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Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !

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Gil Roy

A peine ouvertes, les « boîtes noires » de l’A330 du vol AF447 sont l’objet d’une polémique déclenchée par le site internet du Figaro. Il fallait s’y attendre…


Le Figaro.fr a été le premier à dégainer. Le lendemain de l’annonce par le BEA que les enregistreurs de vols de l’A330 d’Air France qui s’est abîmé en mer (1er juin 2009), étaient exploitables, le site internet du Figaro avançait « la piste de l’erreur humaine ». Fallait-il dépenser des millions d’euros dans la recherche des boîtes noires de l’Airbus pour en arriver à cette conclusion ? Sachant que le facteur humain est déterminant dans 80% des accidents d’avion, on aurait effectivement pu faire l’économie de quatre campagnes de recherche… et dédouaner immédiatement Airbus.

Dans un communiqué de presse daté du 17 mai 2011, le SNPL (Syndicat national des pilotes de ligne) a réagi vigoureusement en déclarant qu’il « n’accepte pas que les pilotes morts dans cette catastrophe soient jetés en pâture à l’opinion publique avant l’analyse exhaustive de toutes les causes de l’accident » Communiqué de presse du SNPL diffusé le 17 mai 2011

Aujourd’hui, le SNPL prend connaissance des deux articles publiés lundi soir et mardi matin par le figaro.fr concernant l’accident de l’AF447. Le SNPL s’étonne et regrette que de soi- disant ‘informations’ soient mises sur la place publique de façon aussi précipitée quelques heures après la première lecture des enregistreurs.

La seule information tangible fournie par ces articles est qu’Airbus ne recommande pas à ce jour de modification de procédure aux compagnies aériennes. Le SNPL précise que des procédures, et en particulier la procédure de sortie du décrochage, ont déjà été modifiées par le constructeur.

En aucun cas la publication de cette note constructeur n’autorise à conclure que l’accident serait dû à une erreur de l’équipage.

Le SNPL dénonce avec force ce raccourci journalistique.

Le SNPL n’accepte pas que les pilotes morts dans cette catastrophe soient jetés en pâture à l’opinion publique avant l’analyse exhaustive de toutes les causes de l’accident.. Le syndicat est dans son rôle. On n’attendait pas moins de lui. Pour sa part, le Bureau d’enquêtes et d’analyses a également diffusé, le même jour, un communiqué pour mettre en garde les médias contre toute tentation de succomber au « sensationnalisme » Communiqué de presse du BEA diffusé le 17 mai 2011

Selon un article paru dans le Figaro dans la soirée du lundi 16 mai 2011, les « premiers éléments extraits des boîtes noires » mettraient Airbus hors de cause dans l’accident de l’A330, vol AF 447, qui a coûté la vie à 216 passagers et 12 membres d’équipage le 1er juin 2009.

Sacrifier au sensationnalisme en publiant des informations non validées alors que l’exploitation des données des enregistreurs de vol ne fait que commencer est une atteinte au respect des passagers et des membres d’équipage décédés et jette le trouble parmi les familles des victimes qui ont déjà subi de nombreux effets d’annonce. Le BEA rappelle que, dans le cadre de sa mission en tant qu’autorité d’enquête de sécurité, lui seul peut communiquer sur les avancées de l’enquête. De ce fait, toute information sur l’enquête provenant d’une autre source est nulle et non avenue si elle n’a pas été validée par le BEA.

Le recueil de l’intégralité des données contenues dans les enregistrements phoniques et des paramètres du vol nous donne aujourd’hui la quasi-certitude que toute la lumière va pouvoir être faite sur cet accident.

Les enquêteurs vont maintenant devoir analyser et valider de multiples informations. Il s’agit d’un travail long et minutieux et le BEA a déjà annoncé qu’il ne publiera pas de rapport intérimaire avant l’été.

A ce stade de l’enquête aucune conclusion ne peut être tirée.. Le BEA rappelle aussi que « lui seul peut communiquer sur les avancées de l’enquête. De ce fait, toute information sur l’enquête provenant d’une autre source est nulle et non avenue si elle n’a pas été validée par le BEA ». Le Bureau fait, sans doute, ici référence à « la source gouvernementale » sur laquelle s’appuie le Figaro. Les observateurs attentifs ont pu en effet s’étonner de la présence des deux ministres de tutelle lors de la conférence de presse au cours de laquelle le BEA a annoncé que l’épave avait été localisée. Pour semer le doute sur l’indépendance du Bureau, il n’y avait pas mieux…

