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Aviation Générale

Le BEA souligne la nécessité d’une formation solide pour accéder aux altiports

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Fabrice Morlon

Le 6 août 2021, un Piper PA 46 avec trois personnes à bord percute le talus en contrebas du seuil de la piste 22 de Courchevel. Le passager à l’arrière décède peu après de ses blessures et l’avion est détruit. Dans son rapport d’enquête, le BEA met en exergue plusieurs causes probables, dont le manque d’expérience, une formation trop courte et les facteurs humains.

Voler en montagne est une discipline à part entière. Ici, l’environnement invite à la plus grande vigilance : les performances de l’avion sont altérées, le relief modifie les perspectives, chaque altiport possède des contraintes et une aérologie qui lui sont propres.

Pour toutes ces raisons, le pilote du Piper PA 46 immatriculé F-HYGA a souhaité effectuer un vol depuis Cannes-Mandelieu et à destination de Courchevel, de manière à maintenir la validité de son accès à l’altiport.

Le pilote âgé de 31 ans et détenteur d’un PPL, a souhaité effectuer le vol en compagnie d’un instructeur, se sentant ainsi plus rassuré par la présence d’un pilote expérimenté à bord. Ce dernier, pilote de ligne âgé de 35 ans, n’a toutefois pas de qualification montagne. Un passager a pris place à l’arrière du PA 46.

Dans le rapport du BEA, le pilote s’est dit rassuré par la présence d’un instructeur qui pourrait agir sur les commandes en cas de besoin. A contrario, l’instructeur dit quant à lui qu’il n’était pas prévu qu’il ait un rôle d’instructeur ni qu’il intervienne sur le pilotage de l’avion.

Extrait de la carte VAC de l’altiport de Courchevel. © SIA

Le vol a été décalé par le pilote à plusieurs reprises pour conditions météo défavorables. Le 6 août 2021, le PA 46 décolle vers 10h30 de Cannes-Mandelieu. Une heure plus tard, le pilote contacte l’agent AFIS du terrain de Courchevel. Au point W, il effectue un 360° qui lui permet de descendre à 7000 pieds, l’altitude indiquée sur la carte VAC. Passant le point N, il s’intègre en étape de base pour la piste 22 après avoir configuré l’avion.

En finale à 85 kt, le pilote constate une altitude proche de celle du seuil de la piste 22. Il met l’avion en palier sans ajouter de puissance. L’instructeur en place droite annonce à plusieurs reprises une vitesse insuffisante allant jusqu’à 70 kts puis pousse la manette des gaz, constatant l’absence de réaction du pilote, apparemment focalisé sur l’extérieur. L’avertisseur de décrochage retentit. Quelques secondes après, le pilote réduit complètement les gaz pour effectuer l’arrondi.

Le train d’atterrissage principal de l’avion entre en collision avec le talus situé en amont du seuil de piste. Les trois trains d’atterrissage se rompent, l’avion glisse sur une centaine de mètres avant de s’immobiliser sur la piste. Alors qu’un incendie se déclare sur le côté droit de l’avion, le pilote et le passager avant sortent par la porte arrière et parviennent à extraire le passager arrière, inanimé, qui décède quelques minutes plus tard.

© BEA

Le BEA a pu exploiter les plusieurs vidéos, prises depuis la place arrière de l’avion et au sol. Les vidéos prises depuis l’habitacle ont notamment pu donner des informations présentes sur l’affichage du G1000. Dans son rapport, parmi les facteurs qui ont pu contribuer à l’accident, le BEA ne relève pas de problèmes mécaniques mais pointe un problème de répartition des tâches et de communication entre le pilote et l’instructeur à bord qui n’était pas au courant du rôle attendu par le pilote.

© BEA

La formation insuffisante du pilote aux spécificités de l’altiport de Courchevel est aussi mise en avant par le BEA. L’avion a été mis en descente de manière prématurée au moment de l’approche, alors qu’elle doit avoir lieu en montagne au moment d’intercepter le plan de descente.

Le pilote a été formé en quelques heures (1h55 cumulées) et quelques touchers (7 dont 6 à Courchevel) sur la même journée par un instructeur ne relevant pas d’un organisme de formation agréé ou déclaré. Au moment de l’accident, il n’existait pas de programme de formation type bien définie pour l’autorisation d’accès aux altiports.

L’expérience insuffisante du pilote sur altiports, parfois associée à une formation probablement insuffisante, est relevée par le BEA dans plusieurs occurrences d’accidents ces dernières années. Celui du PC-12 immatriculé OO-PCI survenu en 2017, un Piper PA 46 F-GUYZ en 2019, celui du PA 46 F-HYGA en 2021 et plus récemment le DA 42 F-HIMY en 2022.

Suite à l’accident du PC-12 de 2017, le BEA a adressé à la DGAC une série de recommandations portant notamment sur la formation des pilotes pour les autorisations d’accès aux altiports. Depuis, les conditions de délivrances des autorisations ont été modifiées avec le « Plan Montagne » initié par la DGAC en 2021. Désormais, l’autorisation d’accès à un altiport ne peut être délivrée que par un organisme de formation agréé (ATO) ou déclaré (DTO), alors que ce n’était pas obligatoire jusqu’à présent, comme dans l’exemple de la formation du pilote du PA 46 F-HYGA.

La formation à la fois théorique et pratique a été renforcée en étant davantage axées sur les spécificités propres à chaque altiport, et en particulier son aérologie. Les performances de l’avion en altitude sont également un point de formation qui a été renforcé par l’arrêté modifiant les conditions d’accès aux altiports.

L’arrêté modifiant les conditions d’accès aux altiports est entré en vigueur que le 7 juillet 2023.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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