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Apprendre très vite à maîtriser les codes européens

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Martin R.

Alors que l’EASA découvre l’aviation légère, les pilotes privés européens sont absents des débats. Si les fédérations nationales ne parviennent pas s’entendre, la future réglementation communautaire se fera sans eux.


La construction de l’Europe est un feuilleton à rebondissement. Le précédent épisode que nous avons relaté dans notre numéro de janvier dernier laissait entrevoir un dénouement heureux. L’EASA apparaissait sous un visage bienveillant dans sa volonté simplificatrice de la réglementation communautaire destinée à l’aviation légère. Les spectateurs que nous sommes baignaient dans le bonheur. Mais comme dans toute bonne série, c’est à ce moment précis que survient le coup de théâtre qui prend tout le monde à contre-pied et relance le suspens et installe le doute quant au dénouement.

Alors que les pilotes privés français commençaient à se dire qu’il y avait peut-être à gagner à devenir européen, le couperet de la Commission européenne est tombé, tranchant sans appel le dossier de la TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers).

Rappel à la vigilance

Résumé des épisodes précédents. Le 27 octobre 2003, la directive européenne N°2003/96 impose la taxation des carburants pour l’aviation générale, avec une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2007. La France traîne les pieds et demande un report. La DGAC pense pouvoir jouer la montre, au moins jusqu’en 2013, mais le 30 novembre 2006, les instances européennes lui adressent un ultimatum. La requête française est rejetée sans appel. La Commission estime que depuis octobre 2003, le DGAC a eu suffisamment de temps pour se préparer. Résultat, l’Avgas, le carburant standard de l’aviation légère doit être taxé sur la base de l’essence sans plomb et le Jet-A1 qui alimente les nouveaux moteurs diesel, sur celle du gazole, soit 359 €/m3 pour le premier et 302 €/m3 (puis 330 €/m3 à partir de 2010) pour le second.

La France n’est pas la seule à avoir tenté d’échapper à la taxation. La Grande-Bretagne, la Suède, le Portugal et Malte sont dans le même cas. La DGAC et avec elle la FFA ont sans doute fait preuve d’un excès de confiance en croyant que cette fois encore, elles pourraient louvoyer. La loi a eu le dernier mot et cette nouvelle taxe est d’autant plus mal vécue qu’elle donne l’impression de saper les efforts de relance en s’en prenant plus particulièrement au gazole, le carburant des avions qui incarnent le renouveau de l’aviation légère, sans en tirer pour autant un bénéfice fiscal conséquent.

Ainsi vont les affaires communautaires. Les décisions de l’EASA s’imposent à tous de la même manière. L’époque des JAA est révolue et s’en prendre une nouvelle fois à la technocratie européenne, ne rapportera rien. Les combats contre les moulins à vent sont vains. Il vaut mieux entrer dans la boucle des prises de décisions très en amont pour faire valoir son point de vue et défendre ses intérêts propres. La FFA s’y emploie, mais les obstacles sont multiples.

La DGAC dans la boucle

La table ronde organisée par la Fédération et le groupe parlementaire  » vol libre et aviation légère  » dans les sous-sols de l’Assemblée nationale, le 12 février dernier, a donné un aperçu de l’ampleur de cette tâche. Elle a mis en évidence la nécessité de structurer, au plan européen, cette démarche, pour faire entendre la voix des pilotes privés à Bruxelles et à Cologne, auprès de la Commission et de l’Agence.

 » Nous sommes en phase de construction de la réglementation européenne et la Commission commence à découvrir l’aviation légère « , explique Jean-Michel Bour, sous-directeur de la sous direction Stratégie européenne et internationale de la DGAC.  » Elle s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un secteur qui n’est ni le transport, ni le travail aérien. Il va donc falloir lui donner une identité européenne pour éviter que la législation conçue pour l’aviation commerciale ne soit appliquée à l’aviation légère. Il n’est pas encore trop tard pour mettre en avant la problématique de l’aviation légère et expliquer qu’elle a besoin d’une législation souple et flexible ».

Et le fonctionnaire d’en appeler à une coopération entre les fédérations et son administration.  » Nous sommes convaincus qu’il faut développer les idées françaises à Bruxelles. Mais il faut savoir que la France est un pays parmi 26 autres. Nous avons besoin que les fédérations soutiennent nos actions et qu’elles nouent des relations avec les autres fédérations nationales « . Tant d’humilité de la part d’un fonctionnaire de l’aviation civile française peut surprendre. Ce que ne manque pas de relever le député Yves Fromion :  » nous avons une propension naturelle à ajouter des réglementations françaises à celles qui arrivent de l’Europe « . Quand un haut fonctionnaire de la DGAC parle de  » développer les idées françaises « , les aéro-clubs ne peuvent que se demander s’il s’agit de leurs idées ou au contraire de celles de la DGAC. Les promesses d’ouverture et d’écoute faites, au printemps 2006, par le Directeur général de l’aviation civile à la tribune des Etats-Généraux de l’aviation générale l’année dernière auront elles encore cours maintenant qu’il n’est plus là ? Il est logique aussi que les pilotes privés se méfient des déclarations de bonnes intentions de l’administration. Le passé ne peut que les encourager à la prudence. Il y a des moments où on ne sait plus de qui il faut le plus se méfier : de l’Europe ou de la DGAC ?