Encore un peu de patience. L’analyse de l’enchaînement des événements qui conduisent à un accident est généralement complexe. Dans le cas présent, les enregistreurs de vol retrouvés en parfait état de conservation vont permettre de comprendre ce qui s’est passé. Comme le souligne le BEA, « il s’agit d’un travail long et minutieux ». Le rapport intérimaire ne sera pas publier avant l’été. Il a fallu deux ans pour remonter les boîtes noires à la surface. Nous pouvons attendre encore deux mois avant d’avoir une première explication. Nous aurons le temps ensuite de discuter les conclusions de l’enquête. Mais pour l’heure, mieux vaut laisser les experts du BEA travailler dans la sérénité. Les sujets d’actualité ne manquent pas en ce moment…

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    La presse dès la sortie des enregistreurs s'est empressée hâtivement et irrespectueusement pour les victimes et leurs familles de pondre des articles mettant en cause l'équipage sans même connaître les conclusions d'une enquête qui demandera du temps.
    L'évocation des problèmes sur des modèles de sondes Pitot pourrait être une des causes mais probablement pas la seule. Lors d'un accident , on évoque souvent la loi des séries. Les problèmes techniques s'accumulent et les erreurs humaines s'enchainent.Un exemple l'illustre avec le cas du Boeing 737 de la Turkish Airlines qui il y a 2 ans en final sur Amsterdam s'est crashé avec 3 pilotes à bord à 2km de la piste . Au départ un problème de radio-altimètre défectueux suivit d'erreurs humaines .Bilan 8 morts dont l'équipage de conduite.
    Mais les causes du vol AF qui nous intéressent restent encore pour le moment mystérieuses.

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Piloter un avion de ligne Airbus en altitude sans indications de vitesse indiquée n'est pas infaisable...Sauf que dans le cas de ces machines complexes, la perte de ces vitesses entraine d'autres problémes (changement de loi de pilotage, perte des automatismes, nombreuses alarmes et pannes subséquentes...)
    Il n'y a qu'à dans ce cas afficher une assiette et une poussée diront certains...Mais le niveau de turbulences probablement élevé permettait-il ne serait ce que de lire une assiette?
    Cet accident dramatique est probablement l'issue d'un enchainement de circonstances et seule l'analyse soigneuse des paramètres de vol pourra donner une explication un tant soit peu rationnelle.
    Pour ce faire, le BEA a besoin de temps et les journalistes ou autres protagonistes devraient pour le moins accorder encore ce temps nécessaire avant que de se répandre en supputations, même si nous sommes tous avides de savoir!!!

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Merci pour vos réponses et précisions, et je mets en favori ton blog Simmer ! (pas le temps là je lirais + tard).

    Bons vols à tous,

    Fred

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    On sait autres avions à fait un détour pour éviter la zone très orageuse. La question est pourquoi AF447, n'a pas fait?
    C'est peut-être à cause de défaillance technique du radar météo, de GPS, de formation, de soucis économiques pour le carburant, ou l'insouciance. Avec l'enregistrer des 30 dernières minutes de vie dans le cockpit, on a la possibilité de trouve une réponse. S’il est le dernier, malheureusement les pilots port une grande responsabilité.

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Patience... Comme le rappelle le communiqué du SNPL c' est au BEA qu'il faut s' en remettre. Merci à lui de le signaler.

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Fred, bien sûr qu'on peut voler sans vitesse indiquée. Le BEA a toujours dit, à juste titre, que la perte des informations anémométriques ne pouvait pas être la seule cause de l'accident.

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Pour répondre à Fred, un avion vole grâce à sa vitesse par rapport à l'air, l'information de vitesse sol (donnée par les centrales inertielles ou par les GPS) a deux utilités :
    1- Calculer le vent en comparant cette vitesse sol à la vitesse propre (TAS) elle même calculée depuis la vitesse indiquée
    2- Estimer l'heure d'arrivée, le carburant restant à destination, etc..

    La vitesse sol ne permet pas en elle même de piloter l'avion. Il n'est pas possible avec les seules prévisions météo de déterminer la vitesse de l'avion d'après la vitesse sol.

    En cas de perte de l'information de vitesse par rapport à l'air, le pilotage devient très délicat à haute altitude, où la marge entre la vitesse maxi et la vitesse mini de l'avion est extrêmement faible. Il existe deux méthodes pour piloter dans ce cas :
    1- Les préaffichages (un tableau permet de savoir qu'à telle altitude et telle masse, en cas de perte de l'information anémométrique l'avion peut voler à telle vitesse si on affiche tel régime moteur)
    2- L'information d'angle d'incidence, qui est affichée en secours sur les Airbus grâce au système BUSS (article dans mon blog ici : http://simmer.canalblog.com/archives/2010/05/20/17958614.html) mais qui n'était pas installé sur l'AF447.

