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Une prise de conscience nationale

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Martin R.

La mise en œuvre, par chaque grand aéroport français, d’un système de surveillance du bruit des avions et du respect des trajectoires est aujourd’hui inscrite dans la loi. C’est parce qu’elle estime qu’il s’agit du droit des riverains d’être informés, que l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires en a fait l’une de ses priorités, depuis son installation en 1999.


Les avions font du bruit. Tous, plus ou moins. Tout le monde s’accorde pour le reconnaître et c’est peut-être là, sans ironie aucune, l’un des rares points de convergence de ceux, d’un bord comme de l’autre, qui sont concernés par le problème. Mais ce qui est jugé techniquement acceptable par les uns peut être vécu comme intolérable par les autres. Tout dépend du point de vue d’où l’on se place. Devant un quadriréacteur qui décolle, l’ingénieur aéronautique n’a évidemment pas le même ressenti que le riverain d’un des plus grands aéroports de la planète. D’où la difficulté de compréhension et d’échange entre les différentes parties concernées par le problème épineux des nuisances sonores générées par le trafic aérien.

En 1999, l’ACNUSA (autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires) a été créée précisément pour restaurer ce dialogue entre les aéroports et leurs riverains. Immédiatement, cette autorité indépendante a compris que l’objectif qui lui était assigné passait par la mise en place de moyens impartiaux de collecte et de diffusion de l’information sur le bruit des avions.  » Il était important de définir un langage commun « , résume Roger Léron, le premier président de l’ACNUSA.  » Aujourd’hui, nous savons comment parler du bruit « .

La nouvelle autorité administrative a d’abord commencé par faire adopter, par le monde du transport aérien, un indice Lden destiné à quantifier l’exposition au bruit autour des aérodromes. Outre le fait qu’il permet de tenir compte de la gêne ressentie en pondérant la mesure en fonction du moment de la journée ou de la nuit, cet indice est le même pour tous les aéroports, pour tous les interlocuteurs. Il est également commun à tous les transports, ce qui au passage, peut permettre des comparaisons. Un premier pas a ainsi été franchi sans le sens d’une meilleure compréhension.

Le Lden adopté, il restait encore à définir les caractéristiques du dispositif de mesure du bruit des avions conforme aux objectifs. Le défi était double. D’abord, il était évidemment capital que les données recueillies soient fiables. D’où la nécessité de décrire précisément l’emplacement des équipements d’enregistrement des bruits aéronautiques. Ensuite, les résultats obtenus devaient pouvoir être comparés.

 » Avec le bruit, les déviations de trajectoires sont les deux principaux motifs de plainte des riverains « , souligne le président Léron. D’où la recommandation de l’ACNUSA de mettre en œuvre des systèmes permettant non seulement de mesurer les bruits et d’isoler ceux d’origine aéronautique, mais aussi de corréler ces bruits avec des trajectoires d’avions, d’identifier totalement les avions par leur numéro de vol, leur immatriculation, la compagnie, le type d’avion, le type de motorisation, d’établir les rapports et les statistiques. Le moyen imparable de couper court à toutes polémiques et d’offrir des éléments objectifs indispensable à tout amorce d’explication.

En 2001, l’ACNUSA a donc défini les prescriptions techniques relatives aux dispositifs de mesures du bruit et de suivi des trajectoires des aéronefs. Sans attendre que ces prescriptions soient homologuées par l’arrêté des ministres chargés de l’écologie et des transports, ce qui a été fait le 20 juillet 2004 seulement, plusieurs grands aéroports régionaux se sont dotés du système prescrit.

A cette époque, ADP avait déjà accumulé près de dix années d’expérience en la matière puisque son premier système de surveillance dénommé SONATE (Suivi Opérationnel des Nuisances Aéronautiques et des Trajectoires pour l’Environnement) date de 1993. Il comprenait 15 stations fixes de mesure (11 à Paris-CDG et 4 à Orly) et 5 stations dédiées à la surveillance des essais moteurs (3 à CDG et 2 à Orly). Bien qu’opérationnel, ce système n’a pas pu recevoir un avis favorable immédiatement de la part de l’ACNUSA pour une raison absolument indépendante de la volonté d’Aéroports de Paris.

En effet, l’objectif de transparence absolue poursuivi par l’autorité est d’offrir à chaque riverain des principaux aéroports sur lesquels se concentre le trafic aérien national un accès direct à l’information sans passer par aucun filtre. Elle exige donc que le système affiche en temps réel la projection des vols à l’arrivée, au départ, en survol, l’altitude de l’avion en chaque point de la trajectoire projetée, l’emplacement des stations de mesure de bruit, les niveaux mesurés de ces stations. Cet affichage doit se faire sur fonds de carte terrestre récent et lisible, de manière à le rendre compréhensible par tous, et non seulement par les seuls initiés. Dans l’esprit, il est important de donner les moyens à chacun de se faire sa propre opinion.

