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Transport Aérien

Sécurité : Faire face à un feu ou des fumées à bord

Published by
Michel Trémaud

Bien que les autorités égyptiennes n’aient pas encore publié leur rapport préliminaire sur l’accident du vol MS804, plusieurs indices conduisent à penser qu’un feu s’est déclaré à bord de l’A320 d’Egyptair. Les annales du transport aérien mondial, recensent plusieurs cas de perte de contrôle de l’appareil suite à une accumulation de fumée dans le cockpit ou une propagation du feu. Le point sur les recommandations des autorités et de l’industrie.

Comme pour les marins, en particulier les sous-mariniers, la présence d’odeurs suspectes, de fumées ou de feu visible à bord reste la menace la plus redoutée des pilotes.

L’actualité récente a ramené les projecteurs sur le cas du vol MS804 pour lequel aucune information technique détaillée n’a été publiée à ce jour.

Cependant, les messages transmis par le système ACARS, l’analyse préliminaire de l’enregistreur de paramètres (FDR) et de l’enregistreur de conversation (CVR), ainsi que l’examen de certains débris concourent à attester la présence d’un « feu » sans toutefois permettre dans préciser l’origine.

Sans spéculer des conclusions de la commission d’enquête, cet évènement nous rappelle plusieurs accidents où l’accumulation de fumée dans le cockpit et/ou la propagation du feu ont conduit à la perte de contrôle de l’appareil.

Les synopsis d’accidents ci-dessous représentent un échantillon représentatif des scénarios les plus souvent rencontrés :

11 Mai 1996 – DC9 – ValueJet 592

Feu en soute cargo, déclenché par l’activation spontanée de générateurs chimiques d’oxygène (« actifs » bien que périmés, mais conditionnés comme « vide »), propagation du feu favorisée par la présence / explosion de roues de rechange, fusion d’une partie des systèmes électriques et des commandes de vol, feu et fumée en cabine et cockpit ayant potentiellement « incapacité » l’équipage, perte de contrôle et crash dans les Everglades, 11 minutes après le décollage de Miami.

2 Septembre 1998 – MD11 – Swissair 111

Odeur puis fumée visible en cockpit probablement due à un arc électrique dans l’alimentation des écrans individuels des passagers, propagation du feu par inflammation de matériaux d’isolation thermique et phonique, progression du feu vers le cockpit, perte des instruments de pilotage et de l’éclairage cockpit ayant entrainé une perte de contrôle durant la préparation pour l’approche à Halifax.

3 Septembre 2010 – B747-400F – UPS 6

Feu initié par la combustion spontanée d’un chargement de batteries au Lithium, fumée en cockpit ayant empêché toute vision des instruments et résulté dans une perte de contrôle lors d’une tentative de retour vers Dubaï, l’aéroport de départ.

28 Juillet 2011 – B747-400F – Asiana 991

Feu probablement initié par la combustion spontanée d’un chargement de 400 kg de batteries au Lithium, propagation du feu certainement favorisée par la présence de matériaux inflammables, diversion vers l’ile de Jeju mais probable perte de contrôle ayant conduit l’appareil à s’abimer en mer, épave finalement localisée et ayant révélé des signes de feu en soute sous la zone cockpit.

Fumée en cockpit – Garder la visibilité des instruments
© Coll. Michel Trémaud

Suite à ces accidents des groupes de travail ont été mis en place par l’industrie afin d’en tirer les enseignements tant du point de vue de la conception (inflammabilité des matériaux) que du point de vue des procédures d’utilisation (conditionnement des chargements « hasardeux », stratégie et priorités des procédures fumée / feu).

En particulier, une task force dirigée par la Flight Safety Foundation (FSF) c’est intéressée aux situations d’odeurs suspectes / fumée / feu et aux procédures associées.

Un canevas de procédure(s) a été développé redéfinissant les priorités entre « survie » et « recherche de cause / isolation ».

Ce nouveau canevas a été largement diffusé par la FSF, la US FAA, la UK RAeS … et de nombreuses autres entités.

Procédures Fumée / Feu – De nouvelles stratégies et priorités
© Coll. M. Trémaud

Les constructeurs en ont bien sûr tiré les bénéfices pour leur procédures « papier » (Quick Reference Handbook – QRH) et « numériques ».

Garder le contrôle de l’avion en situation de fumée dense dans le cockpit peut s’avérer impossible, la lecture des instruments et la visibilité des différentes commandes et contrôles étant largement altérés. Cependant, des dispositifs ont été développés – sortes de tubes gonflables en plastique transparent – qui permettent de créer un « tunnel » libre de fumée entre les yeux du pilote et l’instrument ou commande qu’il souhaite consulter / activer (voir ci-dessous l’illustration de l’un de ces dispositifs).