Apprentissage de l’Europe

Quoi qu’il en soit, le centre de gravité de l’aviation légère française est en train de se déplacer de Paris vers Cologne, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’intendance comme le fait remarquer Dominique Méreuze, le président de la FFPLUM, aguerri au mode de fonctionnement européen :  » pour s’y retrouver dans les affaires européennes, il faut être un spécialiste. De plus, toutes les réunions se passent en anglais. Dans nos fédérations, nous en sommes réduits à rechercher d’abord ceux qui parlent couramment anglais pour nous représenter dans les réunions, et ensuite seulement, nous regardons s’ils possèdent une compétence sur les dossiers. Celui qui n’est pas anglophone ne pèse pas dans les débats « .

Ce point de vue est partagé par Max de Richemond, le chargé de mission de la FFA. C’est lui qui représente les pilotes privés français à Bruxelles et à Cologne.  » Ces réunions sont compliquées  » déplore ce retraité qui aujourd’hui ne vole plus autant qu’il ne le souhaiterait pour cause de construction européenne.  » Cette activité est terriblement chronophage « . Elle l’est d’autant plus que parmi les objectifs qui lui ont été assignés, il y a la création d’une fédération européenne de l’aviation. Un passage obligé. L’aviation légère doit parler d’une seule voix répète le commissaire européen aux transports. Encore faut-il lui la trouver.

L’idée d’une fédération européenne de l’aviation légère a été lancée par la France. Un tel regroupement existe déjà dans le vol à voile et l’ULM, mais toujours pas pour le vol moteur. Faute d’être parvenu à susciter un intérêt général, la FFA s’efforce désormais de convaincre l’Allemagne, les pays scandinaves et le Luxembourg, c’est-à-dire les nations les moins éloignées de sa philosophie, pour amorcer le mouvement.  » Il s’agit de constituer un noyau, mais les disparités entre les pays sont beaucoup plus importantes qu’on ne l’imagine « , affirme Jean-Claude Roussel, le président de la FFA. Il est évident aussi que depuis le rejet français de la Constitution européenne, le poids de la France n’est plus le même.

 » Il est important de trouver les points communs entre tous et taire les divergences. Cela se joue nécessairement sur des dossiers techniques au départ pour déboucher ensuite sur le plan politique. Mais il faut du temps « , explique Alain Eyrier, le président de la Fédération française de vol à voile qui rappelle que les vélivoles européens se sont fédérés au sein de l’EGU (European gliding union) il y a plus de 20 ans. Le temps, c’est aussi ce qui joue contre les pilotes privés français. Max de Richemond admet qu’il ne sent pas de réelle motivation dans les autres pays. C’est sans doute parce que les autres pays ont moins à perdre (ou plus à gagner) que la France avec la nouvelle réglementation européenne.

Bénévolat et libre concurrence

 » Le principe de libre concurrence qui sous-tend la construction européenne est pour notre activité un problème majeur que nous n’avons pas vu venir  » reconnaît Jean-Claude Roussel. Ce principe remet en question celui du bénévolat sur lequel repose depuis toujours le dynamisme de l’aviation légère en France.  » Former des pilotes privés est considéré par beaucoup comme une activité commerciale. Dès lors, si cette idée était traduite dans la loi, cela reviendrait à interdire à nos instructeurs bénévoles de continuer à exercer « , affirme le président de la FFA.

Selon les statistiques de la FFA, la France forme environ 3.800 pilotes privés par an, quand l’Allemagne en forme 1.900 et la Grande-Bretagne 2.300. 90% des nouveaux brevetés français sont formés dans le cadre associatif qui repose par définition sur le bénévolat. Plus de 2.200 des 2.500 instructeurs qui exercent en club, en France, ne sont pas des professionnels. Le modèle français a fait ses preuves, il a permis à notre pays de se hisser au deuxième rang mondial derrière les USA. Aujourd’hui, il constitue une exception culturelle en Europe que l’EASA ne souhaite pas spontanément étendre aux autres pays membres. Il n’est pas sùr non plus que les autres pilotes privés européens le veuillent. D’où la nécessité d’un travail de lobbying pour amener les fonctionnaires de l’Agence européenne et les membres de la Commission européenne, à partager les idéaux français.

 » Les parlementaires français du groupe Europe n’ont jamais été sollicités par les représentants de l’aviation légère française, pas plus que le ministre chargé des relations européennes. Ce sont pourtant deux leviers institutionnels directement en connexion avec l’Europe « , souligne Bruno Le Roux, président du groupe d’études  » vol libre et aviation légère  » de l’Assemblée nationale.  » L’aviation légère doit faire entendre sa voix  » insiste-t-il. La création de ce groupe parlementaire, il y a deux ans, à l’initiative de députés, pour la plupart pilotes privés, s’inscrit dans cette démarche. Ces députés sont des alliés de poids qui ne demandent qu’à rendre service, en dehors de toute arrière-pensée politique. Reste maintenant à constituer une équipe de négociateurs sous les couleurs de la FFA. L’appel à candidatures est ouvert.

Gil Roy. Aviasport N°625 / Avril 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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