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Aviation Générale

L’Electro Velis à l’épreuve du voyage

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Gil Roy

Deux Pipistrel Electro Velis se sont lancés dans un aller-retour entre Lausanne (Suisse) et Aix-les-Milles. Une aventure aérienne baptisée Elektropostal qui se révèle être un défi logistique riche d’enseignement pour l’avion électrique dont l’autonomie est inférieure à l’heure de vol.

C’est Hervé Berardi, l’initiateur et organisateur pendant de nombreuses éditions du Raid Latécoère, qui a lancé cette idée. D’où le nom du défi : « Elektropostal ». Son rêve est de voler sur les traces des pionniers de l’aviation postale, à travers le sud de l’Europe, l’Afrique de l’Ouest, jusqu’en Amérique du sud, avec des avions électriques. La transition énergétique est la nouvelle frontière des aviateurs du XXIème siècle.

Un rêve, ça se construit brique par brique. Etape après étape. La première pour Elektropostal est de relier Aix-les-Milles au départ de Lausanne, et de revenir à son point de départ. Le tout en une semaine, entre le 23 et le 28 septembre 2020, et avec deux avions électriques… si la météo le permet.

Raphaël Domjan, le porteur du projet Solar Stratos, est l’un des six pilotes d’Elektropostal, avec O. de Sybourg, I. Guechati, H. Berardi, L. Blaise, B. Piccard et J.F. Clervoy. © Joffrey Maluski

Une descente en sept étapes de 40 NM en moyenne

Les avions sont des Electro Velis, le biplace de Pipistrel, seul avion électrique certifié. Avec son autonomie d’à peine heure de vol, l’Electro Velis est cantonné aux tours de piste. En sortir, pour s’aventurer en navigation, est un défi en soi. Défi logistique avant tout.

Pipistrel livre chaque Electro Velis avec son chargeur. Sur le trajet aller-retour composé d’étapes de 50 minutes de vol maxi, les deux chargeurs devaient précéder par la route, les deux avions. Sur chaque aérodrome, il a fallu s’assurer qu’il y avait une alimentation en 380 v/32A. Et si ce n’était pas le cas, il a fallu en installer une. Tout le monde a joué le jeu.

Les deux Velis Electro suisses sur le tarmac de l’aéroport Chambéry-Savoie. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Hervé Berardi note que le 380v est quasi omniprésent sur les aérodromes français ; sur les plus importants comme Chambéry ou Grenoble, comme sur les plus modestes, disposant d’installations électriques anciennes, comme Challes-les-Eaux ou Orange-Plan de Dieu. « Cela signifie que l’infrastructure existe pour permettre un développement rapide de l’aviation électrique ».

Des sauts de puce de 50 minutes d’un chargeur à l’autre

Pipistrel a mis en place un accord commercial avec le suisse Green Motion dans le but d’implanter des stations de recharge d’avions électriques sur les aéroports et aérodromes. Il semblerait que depuis l’annonce de ce partenariat, les commandes se multiplient au-delà des attentes des deux partenaires.

En attendant que le réseau de stations de recharge se construise, Elektropostal ne peut compter que sur le matériel fourni par Pispistrel avec les Velis. Sauf que dès la première étape à Annecy, l’un des deux chargeurs est tombé en panne. Il a donc fallu faire avec un seul chargeur, ce qui oblige à charger les avions l’un après l’autre, et qui n’offre plus de plan B.

Tout au long de leur périple, à chaque escale, les deux Velis Electro ont suscité la curiosité de la communauté aéronautique locale. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Les deux Velis Electro sont donc partis de Lausanne, le 23 septembre. Leur première escale était Annecy. Ils devaient ensuite rejoindre Chambéry pour y passer la première nuit. L’aéroport étant fermé pour la journée, le raid s’est dérouté, vers l’aérodrome voisin de Challes-les-Eaux. Les avions ont rejoint, Chambéry le lendemain matin, où Vinci Airports a organisé un accueil.

Pendant que le premier avion était rechargé, Hervé Berardi a effectué une série de tours de piste en vue de son lâcher. Olivier de Sybourg est le chef-pilote d’Elektropostal. Il est instructeur sur l’aérodrome de Fribourg-Ecuvillens où est basé l’importateur suisse de Pipistrel. C’est là-bas qu’il a lâché les pilotes du raid, notamment Bertrand Piccard. Il s’est appuyé sur le cours de différenciation prévu par Pipistrel qui comprend quatre vols en double et un lâcher solo sous surveillance.

En attendant que les aéroports soient équipés de stations de recharges, les opérateurs doivent s’organiser. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

La formation de Bertrand Piccard s’est faite sur un samedi. Entre chaque vol de 45 minutes en moyenne, l’avion était rechargé pendant une heure et quart à une heure et demie. L’occasion de débriefer et d’approfondir la connaissance de la machine. De déjeuner aussi. Pour Olivier de Sybourg, l’Electro Velis est un avion qui ne présente pas de particularité. La priorité est la gestion des kW et la charge des batteries. La règle que s’est imposée la demi-douzaine de pilotes qui se relaient aux commandes des deux Velis Electro est de se poser avec une vingtaine de minutes de réserve de manière à pouvoir faire deux tours de piste en sécurité.