Fumée en cockpit – Garder le contrôle de l’avion
© Coll. Michel Trémaud

Pour revenir à l’accident du vol MS804 et comme le recommande souvent le NTSB Américain, nul n’est besoin d’attendre les conclusions d’une enquête pour rappeler les recommandations existantes qui pourraient s’y rattacher ou considérer les améliorations du produit qui pourraient avoir évité cet accident ou atténué ses conséquences.

Si vous êtes pilote, responsable d’un département de vol ou d’ingénierie, …, il peut être approprié de vérifier si vos avions peuvent être équipés du dispositif décrit ci-dessus et de s’assurer que vos checklists (papier ou numériques) reflètent bien les dernières recommandations de notre industrie et du constructeur.

La section ci-dessous propose une sélection de documents de référence publiés par des organismes tels que la FSF, la RAeS, l’IATA, la US FAA et l’OACI. Cette liste ne prétend pas bien sûr être exhaustive mais elle constitue une bonne base de départ pour l’approfondissement des sujets et aspects abordés dans cet article.

Michel Trémaud

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Michel Trémaud

Michel Trémaud a débuté sa carrière au Bureau Veritas, l'a poursuivie à Air Martinique et Aerotour, avant de rejoindre Airbus pour une carrière de près de 30 ans, consacrée principalement aux opérations en vol, essais de développement / certification et sécurité des vols. Dans ces fonctions, il a contribué à de nombreux projets pilotés par l'OACI, IATA, la Flight Safety Foundation et Eurocontrol. Ingénieur et pilote de ligne de formation académique initiale, il est pilote privé ( avion / planeur / ULM ) ... et également formé sur A310/A300-600.

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  • Exemples récents saisissants de feux de cockpit en aéronautique civile :

    http://www.ntsb.gov/investigations/AccidentReports/Reports/AAR0904.pdf

    http://www.civilaviation.gov.eg/accident/Reports/B777_SU-GBP_cockpit_fire_accident%20final%20Report%20responding%20to%20boeing%20comments%2019-09-2012a.pdf

    Et également en aéronautique militaire :

    https://ntrs.nasa.gov/archive/nasa/casi.ntrs.nasa.gov/20080026076.pdf

    La mise en cause des systèmes de production d'oxygène d'urgence interpelle, comme la rapidité avec laquelle les cockpit sont détruits

  • Il y a le masque à oxygène qui protège le système respiratoire. Quel serait le bilan de masse et d'efficacité avec les lunettes à "réalité virtuelle", en cas de fumée dans le cockpit par rapport au système airbag? les câbles non propagateurs d'incendie sans halogènes sont présents depuis plus de trente ans dans le ferroviaire.

    • Aujourd'hui on utilise des lunettes protectrices en cockpit, associées aux masques à oxygène. Ces lunettes altèrent le champs visuel et ne sont pas toujours pratiques pour piloter ou lire le QRH.
      En cabine on utilise des cagoules protectrices intégrales.
      Tout cela protège des inhalations et irritations mais n'augmente pas la visibilité; ce que les systèmes de type "airbag" ou "bandonéon" font de manière efficace.

  • Bonjour,
    je découvre sur les photos illustrant l'article les espèces de sacs plastique transparent. J'ai l’habitude des cockpits d’avions de ligne en jump seat, mais je n'ai jamais remarqué ce système. Je me doute bien de la finalité de leur présence, néanmoins serait-il possible qu'une personne sachant de quoi elle parle m'explique:
    -Si ce système est une équipement standard?
    -Comment est-ce que ca fonctionne exactement?
    -Quels sont ses buts?
    Merci d'avance

    • Réponse commune pour Xavier et Lucas :
      Les illustrations reflètent des sortes d'airbags (normalement stockés dans un réceptacle, lui même fixé à l'avion ... ici, sur la "casquette").
      Sur commande des pilotes, ils se gonflent et se déploient, créant ainsi un espace vide de fumée, qui va des yeux des pilotes aux instruments de bord et à certaines commandes.
      Il existe un autre modèle, ressemblant à un bandonéon, que l'on peut déplacer pour voir un instrument ou un équipement en particulier.
      Ces produits ont été introduits il y a déjà plusieurs années.
      Le système a été certifié par la FAA, je ne connais pas le statut de sa certification par l'EASA.
      Je pense qu'ils sont proposés "en option".
      Une recherche internet avec les mots-clés "cockpit smoke solution" vous donnera accès à plus de détails et à des informations sur les fournisseurs de ces équipements.

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