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Aviation Générale

Les Piaggio Avanti II, l’arme d’évacuation sanitaire massive anti-Covid-19

Published by
Gil Roy

Au cours de la première vague du Covid-19, les Piaggio Avanti II d’Oyonnair ont évacué 64 patients en réanimation. Au 9 novembre 2020, ils en étaient déjà à 90 ! Et le pic annoncé de la pandémie est devant nous. Si le retour d’expérience permet aux équipages, pilotes et soignants, d’affronter la deuxième vague, mieux organisés, cette vaste mobilisation sanitaire est un défi pour chacun d’entre eux.

« Lors de la première vague nous sommes montés jusqu’à cinq avions en même temps. Actuellement, nous tournons avec quatre avions, deux évacuations par avion, deux patients par avion, soit au total 16 patients par jour », résume Daniel Vovk, le dirigeant d’Oyonnair, dont le bureau offre une vue panoramique sur la piste de l’aéroport Lyon-Bron.

Bien que qualifié sur ses Piaggio Avanti II, il ne prend pas part aux opérations. Pas plus que les autres pilotes de plus de 40 ans de la compagnie. « Nous avons fait le choix de faire voler uniquement les jeunes pilotes, et de ne faire appel qu’au volontariat ». La compagnie tourne avec une petite vingtaine de pilotes, tous salariés.

Sur l’aéroport Lyon-Bron, où les passagers privés se font rares, le va-et-vient des ambulances du SAMU, depuis le 26 octobre 2020, s’est à nouveau substitué aux mouvements des jets d’affaires.

A peine le premier Piaggio Avanti II de la journée parti à vide pour aller chercher ses premiers patients à Clermont-Ferrand, une première équipe du SAMU 69 arrive avec Gilles B. le médecin réanimateur. Pas de patient. Juste du matériel. L’urgentiste rejoint Xavier, le commandant de bord, et Charlotte, sa copilote, qui sont déjà à l’avion. Ensemble, ils commencent à préparer la cabine après avoir enfilé leur combinaison jetable.

Départ à vide du premier Piaggio Avanti II d’Oyonnair de Lyon-Bron pour Clermont-Ferrand. Six étapes et quatre patients Covid au programme de la journée. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

En attendant les équipes du SAMU 69 avec les deux premiers patients, les deux pilotes, Xavier et Charlotte, s’équipent et s’identifient. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Au marqueur, ils écrivent leur fonction respective dans le dos : « médecin SAMU 69 », « Pilote ». A destination, quand ils vont rejoindre l’équipe médicale locale, il est capital que chacun sache à qui il s’adresse, même si au moment du transbordement, il n’y a plus ni réanimateur, ni ambulancier, ni pilote. Il faut des bras.

Des muscles mais aussi de la précision dans le geste d’autant que la porte est étroite et que la cabine du Piaggio, transformée en unité de réanimation lourde, accueille des patients plongés dans le coma.

Trois quarts d’heure plus tard arrive le premier patient Covid. Il vient du CHU de Lyon. Il est installé à bord immédiatement. La civière passe juste par la porte du Piaggio. Mais elle passe. Ce qui n’est pas le cas avec la plupart des biréacteurs légers. C’est une des raisons pour lesquelles, le biturbopropulseur est tout désigné pour les évacuations sanitaires. C’est aussi avec cet avion qu’Oyonnair effectue le transport d’organes pour 19 hôpitaux à travers la France. C’est un quart de son activité au fil de l’année.

Quand on voit les moyens que mobilise un patient-Covid, on comprend mieux la saturation des hôpitaux. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Le chargement des patients en réanimation à bord du Piaggio Avanti II est une opération lourde. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Le transport d’organes se fait aussi avec les Citation Mustang. Oyonnair en exploite 3 en plus de ses 6 Piaggio. « Tous les pilotes sont biqualifiés », explique Daniel Vovk. « Lors d’un transport d’organes, il faut aller vite. Si un avion ne démarre pas, il faut pouvoir en prendre un autre ».

Les pilotes d’Oyonnair sont des spécialistes des évacuations sanitaires et du transport d’organes. Ils volent en moyenne 500 heures par an.

