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Aviation Générale

Elixir Aircraft 2/3 : La force de conviction en action

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Fabrice Morlon

L’Elixir est la somme de choix ambitieux aboutissant à une certification CS-23. Pour expliquer la démarche qui a mené à construire un avion de nouvelle génération, et aussi pour dissiper les doutes des potentiels utilisateurs sur les matériaux, systèmes et coûts de son avion biplace, Elixir Aircraft a élaboré une approche commerciale qui fait la part belle au partage et à l’échange.

Elixir Aircraft a mis au point une approche commerciale novatrice pour convaincre, individuellement, ses futurs clients. L’équipe dirigeante est partie du principe qu’il vaut mieux rencontrer les potentiels utilisateurs de l’Elixir, les uns après les autres, en les invitant à découvrir l’usine et à essayer l’avion.

Non contents des salons tels ceux de Friedrichshafen ou Air Expo à Lyon, le nouveau constructeur convie ses prospects, en face à face, à une présentation détaillée de la démarche qui a abouti aux choix techniques et de sécurité qui sont l’essence même du biplace qu’ils proposent aujourd’hui.

Cyril Champenois, co-fondateur d’Elixir Aircraft, déroule ainsi pendant une journée une présentation détaillée qui alterne entre éléments techniques et données d’exploitation au sein d’un aéroclub ou d’une école. Entre pédagogie et démonstrations, le co-fondateur de l’entreprise rochelaise déroule un briefing d’une journée auprès de ses interlocuteurs parfois venus nombreux.

A l’issue de la présentation en salle de réunion, un vol découverte est prévu au-dessus de quelques curiosités de la Charente-Maritime. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Face à la délégation venue en visite à La Rochelle, Cyril peut ainsi répondre aux questions et dissiper les craintes et les doutes de membres du comité directeur d’aéroclubs habitués à des avions école d’ancienne génération.

En 2020, Elixir Aircraft a reçu la visite de 40 clubs et écoles privées, soit environ 150 personnes venues assister à la présentation de Cyril Champenois. Bien souvent, à la première visite suivent deux autres rendez-vous, cette fois dans les locaux du club.

Dans la salle de réunion d’Elixir Aircraft, je m’installe à la table en face de Cyril qui va partager avec moi sa présentation réservée aux potentiels clients. Devant moi, sur la table, sont disposés des pièces constituant l’Elixir : panneaux de fibres de carbone, jambe de train d’atterrissage… qui serviront à illustrer les diapos de présentation générale de l’avion et ses coûts d’exploitation.

La polyvalence est le deuxième pilier de l’Elixir : du tour de piste à la formation et jusqu’au voyage, Elixir Aircraft a souhaité donner un profil multi-missions à son biplace. © Elixir Aircraft

Cette « journée découverte » au programme dense débute par la présentation des trois piliers qu’Elixir Aircraft a défini dès le début du projet pour obtenir l’avion idéal, selon leurs critères : la sécurité, la polyvalence et la maîtrise des coûts.

Pour l’avionneur rochelais, le tout premier pilier par ordre d’importance est la sécurité. En consultant les données statistiques et les rapports d’accidentologie, l’équipe d’Elixir Aircraft, dont les trois membres fondateurs ont précédemment œuvré chez Dassault Systèmes et Dyn’Aero, a souhaité résoudre le problème des défaillances techniques et humaines en minimisant les risques.

Pour ce faire, l’Elixir est né du principe qu’il est essentiel de réduire le nombre de pièces, tant pour des questions de sécurité que pour une maintenance facilité.

Quand un avion classique est fabriqué de 10.000 pièces environ, l’Elixir devait réduire ce nombre à 600 références. « Pour l’Elixir, nous avons transposé ce qui se pratique dans le nautisme depuis des années » explique Cyril Champenois, « nous avons limité le nombre de pièces et gagné en sécurité tout en facilitant et limitant la maintenance. »

L’aile de l’Elixir, dépourvue de nervures et de longerons, est ainsi constituée d’un seul élément, rendu possible par les matériaux composites et la technique du OneShot. Le fuselage, l’arceau de verrière et les gouvernes sont obtenus grâce au même procédé. « Avec les matériaux composites et l’utilisation de l’inox, les problèmes de corrosion sont aussi éliminés » précise le co-fondateur d’Elixir Aircart qui poursuit : « l’autre avantage des matériaux composites, avec la technique du OneShot, est que nous pouvons limiter le nombre de pièces collées. »