 » Pour des raisons de sùreté, l’Etat nous a interdit de mettre en place un tel système de visualisation « , explique Jean-Marie Machet, l’ingénieur en chef, responsable du Laboratoire d’ADP. Contrairement aux aéroports régionaux où le trafic est essentiellement lié aux activités de compagnies aériennes régulières ou de charters, sur les aéroports parisiens d’Orly, de Roissy-CDG, mais aussi du Bourget, se concentre la quasi-totalité des vols dits  » sensibles « .

Sous ce vocable, les autorités englobent aussi bien les vols militaires que les déplacements du président de la république et de ses ministres, les vols de personnalités étrangères en visite en France que les avions de ligne de pays en guerre, cibles potentielles du terrorisme international.  » Le souci de protéger l’anonymat de ces vols s’est encore accentué après les attentats du 11 septembre 2001 « , souligne le directeur du laboratoire parisien.

Cet impératif de sùreté implique un tri permanent et sans faille parmi la multitude d’informations qui remontent automatiquement vers les ordinateurs chargés d’établir la corrélation entre les relevés de bruit et le descriptif du vol. Il a fallu de ce fait de nombreux mois, non seulement pour parvenir à définir le paramétrage mais aussi pour convaincre les autorités, preuve à l’appui, qu’aucune information sensible ne pourrait passer au travers des mailles du filet tendu par les informaticiens du laboratoire. Néanmoins, au nom de la sùreté, l’ACNUSA a admis que la visualisation pourrait s’accommoder d’un léger décalage d’une trentaine de minutes.

En fait, l’un des intérêts majeurs du système de visualisation, à Paris comme en province, est d’offrir la possibilité de  » rejouer  » n’importe quel vol à la demande d’un riverain qui se plaindrait d’un survol jugé anormal, soit parce que le bruit lui a paru plus fort que d’habitude, soit que l’avion est, selon lui, passé trop bas ou sur une trajectoire inhabituelle. Grâce au système, il est désormais possible de retrouver instantanément le vol en question et de le simuler pour comprendre ce qui a pu se passer. L’ACNUSA demande en particulier que la localisation du plaignant puisse se faire de façon simple ce qui va permettre au moment de la reconstitution du vol de se placer du point de vue du riverain.

Et si les impressions de ce dernier sont confirmées par les niveaux de mesure du bruit et le tracé de la trajectoire suivie qui apparaissent instantanément sur l’écran, une première explication pourra être recherchée dans les caractéristiques du vol qui s’affichent sur ce même écran. Il pourra par exemple directement savoir de quelque type d’avion il s’agit.

En mettant en œuvre de tels outils d’informations, les aéroports jouent cartes sur table et affichent clairement, sur de magnifiques écrans plasma, leur souci de transparence.  » Cette volonté d’informer s’inscrit parfaitement dans notre mission de service public « , affirme Jean-Marie Machet.  » Du point de vue des technologies disponibles, nous offrons, la meilleure information imaginable, présentée de la manière la plus accessible qui soi pour le grand public « .

Gil Roy. Entre Voisins N°5 / Automne 2005

BONUS 1 – L’indice LDEN

L’indice retenu pour quantifier le bruit des avions n’est pas spécifique à l’aéronautique, mais à l’ensemble des transports. Il permet ainsi de réaliser des comparaisons avec d’autres moyens de transport. Mais, du point de vue de l’ACNUSA qui l’a imposé, il a l’avantage également d’introduire une modulation de la journée en distinguant le jour, la soirée et la nuit. C’est ainsi que le même avion, survolant le même lieu, à la même altitude, générera un bruit dix fois plus important entre 22 heures et 6 heures (c’est-à-dire la nuit), qu’entre 6 heures et 18 heures (la journée) et cinq fois plus gênant entre 18 heures et 22 heures (en soirée). L’indice LDEN tient ainsi compte du mode et du rythme de vie des riverains des aéroports.

Gil Roy. Entre Voisins N°5 / Automne 2005

BONUS 2 – L’ACNUSA

L’Autorité de Contrôle des Nuisances Sonores Aéroportuaires (ACNUSA) a été créée par la loi du 12 juillet 99. Cet organisme indépendant a le pouvoir d’agir au niveau de tous les aéroports français. Il peut faire des recommandations sur toutes les questions relatives à la mesure du bruit, alerter sur les manquements aux règles fixées pour la protection de l’environnement, sanctionner en cas de manquement aux restrictions fixées pour un aérodrome par le ministre des transports. Il a également un rôle de médiation en cas de litige et de non respect des engagements.

Première autorité administrative indépendante dans le domaine de l’environnement, et seule structure de ce type en Europe, l’Acnusa a pour vocation de restaurer le dialogue et de rétablir la confiance. Elle doit s’attacher à ce que le développement du transport aérien ne pénalise pas les populations riveraines.

Ses membres sont élus pour six ans, ils ne sont ni révocable, ni renouvelable. Ils ne peuvent pas avoir d’autres mandats électifs, d’activité professionnelle ou associative en rapport avec l’activité des aéroports ainsi que toute détention d’intérêts dans une entreprise des secteurs aéronautique et aéroportuaire.

Gil Roy. Entre Voisins N°5 / Automne 2005

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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