Retour à Lyon-Bron où le SAMU 69 amène le deuxième patient, envoyé, celui-ci, par une clinique lyonnaise. Les deux civières sont désormais à bord. Perfusions et respirateurs sont installés. L’équipe médicale est composée d’une infirmière et deux médecins. L’infirmière et un des deux médecins effectuent ce matin leur premier vol. Gilles B., le deuxième médecin, les encadre de manière à ce qu’ils puissent venir renforcer les équipes. Depuis le début des opérations de transfert de patients Covid entre les hôpitaux, lors de la première vague, Gilles B. enchaîne les missions. Comme, en configuration « evasan » avec deux civières, il n’y a que deux sièges à bord, il fera le voyage dans le cabinet de toilette.

L’équipage du Piaggio est rodé aux « evasan ». © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Les trois ambulances sont reparties maintenant. Charlotte est dans le cockpit. Xavier enlève les cales. Il les range dans la soute arrière. Il remonte l’escabeau et ferme la porte. Roulage pour Angoulême. Ensuite, accompagnés de l’équipe médicale lyonnaise, les pilotes reviendront à Chambéry pour transférer deux autres patients vers Saintes, via l’aéroport de Rochefort. Ils seront de retour en fin d’après-midi à Bron. Quatre branches, c’est presque une petite journée… C’est plus souvent six avec un avitaillement.

Juste avant le départ, le SAMU qui doit réceptionner les patients Covid est prévenu pour qu’il soit en place à l’arrivée de l’avion. L’organisation est désormais rodée. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

L’avion qui est parti juste avant Xavier et Charlotte allait chercher deux patients et une équipe médicale à Clermont-Ferrand pour les conduire à Strasbourg. Il devait revenir ensuite prendre deux autres patients lyonnais pour les conduire à Nancy. Au retour, il devait faire un crochet par Clermont-Ferrand pour déposer l’équipe médicale, avant de rentrer à Lyon. Son retour était prévu vers 17h00.

« Nous connaissons le programme des rotations deux à trois jours à l’avance, mais les missions sont calées la veille seulement », explique Daniel Vovk qui souligne que l’organisation fonctionne mieux que lors de la première vague, alors que l’amplitude de la crise est supérieure. Au 9 novembre 2020, en effet, les équipages d’Oyonnair ont transporté 90 patients covid. Il n’y a plus de vols programmés le week-end. Les enseignements ont été tirés rapidement.

En croisière entre Chambéry et Rochefort : les deux patients Covid et l’équipe médicale du SAMU 69 à bord de l’Avanti II d’Oyonnair. © Xavier Gohin

Lors de la première vague, les Piaggio ont opéré à partir du Grand Est, puis de la région parisienne, vers la région Auvergne-Rhône-Alpes et le Grand Ouest. Lors de la première vague, les Piaggio d’Oyonnair ont été mis à contribution pour évacuer des patients de Colmar vers Poitiers, Limoges, Toulouse, Chollet, Nantes, Tours, Clermont-Ferrand, … de Paris-Orly vers Nantes, Angers, La Roche-sur-Yon, Chollet, Tours, Clermont-Ferrand, … De Montbéliard vers Nice, Marseille, Grenoble. De Dole vers Clermont-Ferrand. La liste n’est pas exhaustive. Au démarrage de la deuxième vague, c’est l’Auvergne-Rhône-Alpes qui est en tension. Au début de la deuxième vague, les évacuations ont essentiellement été utilisées pour soulager les hôpitaux lyonnais et stéphanois. Les patients ont été évacués vers Angoulême, Poitier, Bordeaux, Brest, Angers, Périgueux, Lorient, Pau, Limoges, Vannes, Morlaix, Rochefort, Strasbourg, Nancy. Des évacuations sanitaires ont également été réalisées depuis Avignon et Marseille vers Brest et Morlaix. Dans les premiers jours toutefois. Car plus l’épidémie reprend de la vigueur et plus l’ensemble des hôpitaux français est en souffrance. D’où les premières évacuations hors de l’hexagone.