Sur l’extrados de l’aile, la cloison est bien visible. Les volets à commande électrique à double fente permet de réduire la trainée et d’augmenter la portance. © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Au cours de la présentation, les objections des visiteurs portent souvent sur des choix de simplification. « Alors que nous sommes partis du principe que la simplification permet non seulement de réduire les coûts de maintenance mais aussi de gagner en sécurité, certains nous reprochent parfois de n’avoir pas prévu de sélecteur de carburant faisant selon eux de l’Elixir un passable avion de formation » confie Cyril Champennois. « Or le robinet d’essence de l’Elixir n’a que deux positions possibles, évitant ainsi la panne après décollage. Si le robinet est fermé, le moteur ne démarre pas. »

La présentation de l’Elixir est aussi un moment d’échange qui permet de poser la question aux clubs et aux écoles : que voulez-vous faire de votre avion, quelle mission lui donnez-vous? © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Cyril Champenois présente ensuite au tableau blanc de la salle de réunion une synthèse des occurrences d’incidents et d’accidents publiées par la DSAC. « L’incendie après impact est le 3e cas de mortalité » détaille Cyril dans son exposé, « nous avons ainsi choisi d’équiper l’Elixir d’un unique réservoir fait d’un poche en kevlar de 2m50 de long, fait d’une seule pièce glissée dans l’aile en carbone OneShot. L’intérieur est occupé par une mousse alvéolée qui évite le ballottement de l’essence. Ce système, utilisé dans l’automobile ou l’aviation militaire, permet de réduire les risques d’incendie lors d’un atterrissage forcé, avec ou sans parachute. »

Le parachute BRS s’est imposé comme une évidence pour la sécurité. Le choix a ainsi été fait d’imposer le parachute de cellule en série et non de le proposer en option.

« Les clubs nous objectent parfois qu’il n’est pas utile d’avoir un parachute de cellule lorsqu’on se contente de tours de piste » confie Cyril Champenois, « mais nous partons du principe que l’accident n’arrive pas qu’aux autres. C’est un élément de sécurité additionnel qui a été ajouté de manière indépendante au regard des contraintes de certification en CS-23 ». Le parachute est ainsi utilisable jusqu’à la VNE, soit 290 km/h.

Cyril poursuit sa présentation en mettant l’accent sur le décrochage en détaillant tous les éléments qui contribuent à un décrochage sain. Le décrochage est un temps fort de la démonstration, parce que c’est aussi un point sur lequel les pères de l’Elixir ont mis le paquet. L’indicateur d’incidence s’est imposé en place centrale sur le tableau de bord de manière à donner au pilote une indication précise de la situation de l’avion, avertissant ainsi de l’angle d’incidence critique indépendamment de la masse ou de la vitesse.

Les barrières à couche limite ou cloisons font partie des dispositifs adoptés par Elixir Aircraft pour garantir un décrochage sain. © Fabrice Morlon / Elixir Aircraft

De manière à conserver une autorité du pilote sur les ailerons à basse vitesse et en situation de décrochage, Elixir Aircraft a ajouté des barrières à couche limite sur l’extrados. Dans une situation de perte de vitesse sur des ailes rectangulaires, l’air a tendance à circuler de l’emplanture vers le bout d’aile. La cloison permet ainsi de rediriger le flux vers le bord de fuite et prévient la contamination de l’extrémité de l’aile, préservant ainsi la fonctionnalité des ailerons.

Toutes les considérations de simplification pour la maintenance et la sécurité ont mené Elixir Aircraft à s’engager dans un ambitieux processus de certification de l’Elixir en CS-23.

Mais la certification CS-23 n’est pas qu’une question de sécurité. L’équipe d’Elixir Aircraft était dès l’origine bien consciente qu’il n’existe pas d’équivalent entre les catégories LSA européennes et nord-américaines. Une équivalence entre la CS-23 et la FAR-23 ouvre ainsi les portes d’une commercialisation aux États-Unis, qui représentent près de 70% du marché des monomoteurs. D’autre part, la certification CS-23 rend également possible une évolution de l’Elixir vers le VFR de nuit et l’IFR.

