtuelles d’aptitude à la maintenance et des explorations de concepts d’aménagement de cockpit. Les capacités de l’outil évolueront au fil des besoins des utilisateurs. Pour y répondre, un casque de réalité virtuelle de dernière génération, autorisant une vision à 360 degrés de la maquette numérique, complètera à terme les moyens de visualisation.

Ce dispositif permet aussi aux ingénieurs de fusionner des phases auparavant distinctes chronologiquement : conception, industrialisation, fabrication, aménagements et vente, support et maintenance. Grâce à cette capacité d’anticipation, c’est l’ensemble du cycle de vie complet du produit qui est ainsi géré.

Les outils du PLM permettent une numérisation complète du processus de production. Toute la complexité propre à un projet industriel est incorporée au sein de la maquette numérique. ll n’y a ni plans, ni maquettes physiques, ni prototypes. Vous l’avez compris : l’entreprise numérique devient réalité, je l’ai rencontrée.

Jean Ponsignon

Le cône arrière d’un Falcon est le sujet d’étude du jour dans l’IRC (Immersive Reality Center)
Ecrans de conduite de la salle de réalité virtuelle (IRC)
Dans le VRC (Virtual Reality Center), le « pilote » est immergé dans la maquette du cockpit à sa taille réelle
L’observateur muni de ses capteurs chemine dans le couloir du Falcon 7X
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Jean Ponsignon

En parallèle d’une carrière de 29 ans dans le conseil en organisation et management et de 6 ans dans l'humanitaire, Jean Ponsignon a signé une centaine d’articles sur deux sujets principaux, l’aéronautique et l’humanitaire, pour Aviation & Pilote, Aventure, Bourgogne Magazine, La Croix… Il a rejoint Aerobuzz, début 2013. Jean Ponsignon traite l’actualité culturelle.

View Comments

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    Merci pour cet article où je vois un adulte aussi émerveillé qu'un enfant le jour de Noël.

    Quant aux âmes critiques, j'ai envie de leur dire: "faites en autant, parlez après".
    Essayez d'imaginer la position de la France si toutes nos productions (ou services) avaient la même notoriété, la même pénétration.

    Ce n'est pas le nivellement par le bas qui va nous sauver,

    mais bien la recherche de l'excellence.

    A tous les niveaux.

    Bon week-end

  • Impressionnant 3D
    Largement financé par l'Etat français pour créer des emplois, il a longtemps été boudé par l'Aérospatiale alors que Boeing l'a adopté dès 1984.
    Contrairement à beaucoup d'autres programmes Dassault, CATIA est un bon exemple de l'utilisation de l'argent public.
    Le réalisme du 3D est impressionnant, à l'occasion de mes premières utilisations pour vérifier des installations systèmes du CRJ170, en faisant tourner la voilure il m'est arrivé de baisser la tête pour ne pas recevoir une tuyauterie hydraulique dans l’œil .
    C'était en 2001 je ne me rappelle plus si c'était le Gauche ou le Droit?

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    concernant le falcon7X, c'est mon préféré de chez DASSAULT de la famille Falcon
    et je ne ferai aucune allusion à son encontre, cette grande entreprise et bien de chez
    nous et à le mérite de faire travailler beaucoup de personne, c'est le fleuron de notre
    pays!!!!!!

    je remercie monsieur Jean Ponsignon pour son article

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    Dans les années fin 70 début 80 J'étais directeur informatique et organisation d'une grande banque parisienne.J'avais mis en place une version de CATIA pour gérer le design et les évolutions des 350 agences de de la banque. Tous les aspects furent enregistrés. Résultats: moins d'erreurs de conception et maintenance facile et de larges économies de gestion.

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    @VLADKR

    Ok il est très utilisé, deux de mes sociétés l'utilisent...en parallèle avec PTC Pro-Engineer.

    Les deux softs sont trèsbons...et très mauvais, chacun pour des facteurs propres à leurs fonctionnalités.
    L'article ressemble d'avantage à un publi-reportage qu'a autre chose, d'où ma réaction.

    Enfin heureusement que CATIA soit si bien ficelé, n'oublions pas que chaque contribuable Français a un peu payé de sa poche son dévellopement.... ;)

    Je m'égare...

    Turbinator

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    @Turbinator :

    Ce n'est pas si exagéré que cela; Bombardier utilise CATIA, même les Russes (Sukhoi) s'y sont mis...

    Il est très populaire chez les constructeurs automobiles, camions autobus, des deux côtés de l'océan... ça reste une très belle réussite, alors ne boudons pas notre fierté.

  • Plongée dans la réalité virtuelle du Falcon 7X chez Dassault
    Heu....

    Quand je lis:
    "le logiciel CATIA est bien connu, mais il convient sans doute de rappeler qu’il est utilisé par les bureaux d’études de tous les constructeurs d’avion du monde, de tous les fabricants d’automobiles et de la plupart des chantiers de construction maritime produisant des navires de guerre. Les architectes, les industries mécaniques en sont également friandes."

    Il ne faut tout de même pas exagérer la dose de cocorico.... Catia n'est pas le seul logiciel de CAO dans l'industrie, et qui plus est aéronautique!
    Par exemple PTC et Pro-Engineer est plus que présent, avec des modules se rapprochant des fonctionnalités de ceux de Catia.

    Des constructeurs tels que Boeing et Airbus travaillent sur les deux plateformes pour certains modules techniques car leurs soustraitants sont équipés de solutions CAO différentes.

    Pour ce qui touche à l'immersion, elle constitue un avantage indéniable, mais ne remplace toutefois pas la réalité, Dassault le reconnait également.

    Bon exercice de communication et marketing en tout état de cause!

    Turbinator

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