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Le problème aujourd'hui est que les journalistes ne vérifient aucune des infos que leurs sources peuvent leur donner ! Ces messieurs ne font pas leur boulot, cela fait longtemps qu'on peut le vérifier, ils ne travaillent que pour le sensationnalisme et sous l'influence de groupes de pression (et non pas pour le journalisme !). les chiffres réels de ventes de la presse (hors "distribution gratuite aux différents acteurs économiques comme les compagnies aériennes justement !) sont en chute libre (voir les déficites chroniques du "Le Monde", et autres journaux soit disant "économiques"), cela devrait les faire réfléchir et se remettre en cause de temps en temps ! Les pilotes ne sont pas sur la liste des personnages protégés par une "chape de plomb" comme certains autres personnages publics (voir l'actualité etrangère qui met à jour des vérités bien connues de certains initiés !), on peut les mettre au ban de la vindicte populaire !
    Triste France.

    • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
      @ Titi21 - La crédibilité des journalistes est en perte de vitesse. C'est un fait. Mais de là à tous les mettre dans le même panier… Vous remarquerez que sur ce coup, le Figaro est bien seul. La polémique n'a pas pris et c'est heureux.

      D'une manière générale, le traitement médiatique d'un accident d'avion n'est jamais satisfaisant. Il y a d'un côté le public qui veut connaître immédiatement les "responsables". Les journalistes sont sous pression. Ils doivent satisfaire la curiosité de leurs lecteurs ou auditeurs. C'est la course. Et de l'autre côté, il y a les professionnels qui savent qu'il faudra un temps plus ou moins long pour établir l'arbre des causes. On s'installe dans la durée. Les deux temps ne sont pas compatibles. Et ils ne le seront jamais… G.R.

      • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
        Que le grand public veuille de suite les noms des responsables n'excuse en rien que les "journalistes" racontent n'importent quoi ! La course contre la montre pour être le premier à avoir quelque chose à dire sur le sujet (quel qu'il soit) les poussent malheureusement à ne plus vérifier les sources et véracités, ni la crédibilité des infos. Résultat : 25 minutes au journal de 20 heures pour expliquer qu'il a neigé 3cm sur Paris alors que le même jour Steve Fosset pose Virgin Ataltic Global Flyer à 20h30 après un tour du monde sans escale en direct... Sauf que le direct, zobi, il y aura eu 3 minutes pour "parler" de la chose avec des images de l'avion live en finale, mais l'attéro sera coupé ! Tas de c.. !!!
        Le grand public veut des infos en direct ? Qu'on leur explique les "faits factuels" connus à ce moment en esquissant éventuellement quelques scénarios possibles, mais qu'ils ne fassent pas semblant d'avoir des conclusions vraies !!! Quand on sait pas, on sait pas !
        Résultats : les journalistes passent pour des c... bassement évènementistes, et les experts mandatés passent pour de sombres fainéant mettant 2 ans à donner les conclusions déjà esquissées parfois le soir du crash...

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Bonjour à tous,

    Pardonnez ma naïveté mais étant passionné d'aviation (et ne volant que sous simu en vol contrôlé) je ne comprends pas comment la perte d'info KIAS peut entraîner la chute d'un avion ? Les pilotes auto ne peuvent pas fonctionner sans cette info ? Et la centrale à inertie ne peut pas prendre le relai ?
    Et encore, pê naïf, mais avec deux pilotes (humains) il n'y a pas moyen de faire 1500 ou 2000 milles "à la main" pour rejoindre l'AD le plus proche ? Même sans KIAS avec l'info G/S et les infos MTO de la tour on ne peut pas s'en sortir pour se poser ?

    Merci pour vos éclaircissements, et bons vols à tous !

    Fred

  • Rio-Paris : ne tirez pas sur les pilotes !
    Bien vu Mr Montana.
    L'analyse est pertinente. Un détail, on sait maintenant que de l'eau en surfusion peut se trouver à plusieur nm de la tête du CB. Donc même en évitement on peut se retrouver en mauvaise posture.
    Quant à annoncer ce type de nouvelle aux familles( panne consécutive à une défaillance connue ), pas de danger. Il en va d'intérêts industriels et éventuellement pénaux.
    Donc sans être grand clerc et en laissant bien sûr travailler qui de droit, les familles de nos collègues pilotes disparus vont surtout devoir digérer dans le meilleur des cas de méchants sous entendus ou tout simplement des conclusions douloureuses.

    Le tout va être d'enrober ces conclusions pour ménager un constructeur et son client
    .
    Car bien sûr si on veut nous expliquer que de ce rapport sortira une avancée pour la sécurité des vols, on pouvait faire plus court :
    Une préparation des vols qui tienne la route
    Un avion intègre avec les bonnes sondes (radar performant)
    De la doc au goût du jour
    Un équipage qui connait son travail ( formation, contrôle)

    C'est comme ça que cela fonctionne depuis de longues années et il n'y a pas de raison que ça change....sauf à exploiter des drones en ligne mais c'est un autre chapitre.

    Bons vols à tous

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