La démonstration des coûts opérationnels réduits repose sur le nombre limité de pièces pour une maintenance réduite et sur la faible consommation du moteur. En tour de piste, le Rotax 912 iS consomme 10l/h, 15 l/h en croisière et 17 à 18 l/h en croisière rapide. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Elixir Aircraft n’est pas parvenu à tenir le prix de vente annoncé au moment du lancement de son avion. Cyril Champenois sait qu’à chacune de ses présentations, il ne manquera pas d’être interpellé sur cette inflation.

Avec une certification initialement envisagée en CS-LSA, le prix de vente était donné pour 160.000 euros HT. Aujourd’hui, l’Elixir est passé à 235.000 euros HT. « Nous assumons cette hausse du prix qui s’explique par une somme de facteurs » insiste le co-fondateur d’Elixir Aircraft.

« La hausse du prix de vente est liée aux contraintes imposées par la certification CS-23, pas tant pour les essais plus contraignants qu’en CS-LSA, mais par les marges de sécurité beaucoup plus strictes imposées par les exigences de la certification en CS-23. Par exemple, sur l’aile qui était irréprochable  en termes de sécurité, il a fallu rajouter de la matière carbone pour répondre au cahier des charges très stricte de la certification qui impose les marges de conception liées à l’aviation commerciale. Sur l’aile de notre biplace, de l’ordre de 100 m² de matériaux carbone ont été ajoutés pour répondre à ces exigences, ce qui doit être répercuté sur le prix de vente. »

Après la séance de présentation, vient l’amphi cabine dans le show-room, ici avec Cyril Champenois, avant de partir en vol. © Elixir Aircraft

L’autre explication relève du domaine des charges salariales. « Comme il faut consacrer davantage d’heures pour travailler sur ces ajouts, les charges salariales sont de fait augmentées. Nous aurions très bien pu délocaliser une partie de la production ailleurs en Europe de l’Est pour réduire les coûts. Mais nous sommes restés fidèles à l’idée initiale de fabriquer un avion en France et d’assumer un prix plus élevé qu’ailleurs. »

Le carnet de commande d’Elixir Aircraft s’est récemment étoffé de trois appareils destinés à des aéroclubs. 18 avions ont été commandés jusqu’à présent, dont 10 par des aéroclubs. © Elixir Aircraft

Lorsqu’il aborde la question du coût de l’heure de vol, Cyril Champenois sait qu’en général la discussion va s’animer. Si, d’une manière générale, tous les représentants des aéroclubs sont d’accord sur le principe d’une sécurité accrue, quand le co-fondateur d’Elixir Aircraft en vient au nerf de la guerre, les avis sont partagés. Différentes écoles et différentes visions s’affrontent alors et chacun défend son calcul. Au fil des confrontations, il a affûté ses arguments.

L’argumentaire de vente d’Elixir Aircraft en matières de coûts horaires, prend pour exemple un avion de club « d’ancienne génération » utilisé pendant 20 ans, à raison de 500 heures de vol annuelles.

« Avec un prix à l’achat, d’occasion, de 60.000 euros TTC et un coût d’exploitation à l’heure de vol prix dans la moyenne pratiquée, soit 125 euros de l’heure, on obtient 1.310.000 euros. Avec la simplicité de la maintenance de l’Elixir du fait du nombre de pièces réduites et la consommation limitée du moteur Rotax, nous parvenons à un coût horaire compris entre 40 et 45 euros pour l’essence et la maintenance. Dans les mêmes conditions, 500 heures par an sur 20 ans, et un coût d’achat à 282.000 euros TTC, nous atteignons 732.000 euros » détaille Cyril Champenois. La première visite des 100 heures et 1.000 heures sont comprises dans le prix de vente.

Elixir Aircraft, qui a choisi de ne pas avoir de revendeur de manière à limiter les intermédiaires, travaille à la finalisation d’un programme de location de l’Elixir. Après un premier versement de 2.500 euros et un dépôt de garantie, la location sera proposée en moyenne à 92 euros l’heure, sans compter l’essence, pour 500 heures par an. La location permet aussi une option d’achat au bout de cinq ans.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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