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Transport Aérien

Le rapport australien MH370 (2/3) : le rôle de l’Australie dans les recherches du 777

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Jean-Paul Troadec

Le rapport final sur les recherches du vol MH 370, disparu dans l’Océan Indien le 8 mars 2014, explique dans quelles conditions, l’Australie s’est vue confier la direction des recherches après une période de flottement. Dans cette deuxième partie de son analyse du rapport de l’ATSB, Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA, souligne l’impréparation des autorités malaisiennes, mais aussi de la Chine et de l’Australie, impliquées dans les opérations de recherches. C’est aussi l’un des enseignements de ce drame.

Le Boeing 777-200ER de Malaysia Airlines, avec 239 personnes à bord, a disparu le 8 mars 2014. Les premières recherches en surface ont donc été menées à l’Est de la péninsule malaisienne : 28 avions et 34 navires de différentes nationalités ont été mis en oeuvre. Elles se sont déplacées plus au sud, dans l’Océan indien, suite à l’exploitation des signaux Inmarsat

La poursuite des recherches en surface à partir du 17 mars jusqu’au 28 avril 2014

La poursuite des recherches au large de l’Australie, dans la zone de recherche SAR qui lui est attribuée par l’OACI, nécessitait de prendre en compte la dérive possible des débris depuis le lieu de la chute de l’avion. Ceci a donné lieu à des travaux scientifiques, ainsi qu’au largage de bouées dérivantes susceptibles de préciser la trajectoire des courants.

Les recherches aériennes et navales ont été complétées par l’examen d’images satellites. A elles seules, ces images ne peuvent permettre d’identifier l’origine des débris, mais peuvent guider des moyens aériens ou navals aux fins d’identification.

Malgré les moyens navals et aériens déployés dans les zones déterminées à partir de l’exploitation des signaux Inmarsat, aucun débris appartenant à l’avion disparu n’a pu alors être identifié.

Ces recherches ont été interrompues le 28 avril 2014.

La recherche de détections des balises acoustiques du 2 avril au 17 avril 2014

Les enregistreurs de vol d’un avion sont équipés de balises qui émettent un signal acoustique normalisé dès qu’elles sont immergées. Les balises dont était équipé le MH370 avaient une durée de vie garantie limitée à 30 jours, ce qui obligeait à une véritable course contre la montre pour mettre en œuvre les détecteurs appropriés.

De fait, ce n’est qu’à partir du 2 avril, à un moment où la durée de vie des batteries était déjà presqu’arrivée à son terme, que deux navires équipés de détecteurs ont commencé leurs opérations. Il eût donc été miraculeux de détecter quoique ce soit, ce qui aurait dû amener les autorités responsables à un peu de prudence dans leurs déclarations. Cette détection était d’autant plus improbable que seule une des deux balises émettait, l’autre étant périmée depuis 2012 : mais cela, on ne le savait pas alors.

Une communication imprudente

Le navire chinois disposait d’un détecteur manuel, mis en oeuvre à partir d’un dinghy. Il était absolument impossible de détecter un signal provenant du fond de la mer, compte tenu de sa portée limitée et de la profondeur. Cela n’a pas empêché les Chinois d’annoncer triomphalement avoir détecté un signal !

Les Australiens, dotés d’un navire parfaitement équipé, lui, n’ont pas été en reste, en annonçant des détections improbables, conduisant à une communication confuse et finalement non crédible pour les spécialistes. Malgré tout, des drones sous-marins ont été envoyés pour vérifier la réalité de la présence de l’épave, sans succès. Les recherches ont été interrompues à partir du moment où les balises ne pouvaient plus émettre.

Détecteur acoustique tracté utilisé par les Australiens (TPL : towed pinger locator). © ATSB

Le cadre des recherches sous-marines à partir du 28 avril 2014

C’est à partir de ce moment que les Malaisiens, responsables de ces recherches selon les conventions internationales, confièrent la direction des opérations aux Australiens, ce qu’aucune disposition juridique n’imposait, l’épave étant située dans les eaux internationales.

Malgré le peu d’expérience de l’ATSB dans ce type d’opérations, ce choix s’imposait en raison de l’appui logistique et scientifique pouvant être apporté par l’Australie. Pour cette dernière, il s’agissait vraisemblablement de marquer sa présence dans l’Océan Indien, le nombre limité de victimes australiennes ne pouvant justifier, à lui seul, une telle implication dans ce projet.

Cette dimension politique donnée par l’Australie aux recherches sous-marines a été illustrée par la création d’une agence spéciale de coordination, le JACC, essentiellement chargé des relations internationales et de la communication, l’ATSB ayant la responsabilité de la conduite des opérations.

Ces recherches se sont poursuivies jusqu’en janvier 2017, date à laquelle les trois Etats associés – Australie, Malaisie et Chine – ont décidé de les suspendre après que 120.000 km2 eurent été explorées, dans l’attente de nouveaux éléments.                         