Oyonnair dispose de son atelier de maintenance sur l’aéroport de Lyon-Bron. Il emploie quatre mécaniciens. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Le transfert des patients Covid-19 est une opération lourde à gérer pour les équipes d’Oyonnair. Le protocole sanitaire est rigoureux. Le risque de contamination est permanent. Et même si elle génère des vols, cette activité spécifique ne compense pas la perte de chiffre d’affaires de la compagnie, souligne Daniel Vovk. Le transport de passagers et de fret urgent qui représente en temps normal un quart du chiffre d’affaires d’Oyonnair a été divisé par deux depuis le début de l’année. Le transport d’organes qui représente également un quart, se maintient. En revanche, le rapatriement sanitaire pour le compte des assurances (50% de l’activité) s’est effondré avec l’arrêt du tourisme.

Oyonnair dispose de six Piaggio Avanti II équipés pour les évacuations sanitaires. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Xavier et Charlotte, deux des vingt pilotes d’Oyonnair. Tous deux volontaires pour fait partie du dispositif anti-Covid. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Entre le 25 mai et le 3 avril 2020, les Piaggio d’Oyonnair ont transféré 64 patients. Les retours de ces grands malades se sont échelonnés jusqu’en août. Au total, 94 patients présentant des séquelles plus ou moins lourdes, ont été rapatriés dans leurs régions d’origine, à raison de 3 à 4 par vols. Certains sont restés jusqu’à trois mois, en réanimation, en Allemagne.

Gil Roy

 

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Hum, donc on transporte deux patients en réanimation dans un Piaggio Avanti et quatre dans un A-400M, c'est bien ça?
    Peut-être que l'A-400M transporte dans sa carlingue le Piaggio et ses deux patients, plus deux autres patients quelque part dans la zone cargo... :)

    • En attendant l'arrivée des deux patients-Covid, le 5 novembre quand je suis allé faire le reportage à Bron, j'ai pu échanger avec le médecin réanimateur du SAMU. La veille il était là et a pu monter à bord de l'A400M. Il confirme ce que vous écrivez. La soute était mieux équipée que le service de réanimation du CHU de lyon ! Un hôpital volant. Il a aussi été impressionné par le professionnalisme et la rigueur du personnel médical militaire.

      • @ Denis, aucun commentaire stupide "à la Trump" de ma part, si vous ne saisissez pas le second degré en guise de question, abstenez-vous de participer au débat.

        M. Roy a fourni a travers son complément d'information une explication technique tout comme @Garfield, qui permettent de mieux comprendre les avantages-inconvénients des deux solutions, je les en remercie.

        Demeure néanmoins que les patients "Piaggio" étaient également sous assistance respiratoire et dans état très grave...à priori, j'insiste sur le terme à priori, comme pour les patients "A-400M".
        Une explication médicale émanant d'une personne qualifiée en la matière apporterait certainement une réponse sans appel quant à l'engagement d'un A-400M pour 4 patients...ou pas.

        Cela représente une curiosité technique et logistique qui me semble légitime quand on constate, en tant que profane du milieu médical, le monde séparant un Piaggio d'un A-400M.

        Toute ambulance de réanimation est équipée d'un respirateur portable et de pousses-seringues aux engagements nécessaires au maintien d'une sédation profonde et à l'administration de drogues requises par la situation particulière.
        L'ensemble tient effectivement aussi dans un Piaggio tout comme dans un Challenger, vecteur utilisé par la REGA en Suisse, mais également dans leurs Agusta et EC-145.

        Dans le cas d'un A-400M il est effectivement réaliste de pouvoir embarquer un véritable hôpital de campagne avec tentes à pression positive voir un bloc complet.
        Toutefois dans le cas précis du transport des patients profondément impactés par le Covid, selon ma connaissance de profane, je n'ai jamais entendu que de telles mesures étaient requises...d'où la pertinence de s'interroger sur l'engagement de moyens très lourds comme un A-400M.

        Toutefois je salue très positivement l'engagement d'un appareil militaire pour prêter assistance à des civils, peu importe le prix de la mission.
        A fortiori les patients transportés sont copropriétaires de l'appareil dans la mesure où ce sont des contribuables, et s'il n'y pas suffisamment de Piaggio disponibles pour les transferts, laisser un A-400M dormir sur le tarmac serait criminel.

