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Aviation Générale

L’ONERA souffle le Dewoitine D551 de Réplic’Air

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Fabrice Morlon

Réplic’Air poursuit l’effort et tient le cap. La reconstruction du Dewoitine D551, dont les dernières pièces sont en fabrication et qui seront assemblées à partir de fin 2018, devrait effectuer son vol inaugural en 2019. De manière à préparer ce premier vol, une campagne de tests dans une soufflerie de l’ONERA a été menée fin juillet 2018 à Lille. L’objectif est de donner au pilote un maximum d’informations sur le comportement de l’avion en vol ainsi que lors des phases critiques que sont le décollage et l’atterrissage. L’ONERA participera aussi aux essais en vol.

Après avoir fait voler le Morane Saulnier Type G au-dessus de la Méditerranée en 2013, il fallait à l’équipe de Réplic’Air un nouveau projet d’envergure. La décision ne s’est pas fait attendre : quoi de mieux qu’un avion français dont les ailes furent coupées par la Deuxième Guerre mondiale ?

Le Dewoitine D551, descendant du D520, n’a jamais volé. Commandé par l’État français à la veille de la déclaration de la Deuxième Guerre mondiale, l’invasion du pays par les troupes allemandes aura eu raison du projet. L’avion aurait pu voler : deux exemplaires étaient proches du vol inaugural en juin 1940. Si certains d’entre eux ont pu être sauvés temporairement, le dernier exemplaire a été ferraillé dans les années cinquante. Seule la quasi-totalité des plans demeurent sur lesquels Réplic’Air a travaillé pour redonner vie au chasseur surnommé le  «Mustang français»

Retour à la soufflerie verticale de Lille

 « Nous avons débuté en 2014 » explique Wilfried Dufaud :  « avec une liasse de plans et des notes de calculs dont des archives d’essais en soufflerie. » Le 8 décembre 1939, la maquette du D551, appelée  « planeur» est soufflée dans les installations de l’IMFT (Institut de Mécanique des Fluides) à Toulouse, dont les résultats sont peu exploitables. Coïncidence, ou signe du destin, le 8 décembre 2017, la maquette planeur du D551, avec ses 1m65 d’envergure, était testée en soufflerie sur l’ancien site de l’IMFL, aujourd’hui l’ONERA Lille.

La rencontre entre l’ONERA et Réplic’Air date de septembre 2016, de manière à définir les besoins du projet au regard des possibilités offertes par les souffleries de l’ONERA. Réplic’Air finance une campagne d’essais sur le planeur du D551 qui se déroule donc fin 2017 dans la soufflerie SV4 de Lille et qui dure trois semaines.

Dispositif unique en Europe, la soufflerie SV4 de l’ONERA est impressionnante. La tour qui l’abrite offre un point de vue exceptionnel sur Lille et ses environs.  « SV4 servait au départ à étudier la vrille des aéronefs, et qui se faisait en lâchant la maquette dans le flux d’air » explique Quentin Gallas, chef de l’unité Expérimentation et Limite du Vol à l’ONERA,  « puis des dispositifs ont été ajoutés qui permettent de fixer la maquette sur un dard dans lequel courent des câbles reliés à différents capteurs insérés dans celle-ci, appelés  «balances aérodynamiques, » et qui permettent de mesurer les efforts exercés sur la maquette. Le dard, motorisé, permet aussi de mettre la maquette dans des conditions différentes face au vent relatif recréé par la soufflerie. Ainsi on peut mettre l’aéronef en dérapage en configuration approche et voir ce qui se passe. »

Une première pour SV4

SV4 a connu de nombreuses maquettes d’aéronefs , tant militaires que civils : Mirage 2000, Rafale, Cap 10 ou encore TB20… Après la première campagne sur la maquette de planeur du D551, dont les résultats s’avèrent concluants, prouvant que l’avion possède un comportement sain, l’ONERA permet au projet D551 une nouvelle campagne, cette fois sur la maquette motorisée.

C’est une première pour l’ONERA qui, lors de la campagne en soufflerie du mois de juillet 2018, a soufflé une maquette motorisée. Wilfried Dufaud, responsable pour Réplic’Air des campagnes en soufflerie explique que « le département maquettes de l’ONERA de Lille a assemblé le groupe motopropulseur, dont les éléments ont été achetés sur étagères, puis l’ont testé avant de l’insérer dans la maquette de soufflerie. Entreprise complexe car nous avions besoin de recréer l’écoulement du vent produit par le souffle de l’hélice, dans plusieurs configurations de vol. Ces représentations ont nécessité l’adaptation des pièces existantes et leur capacité à représenter les contraintes de vol et d’insertion sur la maquette. Ainsi l’hélice est à pas réglable, le moteur électrique est de très forte puissance et nécessite un refroidissement spécifique. »

Souffler la maquette pour le pilote

Installée dans la veine de la soufflerie, le nez en bas, la maquette motorisée du D551 est testée dans différentes configurations. Le réglage angulaire des ailerons, de la dérive et de la profondeur, ainsi qu’une hélice à calage variable, permettent de simuler les configurations qui intéressent Réplic’Air et l’ONERA.  « Pour cette campagne d’essais en soufflerie, nous analysons quatre configurations délicates. Nous reproduisons ainsi les conditions au décollage, la montée au taux maximum, le vol en croisière et à l’atterrissage » explique Wilfried Dufaud. La maquette est soufflée à 30 m/s pour les configurations décollage, atterrissage et à 50 m/s pour simuler la croisière, avec un régime moteur à 7000 tours/minute.

