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Transport Aérien

Ural Airlines prépare le décollage de son A320 depuis le champ dans lequel il s’est « vaché »

Published by
Fabrice Morlon

C’est une première à laquelle se prépare de vivre Airbus… en spectateur. Jamais encore, un Airbus A320 n’a décollé d’un terrain non préparé, en l’occurence un champ. La compagnie russe Ural Airlines est bien déterminée à remettre en exploitation son A320 qui s’est posé dans un champ le 12 septembre 2023. Et pour cela, elle compte bien le faire décoller par ses propres moyens…

Le 12 septembre 2023, un A320 immatriculé RA-73805 appartenant à la compagnie aérienne russe Ural Airlines, assurant le vol U6-1383 sur la ligne Sotchi-Omsk, a effectué un atterrissage d’urgence sur un champ dans la région de Novosibirsk. Les 161 passagers et 6 membres d’équipage à bord ont pu évacuer l’avion sains et saufs. D’après Ural Airlines, une panne hydraulique serait responsable de cet atterrissage d’urgence, parfaitement maîtrisé par l’équipage.

L’agence russe de la sécurité aérienne, Rosaviatsia, a précisé qu’au cours de l’approche finale d’Omsk, lors de la sortie du train d’atterrissage, une panne hydraulique sur le circuit vert s’est produite. L’équipage aurait alors effectué une remise de gaz. Le train d’atterrissage ne serait pas rentré. L’équipage n’aurait pas remarqué la défaillance et, en attente près d’Omsk, a décidé de se dérouter vers Novosibirsk. Constatant une diminution du carburant plus importante que celle calculée, du fait du train sorti, l’équipage a décidé d’atterrir dans un champ, avec 216 litres de carburant restants. La défaillance du système hydraulique serait due à la rupture d’un tuyau dans la ligne de commande de la trappe du train d’atterrissage principal droit.

Malgré un atterrissage sur une surface non préparée, la compagnie russe, qui dit avoir effectué une inspection rigoureuse, a constaté que l’avion est dans des conditions satisfaisantes et n’aurait pas subi de dommages importants. La compagnie estime qu’elle pourra continuer l’exploitation commerciale de cet A320.

En 2019, un Airbus A321 de la même compagnie russe s’était déjà posé dans un champ à proximité de Moscou, suite à une collision aviaire au décollage. Après inspection, la compagnie avait décidé de démanteler l’avion sur place, les dommages subis ne pouvant être réparés.

Malgré tous les risques que cela comporte, Ural Airlines a décidé cette fois-ci de récupérer son A320 en le faisant décoller depuis le champ où il a atterri en urgence. Contacté par nos soins quant à la faisabilité d’un tel projet, Airbus a répondu ne pas être en mesure de commenter ce qui se passe en Russie mais dit également se tenir à disposition des autorités françaises et européennes si la Russie les sollicite pour une enquête ou au sur les mesures nécessaires pour assurer la sécurité : « Dans cette situation, nous sommes uniquement en position de supporter le BEA pour les investigations et l’Agence européenne de la sécurité aérienne pour le suivi de navigabilité. »

Mais l’A320 n’est pas l’A400M. Le monocouloir n’a pas été conçu pour atterrir sur des pistes non préparées. Il ne dispose pas non plus d’un « gravel kit » à la manière du B737-200. La décision de la compagnie russe soulève alors plusieurs questions auxquelles il va être difficile de répondre sans connaître l’état de l’avion qui s’est vaché.

Tout d’abord, il faudra réparer la panne hydraulique qui a contraint, d’après Ural Airlines et Rosaviatsia, à interrompre le vol. L’inspection n’a pas relevé de dégâts majeurs sur l’avion, toujours d’après la compagnie, qui dit également avoir nettoyé les moteurs des débris ingérés. Et pourtant les moteurs ont dû être bien sollicités par les objets étrangers ingérés à la course à l’atterrissage, d’autant plus si les pilotes ont actionné les reverse.

Une fois ces problèmes réglés, il faudra alléger l’avion au maximum de manière à diminuer la course au décollage. La compagnie pourra retirer les sièges, par exemple, et les équipements non nécessaires et n’embarquer qu’une quantité limitée de carburant. Il faudra ensuite déterminer, en fonction de la résistance du terrain et des performances de l’avion, si la distance disponible permet un décollage en toute sécurité. A noter que, chez Airbus, il n’existe pas de procédures pour décoller avec un A320 depuis un terrain non préparé.

Il faudra également enlever de cette piste de fortune tous les éléments qui peuvent être ingérés par les moteurs, portés à pleine puissance. Une possible solution est également d’attendre quelques semaines et l’arrivée du froid. Le terrain gelé sera plus praticable et les performances de l’avion meilleures.

Mais pour effectuer tous ces préparatifs, il faudra sans doute protéger l’avion et les techniciens avec un hangar temporaire. Enfin, la grande question est aussi de savoir si, une fois en l’air, l’avion sera ou non en mesure de voler de manière optimale.

Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, c’est un peu comme si la Russie était déconnectée de l’OACI. L’Europe interdisant la distribution de pièces détachées à la Russie, Airbus et Boeing ont cessé de fournir des pièces aux compagnies russes. Pour une compagnie comme Ural Airlines, qui exploite une flotte tout Airbus composée de 53 avions de la famille A320, maintenir sa flotte en état de vol doit être un casse-tête.

Pour continuer à faire voler les avions venus de l’Ouest, les compagnies russes ont pu opter pour différentes solutions. Soit cannibaliser d’autres avions pour récupérer des pièces, soit passer par un pays tiers qui consent à vendre des pièces, sans l’accord d’Airbus.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • Bonjour,

    je ne suis pas qualifié Airbus.
    Un sachant peut-il nous dire comment une panne hydraulique peut entrainer un atterrissage d'urgence ?
    C'est une question, pas une polémique.

    Bons vols

    Ian Tutaj

    • Autant que j’ai pu comprendre, le circuit vert était en panne, et de ce fait l’équipage n’a pas pu rentrer le train. Et sur tout avion de ligne, la conso/distance est en gros multipliée par 3 avec le train sorti, je ne t’apprends rien, ayant lu Artisan Pilote et sachant que tu as été qualifié sur MD83 à l’époque.😉

      Dominique, cocher d’A330

    • En relisant l'article de Fabrice, moi je comprends que c'est la future panne sèche qui a obligé les pilotes à se poser de toute urgence Il ne leur restait que 216 litres de kérosène !!!!!

      • Bonjour Stanloc,
        Effectivement, de ce que j'ai compris de "l'enquête" de l'agence russe, c'est la conso carburant anormalement élevée, que les pilotes n'avaient semble-t-il pas anticipée du fait du train sorti, qui a décidé les pilotes à effectuer un atterrissage d'urgence. Le fuel restant n'aurait pas permis de rejoindre leur destination.

  • Ma mémoire est incomplète à propos du type de l'avion dont il s'agissait mais dans la série "mayday" canal TV24 ou 25 nous avions vu un précédent. Il s'agissait d'un avion de ligne qui s'était posé sur la rive d'un canal et qu'ils avaient fait redécoller . Aux USA , je crois ?
    En France, à ma connaissance,seuls des pilotes d'essais ont la qualification requise pour redécoller un avion "accidenté" dans de telles conditions.

    • Bonjour Stanloc,
      C'était sans doute le vol TACA 110, en juin 1988, un Boeing 737 qui a perdu ses deux moteurs et qui a dû se poser en Nouvelle Orléans, près d'un site d'assemblage de la NASA.
      L'avion avait redecollé d'une route à proximité, mais pas de l'endroit même où il avait atterri.
      Pour des Airbus en revanche, à ma connaissance, je n'ai pas d'exemple de ce type.

    • Corrections : Il s'agissait peut-être de la série "dangers dans le ciel" que plusieurs chaînes TV ont diffusée.
      Maydau sur le canal TV 23 ou 24 et non le canal 25

  • Un p'tit coup de vodka pour les pilotes, un bon coup pour les réacteurs et ... "DavaÏ !"
    Où est le problème ... Za vaché zdarovié !

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