Olivier de Sybourg (à gauche), chef-pilote d’Elektropostal, et Hervé Berardi, l’initiateur du projet. © © Joffrey Maluski

Pendant que le chef-pilote d’Elelktropostal et son élève enchainaient les tours de pistes au-dessus du lac du Bourget, le deuxième avion était en charge. Il était surtout l’objet de la curiosité du personnel de l’aéroport et des invités de Vinci Airports. C’est la première fois qu’un avion électrique se posait à Chambéry. Chambéry est aussi un aéroport qui doit gérer des relations parfois tendues avec ses riverains. Depuis la fin du confinement, les réclamations se sont multipliées. Pour l’aéro-club de Savoie, l’école de début sur avion électrique est une solution. Reste à réunir le financement pour acquérir un Velis Electro, le seul avion électrique certifié à ce jour.

Pipistrel a allégé au maximum le Velis Electro afin de pouvoir offrir 175 kg de charge utile. © Joffrey Maluski

A Grenoble-Saint-Geoirs, l’escale suivante, l’accueil a été tout aussi chaleureux et les questions nombreuses. Les deux avions ont poursuivi ensuite sur Valence, où ils ont passés la nuit. Le lendemain, vendredi 25 septembre 2020, le raid a décidé de rejoindre dès le soir même Aix-les-Milles, plutôt de s’arrêter à Avignon pour la nuit. Ils ont choisi d’anticiper la montée en intensité du Mistral. 15 kts de vent arrière, c’est bien, mais plus cela peut devenir compliqué en tour de piste, et en particulier en finale. Les pilotes n’ont pas voulu prendre de risque de se retrouver avec 45 kts de face, comme annoncé pour le 26 septembre, quand il ne reste plus de 20% dans les batteries.

Le Pipistrel Velis Electro vole en croisière à 90 kts. © Sacha Gasteiner

A Aix-les-Milles, il est prévu de mettre en œuvre une station solaire pour recharger les batteries. Hervé Berardi envisage de l’utiliser sur l’opération qu’il projette de réaliser en 2021 et qui va consister à rejoindre Casablanca en avions électriques. Etant donné, que l’itinéraire devra être jalonné de pistes tous les 40 NM maximum, il ne trouvera pas systématiquement une alimentation électrique en 380 v / 24 A dans la descente de l’Espagne et au Maroc. D’où la recherche de l’autonomie. Reste à trouver le moyen de faire voyager la station de recharge de manière cohérente. Il va devoir s’orienter sur un véhicule terrestre électrique, ou mieux encore à hydrogène pour être raccord avec l’énergie à la mode.

L’aviation légère ouvre la voie de l’aviation électrique. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

D’ici là, il va falloir tirer tous les enseignements de cette première opération qui ouvre de nouveaux horizons à l’aviation électrique.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Quelles sont les nouvelles de cette expérimentation en vraie grandeur ? Un mois après...
    Il serait intéressant d'avoir un retour journalistique sur ce sujet "porteur" du moment : l'application réelle de l'aviation électrique.
    Si je suis plutôt circonspect (par expérience) sur le pur électrique, je suis quand même très curieux de suivre les avancées et en particulier les vraies expériences pratiques.
    L'absence de nouvelles spontanées (ici et dans la presse grand public) me fait plutôt croire à un fiasco de l'expérience, ce que je ne souhaite pas.
    Qu'en est-il ?

  • c'est une aventure digne des débuts de l'aviation
    personnellement j'aurais plus confiance dans un hybride , le moteur électrique pour le décollage et l'atterrissage et le thermique alimenté par du bio-carburant , la pollution générale s'en trouverait largement diminuée

  • Dommage qu’on insiste beaucoup sur le côté « certifié » alors qu’à la base cette machine est un ULM. Toujours cette fumeuse contradiction des autorités Suisse qui ne veulent pas réellement s’ouvrir à une aviation légère simplifiée et meilleure marché !

  • Au moyen-âge, le trajet à cheval demandait dans les 4 à 5 jours

    On va pouvoir mesurer le progrès accompli...du moins si ils arrivent à faire mieux

  • Enfin une vraie expérience pratique ! A saluer, ils sont pionniers et défrichent.
    Dommage que l'avion ne porte pas son chargeur... Il faut quand même une fourgonnette pour suivre... Si elle est elle-même électrique alors OK...
    Dommage aussi que quasi 30% de la capacité de l'accu soit consacré aux 20 minutes de réserve à l'arrivée... Sachant que "accus vide" ne veut pas dire vide mais avec la réserve qui assure de ne pas l'abimer en le déchargeant trop profond (vers 30% de capa pour un lipo habituellement). Une double réserve quoi...

    • Pour rappel, lors de la préparation de la mission, en ce qui concerne le besoin en équivalent temps-carburant, à l'arrivée d'une nav, à la verticale du terrain, il faut prévoir en vfr de jour, au minimum : une solution de repli + 30' et j'ajouterai, l'équivalent temps-carburant du tdp qui permet de se poser, sans oublier le taxi in du terrain d'arrivée ou de la solution de repli, le plus pénalisant des 2.

      • Ouaip, je sais... Masi sur un avion qui a 3 ou 4 heures d'autonomie, en garder 30 minutes dans la chaussette est transparent... Quand on a 1h20 d'autonomie...
        Mais il faut bien commencer quelque part !
        Je suis en train de lire un bouquin sur les frères Wright, qui cumulèrent en 1904 pas moins que 49 minutes de vol en une saison complète d'essais... Oups...

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