Lors de ces situations, le dard va placer la maquette dans des conditions particulières d’incidence et de dérapage de manière à recueillir le maximum d’informations possibles sur le comportement de l’avion par vent de travers, en vol dissymétrique, avec une forte incidence…  « Grâce à ces simulations, nous sommes capables de prédire comment l’avion se comportera en cas de remise des gaz ou comment contrer le lacet inverse » explique Wilfried Dufaud.

Au dernier jour de la campagne, l’équipe de Réplic’Air venue de Toulouse pour l’occasion est plutôt satisfaite des résultats. Alain Bugeau, ancien de chez Dassault Aviation, Gilles Touron, ancien de l’ONERA et Wilfried Dufaud ne sont pas venus pour rien :  « La campagne de tests nous a permis de comparer les données recueillies après avoir soufflé le planeur en 2017 avec celles obtenues sur la maquette motorisée » explique Alain Bugeau  « les performances de l’avion sont plutôt bonnes, on sait que l’avion va bien voler et nous sommes en mesure de donner des ordres de grandeur au pilote d’essai : on sait désormais comment l’avion réagira plus ou moins dans telle ou telle configuration. »

Une campagne gagnant-gagnant

Réplic’Air n’est pas le seul à bénéficier des résultats de la campagne de soufflerie :  « C’est une grande première pour nous de souffler une maquette motorisée » explique encore Quentin Gallas,  « et en ceci, cette campagne nous permet de gagner en expérience et de consolider notre savoir sur les écoulements autour de ces géométries, en particulier en prenant en compte l’écoulement provenant du flux de l’hélice. Tout ceci ira alimenter une large base de données qui permet de développer et d’enrichir des modèles analytiques les plus fidèles et les plus représentatifs possibles du comportement de l’aéronef dans ces limites de vol. » Le partenariat avec l’ONERA se poursuivra jusqu’aux essais en vol : le laboratoire de l’ONERA de Toulouse placera en 2019 une série de capteurs sur l’avion pour recueillir des données qui permettront de les comparer avec celles obtenues à la soufflerie SV4.

Un grand mécano à terminer

Reste maintenant pour Réplic’Air à achever le mécano. Les longerons du fuselage, le traitement thermique et l’usinage des pièces majeures (longerons d’ailes, train d’atterrissage, pales d’hélice) sont terminés. La révision des deux moteurs Hispano Suiza poursuit son cours, avec la certitude que ces deux moteurs pourront être avionnés. L’assemblage de l’avion devrait commencer fin 2018 suivis par les premiers tests au sol courant 2019. Le premier vol, qui aurait dû avoir lieu fin 2018, est en conséquence repoussé à 2019. Une date qui finalement tombe assez bien pour célébrer les 50 ans d’un des partenaires majeurs de l’association, plus spécialisé dans l’aviation commerciale.

Autre nouvelle, le hangar de Réplic’Air, qui abritera la flotte de l’association, est terminé sur l’aérodrome de Graulhet-Montdragon. De quoi accueillir les visiteurs lors du premier meeting aérien organisé par l’association 13 octobre 2018.

Fabrice Morlon

 

Réplic’Air est une association qui regroupe des bénévoles et des partenaires industriels. Retrouvez les dernières nouvelles sur le site internet et sur les réseaux sociaux.

 

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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  • Bonjour,
    Merci pour ce chouette reportage !
    Je me permet quelques commentaires/questions sur des points qui me semblent incohérents :
    - la notion de moteur "conçu sur étagère" me semble paradoxale. Est-ce un moteur pris sur étagère (prééxistant) ou conçu spécifiquement ? Il me semble que c'est une conception spécifique.
    - l'air de la soufflerie est-il pulsé ? C'est à dire soufflant de manière périodique ? Il me semble que l'air est soufflé de manière continue dans ce type d'essai. Par contre il se peut que la soufflerie soit de type à rafale (en opposition avec une installation en boucle fermée).
    Merci de vos éclaircissement !

    • Bonjour Gilles,
      Merci pour votre message et pour vos remarques et questions auxquelles je m'efforce de répondre :
      - le moteur est constitué de divers éléments préexistants qui ont été choisis séparément de manière à être en phase non seulement avec les contraintes de place disponible dans le nez de la maquette qui était à l'origine un planeur, mais également pour reproduire la puissance et les effets du moteur Hispano-Suiza qui équipera l'avion. L'ONERA de Lille, qui réalise de nombreux planeurs pour le compte des industriels, ensuite testés dans ses souffleries, s'est fait une spécialité de ce genre de travaux.
      - la soufflerie SV4 de Lille est verticale. Elle est imposante et son coffrage est bien connu des lillois : elle culmine à 30 mètres de hauteur (qui offre entre parenthèses une vue imprenable sur la ville et ses alentours!) pour 18 mètres de large, pour une veine de 4 mètres de diamètre. Le moteur produit un souffle qui transite vers le haut et qui circule ensuite dans un conduit à effet Venturi pour remonter au cœur de la veine. