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Aviation d'Affaires

Il y a 60 ans, le premier vol du Mystère 20

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Gerard Maoui

Le 4 mai 1963, le Mystère 20 a effectué son premier vol. Ce jour-là, Marcel Dassault a pris le monde entier de court, à commencer par les constructeurs aéronautiques américains, en faisant voler le premier avion d’affaires à réaction. La famille Falcon pointait son nez… Aerobuzz.fr vous propose un podcast original réalisé, pour l’occasion, par Gérard Maoui.

Ecoutez le podcast

4 mai 1963. À 17h15, le prototype du Mystère 20 s’aligne sur la piste de Bordeaux-Mérignac. René Bigand et Jean Dillaire, aux commandes, affichent la puissance décollage des deux JT12 de Pratt & Whitney, positionnés à l’arrière du fuselage, façon Caravelle. Le petit biréacteur s’élance et rejoint son élément pour un baptême du ciel qui dure une heure et cinq minutes. L’avion à peine posé, Marcel Dassault s’enquiert auprès des pilotes du comportement en vol de son nouveau-né. Il s’en retourne rassuré à son bureau : l’avion vole bien. Comment peut-il en être autrement ? L’avion est fin, élégant. Il est beau. Donc il vole bien ! Le travail peut continuer.

Moins de deux ans auparavant, fin 1961, Marcel Dassault avait décidé de lancer un petit avion de liaison à réaction et hautes performances. « En aviation, il est une règle d’or : la haute performance est toujours payante. C’est pourquoi, en dépit des réserves de beaucoup, je me lançai dans l’étude et, aussitôt après, dans la fabrication rapide d’un avion pour huit à douze passagers, capable de croiser à une vitesse voisine de 0,9 de Mach et de parcourir des distances de 2.500 km », explique-t-il.  La conception du Mystère 20 bénéficie de l’expérience acquise sur les programmes militaires Ouragan, Mystère et Mirage dont la réputation d’excellence ne cesse de croître.

1963 – Le prototype du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

Alors que le prototype prend forme au bureau d’études de Mérignac, le service des exportations, dirigé par Serge Dassault part à la conquête du marché américain. Sur ce territoire gigantesque où de nombreux hommes d’affaires se déplacent essentiellement à bord de bimoteurs à pistons ou de biturbopropulseurs vieillissants, l’avionneur français est persuadé que son Mystère 20 a un grand rôle à jouer. En 1962, Serge Dassault se rend donc à Pittsburgh où se tient, cette année-là, la Convention de la NBAA (National Business Aviation association). Il emporte dans ses bagages une maquette au 1/50 et les documents de calculs annonçant les performances de l’avion.

1962 – Plan 3 vues du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

L’accueil des professionnels va au-delà de ses espérances. Certes, ils se posent des questions sur les délais de livraison et sur les incertitudes relatives à la fabrication en série que le constructeur ne lancera que lorsqu’un nombre significatif de commandes sera atteint. Cent quarante utilisateurs d’avions d’affaires s’inscrivent pour être informés de l’avancement du programme. Des sociétés comme Youngstown Airways et Pacific Airmotive, appuyées par leur banque, la First National City Bank, font acte de candidature pour commercialiser l’avion aux États-Unis et au Canada. Serge Dassault rentre en France, chargé de bonnes nouvelles. « Le Mystère 20 a aujourd’hui une place de choix sur le marché américain des avions privés » analyse-t-il. Avec prudence, Marcel Dassault décide dans un premier temps de poursuivre la fabrication du prototype et de le certifier. Pour la fabrication en série, on verra plus tard…

1962 – La maquette du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

Début 1963, les choses s’accélèrent. On apprend qu’une délégation de la Pan American Airways, la compagnie aérienne emblématique américaine, l’une des plus puissantes du monde, à l’époque, recherche un petit biréacteur pour prolonger ses lignes long-courriers et offrir à ses passagers « haute contribution » la possibilité d’atterrir sur des petits aéroports, au plus proche de leur destination finale.

DA00021963 – Charles Lindbergh découvre le Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation2528_AVP_

Cette délégation, après avoir rendu visite au constructeur britannique De Havilland et examiné sans conviction son DH 125, est annoncée à Mérignac…le 4 mai 1963, quelques heures seulement avant le premier vol du Mystère 20. Parmi ses membres figure Charles Lindbergh en personne. Trente-six ans après sa traversée New York-Paris en solitaire à bord de son Spirit Of Saint-Louis, le célèbre aviateur américain est maintenant conseiller auprès de Juan Trippe, le président de la Pan Am. Il inspecte le prototype du Mystère 20 dans ses moindres rivets. L’appareil semble lui convenir mais il demande toutefois une remotorisation avec les CF700 de General Electric. Dassault accepte d’autant plus volontiers que cela avait été une option très tôt envisagée par le bureau d’études.

La légende raconte que Lindbergh, définitivement séduit et sans doute impressionné par la qualité du travail qui lui fut présenté, ne tarde pas à télégraphier à son président : « I’ve found our bird ». Dans le texte : « j’ai trouvé notre oiseau ». La suite se déroule comme dans un conte de fées.

1963 – Roll out du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation
1963 – Roll out du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

L’avion vole quelques heures après le départ de la délégation. Dix jours plus tard, Pan Am commande quarante appareils et confirme son intérêt pour acquérir, à terme, deux cents appareils pour les commercialiser aux États-Unis et au Canada. Mérignac a le sourire : cette nouvelle signifie que la fabrication en série peut être lancée !

Fort de cette commande et du comportement technique irréprochable de l’appareil, Marcel Dassault présente fièrement son prototype au président de la République, Charles de Gaulle, lors du Salon du Bourget, en juin 1963. De son côté, Pan Am est impatiente de montrer « son » avion au marché américain et la maquette à l’échelle 1 est expédiée par bateau à Houston pour être présentée au Salon de la NBAA de 1963.

1963 – Poste de pilotage du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation
1963 – La cabine du Mystère 20 de Dassault à Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

Reste l’étape importante de la certification. Dassault ayant promis à Pan Am de lui livrer ses premiers avions à l’été 1965, il n’y a pas de temps à perdre. Chance inouïe, il se trouve qu’un ingénieur américain de chez Boeing, avec qui Dassault travaille à l’époque dans le cadre d’accords informels sur le Mirage à décollage vertical, a été détaché pour deux ans à Bordeaux. Cet ingénieur n’est autre que l’ancien responsable de la certification du Boeing 727. Son aide précieuse permet de présenter dans les temps à la FAA (Federal Aviation Agency) des dossiers de certification conformes à ses attentes.

Le 9 juin 1965, le Mystère 20 obtient ses certifications française et américaine. Les premiers avions sont livrés à Pan Am au mois d’août suivant et peuvent partir à la conquête du marché américain. « Mystère » y étant un nom à la fois peu évocateur et difficile à prononcer, l’avion est rebaptisé Fan jet Falcon, puis tout simplement Falcon, de préférence à celui de Citation initialement proposé…

1963 – Le Mystère 20 de Dassault au roulage à Bordeaux-Mérignac. © Coll. Dassault Aviation

Ainsi commence pour cet avion bien né une carrière formidable et avec lui l’avènement de l’aviation d’affaires rapide et moderne. De nombreuses entreprises en font leur outil de travail pour le transport de leurs collaborateurs. Des chefs d’états et de gouvernements le choisissent pour leurs déplacements (« Le roi des avions, l’avion des présidents » selon le slogan cher à Marcel Dassault).

En plus de sa vocation d’avion d’affaires et de liaison, ce sera un avion mutirôle exceptionnel qui fera l’objet de multiples versions. Des clients prestigieux comme Federal Express, les US Coast Guards, la Marine française et tant d’autres utilisateurs dans le monde loueront sa robustesse et sa fiabilité remarquables.

1965 – Le Mystère 20 aux couleurs de Pan Am, en formation avec un Boeing 747 de la compagnie aérienne, cliente de Dassault Aviation. © Coll. Dassault Aviation
1974 – La flotte de Mystère 20 exploitée par FedEx. © Coll. Dassault Aviation (Fedex)

Jusqu’au début des années 1990, et sa dernière extrapolation, le Falcon 20-5 à moteurs Garrett TFE 731, le Mystère-Falcon 20 aura été produit dans ses différentes versions à plus de 500 exemplaires.

En 2023, soixante ans après son premier vol, l’ancêtre des avions d’affaires de la famille Falcon laisse un héritage de plus de 2.700 appareils bi et triréacteurs fabriqués dont 2.100 sont en service dans le monde.

Le Mirage III, dont la supériorité aérienne incontestable fut révélée en 1967, a contribué à la réputation mondiale des produits militaires de Dassault Aviation. Dans le domaine civil, le Mystère 20, adoubé dès sa naissance par Pan Am, puis adopté par des multinationales et des entreprises comme FedEx ou les US Coast Guards, a constitué la rampe de lancement de la notoriété internationale des avions de la Famille Falcon. 

« Si tous mes appareils furent réussis, je dois insister particulièrement sur le chasseur bombardier Mirage III et sur l’avion d’affaires Mystère 20, Fan Jet Falcon pour l’Amérique » écrit Marcel Dassault dans Le Talisman, son recueil de mémoires.

  • Pour réaliser son podcast sur le premier vol du Mystère 20, Gérard Maoui a donné la parole à Jean-François Georges qui en 1963, alors élève-ingénieur à SupAero, a signé un contrat de pré-embauche chez ce qui allait devenir Dassault Aviation. Il fera toute sa carrière dans cette entreprise. Il deviendra le directeur des avions civils.
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Gerard Maoui

Gérard Maoui est spécialisé dans la communication pour l’aéronautique et le spatial. Il a publié de nombreux ouvrages sur cette thématique, principalement dans la collection « Ciels du monde » qu’il dirige au Cherche midi éditeur.

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