        Pour terminer, je trouve extrêmement positif de voir ce type d'appareil venant contribuer à transporter ceux qui pourraient être nos proches plutôt que de transporter des chars ou autres équipements à vocation destructrice.

    • J'ai lu quelque part que l'A400M pouvait évacuer 66 brancards en soute en condition EVASAN. Mais évacuer un militaire blessé par balle ou explosif, stabilisé, avec quelques médecins pour la soute complète, n'est pas évacuer un malade virussé et contagieux. Encore moins quand il est en réanimation et lourdement appareillé.
      En effet, la soute devient un véritable hôpital, et non plus une "simple" ambulance.

    • Les deux appareils ne sont pas conçus dans la même optique.
      Le Piaggio c'est une "ambulance à deux places".
      Ce qui veut dire civière, matériel limité et surtout personnel limité.
      Comme dans une ambulance quoi...

      L'A400M c'est autre chose.
      "Que" quatre patients certes, mais chacun dans leur propre chambre, entièrement équipée, pouvant être sous pression positive, etc...
      Et c'est une plateforme plus stable qu'un avion léger.
      Ce qui permet le transport de patients gravement traumatisés ou par exemple porteurs de virus très contagieux du genre fièvre hémorragique.
      Avec une équipe médicale complète et du matériel.
      Un service d'urgence/réanimation complet.

      • Petite indiscrétion : je suis fan de l'Avanti !
        En particulier Papa Echo, que les Chambériens connaissent bien car il a été exploité par la Savoyarde Pan Européenne avant d'être exporté très loin dans le Haut Bugey...
        Quand à l'A400M, je ne peux être qu'admiratif, pour la synthèse qu'il offre entre le savoir civil (interface Homme machine, automatisation des tâches) et la réponse à des impératifs militaires que le groupe de soutien de la PAF aux US décrit si bien.
        Je suis un peu ironique (et sec) lorsque l'on compare ces 2 machines si différentes pour ces missions de transport médicalisé.
        Difficile de donner un avis en tant que spectateur, ne connaissant ni le cahier des charges de ces liaisons ni le détail des machines exploitées.
        - Bravo à Oyonnax Air de savoir se faire apprécier par les autorités de la santé
        - Bravo aux militaires de maintenir leur compétences au travers de vols utiles à la collectivité...
        1 à 1, je sais c'est désespérant en terme de suspens, modeste avis de pilotaillon.

      • Cher Pilotaillon décrépit,
        la sénescence de vos yeux me fait (presque) de la peine.
        Où avez-vous lu le mot cercueil ?
        Je n'ai utilisé que l'analogie avec une ambulance et pas du tout dénigré le Piaggio, bien que la comparaison avec le cyclomoteur des 14 ans de ma soeur soit tentante.
        J'espère que malgré le prix de l'heure de vol de l'A400M, vous pourrez tout de même bénéficier de nouvelles lunettes.
        Choisissez-les avec un fort grossissement.

        P.S. Quand on veut faire de l'humour (surtout à l'écrit) il faut être sûr de son coup, sinon le décrochage est assuré.

      • Garfield : vous dites un Piaggio avec un cercueil à deux places !
        Et bien ça tombe à pic, J'ai des poignées à vendre, faites justement pour ça. Elles sont depuis quelques jours en stock, je peux même vous faire un prix.
        Après je vous les expédie avec un Avanti, car la gentillesse de la maison a des limites, l'A400M coute trop cher, et puis il vole pas tellement plus vite que l'Italiennissime Piaggio !
        Tant pis si les portes sont un peu moins larges.
        Et surtout le son des 4 hélices de l'Airbus ne valent pas celle de l'Avanti Doué, et vous savez, Madame Michu nous dit que ces monstres de l'armée ça pollue, que l'engin fait des millions de chevaux et qu'il faut un régiment pour les alimenter...

  • Quand on sait que sur les plateformes où il est employé cet avion jouit d'une notoriété négative à cause de sa signature caractéristique... C'est une belle revanche de pouvoir contribuer à sauver des vies !

      • Exactement! Je me demande si les Aéroports qui ont interdit l’accès à cette machine volante qu’est le Piaggio lui délivrerais une dérogation pour venir évacuer disons, un des enfants du Maire ? “Fly safe, be happy” 😊

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