Zone couverte fin novembre 2015. © ATSB

 Des moyens techniques performants

Les balises acoustiques (ou plutôt la seule balise en état de marche), ayant cessé de fonctionner, seuls des détecteurs sonar, sortes de radars acoustiques sous-marins, étaient maintenant susceptibles de permettre une détection de l’épave au fond de la mer, une recherche visuelle par caméra, de portée limitée, étant techniquement exclue.

Les moyens adaptés sont bien connus, ce sont les mêmes que ceux utilisés par le BEA : des sonars tractés et des drones sous-marins, chaque appareil étant adapté à la nature des fonds.

Sonar tracté. © ATSB

Sur les 33 mois qu’ont duré ces recherches, plusieurs navires se sont succédés en fonction de leurs disponibilités, mis en œuvre par des sociétés leaders dans ce type d’activité : Fugro et Phoenix essentiellement (cette dernière étant bien connue du BEA), certains équipements fournis par Phoenix étant embarqués sur un navire fournis par les Chinois.

Drone sous-marin (AUV : autonomous underwater vehicle) Hugin 4500. © ATSB

La qualité des équipements utilisés n’appelle pas de remarque, ils sont d’un standard identique à ceux utilisés par le BEA. Leur utilisation par l’industrie pétrolière ou les câbliers sous-marins jusqu’à de grandes profondeurs est bien maîtrisée.

Les tests réalisés et la découverte fortuite d’épaves de navires anciens garantissent une probabilité élevée de détection des éléments contenus dans les zones explorées. Chaque détection a fait l’objet d’une recherche de confirmation par des robots. En l’absence de telle confirmation, il est donc très probable que l’épave est en dehors de la zone couverte.

Image de l’épave d’un voilier prise par le sonar remorqué lors des recherches du Boeing 777 du vol MH370. © ATSB

Celle-ci correspond à une superficie de 120.000 km2, ce qui est très supérieur à la zone couverte par le BEA au cours des différentes phases de la recherche de l’AF447. Le budget dépensé par l’ATSB pour ces seules recherches, auquel Chinois et Malaisiens ont contribué, est de 198 M AUS$, soit environ 133 M€. Ce chiffre n’inclut pas certaines dépenses d’affrètement réalisées directement par les Malaisiens et les Chinois, mais il est cohérent, rapporté à la surface couverte, avec celui constaté par le BEA.

Des conditions de recherches éprouvantes

La première difficulté à laquelle les australiens ont été confrontés (comme le BEA en son temps) a été l’éloignement des zones de recherche, situées à plusieurs jours de mer du port le plus proche, ce qui complique énormément les aspects logistiques en cas d’incident matériel ou humain et impose des durées de transit improductives importantes.

Les recherches du vol MH370 dans le sud de l’océan indien ont été confrontées à des conditions de mer particulièrement hostiles. © J. Hancock / ASTB

Par ailleurs, l’Est de l’Océan Indien est connu pour être une zone maritime particulièrement hostile, en particulier pendant les mois de l’hiver austral. Cela n’a pas empêché les opérations de se poursuivre tout au long de l’année, parfois dans des conditions éprouvantes pour les hommes et le matériel.

On peut se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux de programmer les activités pendant les seules périodes de l’année favorables sur le plan météorologique : mais la pression subie par les autorités en charge des recherches de la part des médias et les familles pour retrouver rapidement l’épave explique sans doute les choix effectués.

Jean-Paul Troadec

 

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Jean-Paul Troadec

Maintenant retraité, Jean-Paul Troadec a été directeur du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité aérienne), d’octobre 2009 à décembre 2013. Cette période a été notamment marquée par la conclusion de l’enquête sur l’accident du vol AF447 Rio-Paris à la suite de la récupération des enregistreurs de l’avion qui avaient séjourné 2 ans par 4.000 m de fond. Au cours de ses 42 ans de carrière professionnelle, Jean-Paul Troadec a notamment dirigé SEFA, l’école de pilotage de la DGAC maintenant intégrée dans l’ENAC et à la direction du service du contrôle aérien (maintenant la direction des opérations de la DSNA). Pilote IFR, il a effectué 2.000 heures de vols sur de nombreux types d’appareils, dont des turbomachines. Jean-Paul Troadec est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique (X67) et de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile.

View Comments

  • @ Dartagnan "Il faut le malheur pour creuser certaines mines mystérieuses cachées dans l'intelligence humaine." Le comte de Monte-Cristo (1845-1846) Alexandre Dumas père

      • En Islande non , mais en Cornouaille , micro climat britannique , oui , grâce au courant du gulfstream !
        Grand voilier d un siècle , patience et chance ... Il est peu être dans un détroit entre est et ouest de la Malaisie , car il y a eu des revirements de bord , pratique comme théoriques ?

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