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Aviation Générale

Les défenseurs de l’aérodrome se font entendre à Maubeuge

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Fabrice Morlon

Le sort de l’aérodrome de la Salmagne, à Maubeuge, se décide ce mercredi 20 décembre 2023. Les élus de l’agglomération sont invités par le président à s’exprimer sur une possible non reconduction de la convention d’occupation par les associations et professionnels. Un rassemblement est prévu devant la mairie de Maubeuge pour faire entendre leur voix.

Depuis 15 jours, l’annonce de la possible fermeture définitive de l’aérodrome de la Salmagne, à Maubeuge, suscite de vives réactions. Les soutiens, parfois inattendus, se sont multipliés pour s’élever contre la volonté affichée du président de la Communauté d’agglomération de Maubeuge Val de Sambre (CAMVS) de bâtir une usine à sa place. Le gestionnaire de l’aérodrome verrait bien une potentielle « gigafactory » de batteries sur le site, avec à la clé 2.000 à 3.000 emplois, selon les vœux de l’élu.

Même si rien n’est encore arrêté, des élus se sont rangés derrière le président de la CAMVS qui espèrent bien lancer des études le plus vite possible. Alors que l’agglomération de Maubeuge ne peut actuellement proposer aux industriels que de petits terrains d’une vingtaine d’hectares tout au plus, les 83 hectares de l’aérodrome représentent une véritable aubaine. Oui mais voilà. Le projet ne repose encore sur rien de concret, l’agglomération anticipe une possible future demande de la part d’un industriel.

Contactée par nos soin, l’agglomération de Maubeuge n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

En quinze jours, de nombreux soutiens se sont fait entendre. Dans la foulée de l’annonce, une association de défense de l’aérodrome s’est créée pour faire entendre la voix des associations et des professionnels qui utilisent le terrain. A grand renfort de banderoles, de tracts et de messages sur les réseaux sociaux, les usagers de l’aérodrome font entendre leur voix. Une pétition en ligne a été lancée qui a recueilli plus de 10.000 signatures.

Les habitants, les riverains, et même une association naturaliste se sont ralliés à la cause. Un député a également pris parti pour l’aérodrome. Chez nos confrères de La Voix du Nord, le député de la 3e circonscription, Benjamin Saint-Huile, appelle à ne pas hâter une décision lourde de conséquences pour le territoire.

Pour Bernard Lachapelle, à la tête de l’association de défense et par ailleurs responsable de l’entreprise ABC Flight ULM, école ULM et importateur des autogires Argon, la décision de Bernard Baudoux, le président de l’agglomération, est un non sens. « Le président de l’agglomération de Maubeuge nous a informé de sa décision sans avoir pris le temps d’analyser le terrain » déplore Bernard Lachapelle. D’après ce dernier, « aucune étude d’impact n’a été entreprise, sans parler des mesures compensatoires à la perte d’une prairie de 83 hectares. Une gigafactory de batteries à proximité de la ville de Maubeuge, c’est tout bonnement inconcevable, avec les risques que cela implique. »

En plus des associations, quatre entreprises sont installées sur l’aérodrome, ce qui représente une dizaine d’emplois qui sont menacés : deux brasseries, SD Air, école ULM et distributeur Alpi Aviation et ABC Flight ULM.

« L’agglomération ne nous a donné aucune alternative à la fermeture de l’aérodrome qui nous permette de poursuivre nos activités, qu’elles soient professionnelles ou associatives » déplore encore Bernard Lachapelle, qui poursuit : «  Nous avons reçu des propositions de Cambrais et de Valenciennes. Situé à 80 km, l’aérodrome de Cambrais est trop loin. Aller à Valenciennes n’est pas non plus une option satisfaisante, car il existe déjà là-bas des activités professionnelles similaires à celles de Maubeuge avec lesquelles nous pourrions entrer en concurrence. »

L’aérodrome de Maubeuge fourmille d’activités, qui ont pour la plupart investi financièrement de manière importante, et qu’il sera compliqué de délocaliser. Le centre de parachutisme, installé depuis 1974 à Maubeuge et qui compte environ 800 licenciés, est l’un des plus importants des Hauts de France. Il effectue 15.000 sauts par ans, dispose de 3 hangars et d’un Pilatus PC6. L’entreprise ABC Flight ULM a investi 500.000 euros dans un hangar et des machines et a accueilli ces six derniers mois une soixantaine d’élèves. SD Air, école ULM et importateur Pioneer, dispose aussi d’un atelier de maintenance. Le club ULM Evasion accueille 80 membres, comme l’union aérienne Sambre Helpe, l’aéromodélisme 60 personnes, le planeur 70 personnes environ.

Sur ce terrain d’aviation et de verdure bientôt centenaire, les activités humaines cohabitent avec la faune et la flore. Il n’est pas rare de croiser des chevreuils qui profitent de ce havre préservé. Au-delà des conséquences que pourrait avoir l’artificialisation du sol sur la biodiversité, la nature même du terrain de Maubeuge pose problème.

Dès l’annonce de la possible destruction de l’aérodrome, l’association de défense de l’environnement Natur’Hainaut a fait part de son incompréhension de manière vive. Pour Benoît Tomsen, président de l’association naturaliste, « il y a suffisamment d’indices pour confirmer que ce terrain n’est pas en mesure de recevoir une industrie lourde. »

Pour Natur’Hainaut, le projet d’usine sur l’aérodrome est « une folie » qui risque de coûter cher. L’aérodrome existe depuis le début des années 1930 et, à cette époque, était occupé par l’aviation militaire. En plus d’une potentielle pollution des sols générée par l’activité, il subsiste peut-être en sous-sol des munitions qu’il faudra traiter. L’association estime à près de 90 millions d’euros la facture pour dépolluer le sol, aux frais de la collectivité, donc du contribuable. Mais, là encore, l’association précise bien que ce n’est qu’une « estimation qui ne repose sur rien de concret », aucune étude n’ayant été menée sur le site.

Même si aucun inventaire faunistique et floristique n’a été entrepris jusqu’alors, « les probabilités sont importantes de découvrir, à minima, des nidifications d’espèces puisque le terrain est exempt d’activité humaine, sauf aux abords des pistes » poursuit Benoît Tomsen.

En plus d’être une zone de biodiversité, l’aérodrome de Maubeuge est aussi une zone humide qui se manifeste en particulier en période hivernale. Les deux pistes en herbe, gorgées d’eau, sont fermées par NOTAM jusqu’à la fin janvier 2024. Benoît Tomsen qui explique que le l’aérodrome est lié à une problématique de préservation de la ressource en eau : « le terrain se trouve sur une nappe phréatique contiguë à celle d’un pompage, protégé, situé sur le village voisin de Vieux Reng. Aucune étude d’impact, aucun relevé ne permet d’imaginer que ces deux zones sont étanches entre-elles. Le terrain est marécageux une partie de l’année. La pose de fondation profonde, sous forme de pieux, serait la seule solution pour soutenir les bâtiments. Impensable dans une nappe captante.»

Pour le président de l’association naturaliste, « le projet d’usine est mort-né. Mais le combat de l’aérodrome s’annonce âpre. »

L’association de défense et de développement des activités de la Salmagne appelle à une manifestation ce mercredi 20 décembre 2023 à 13h, devant la mairie de Maubeuge. Les 43 élus de la Communauté d’agglomération de Maubeuge Val de Sambre doivent se réunir dans la soirée pour statuer sur le sort de l’aérodrome.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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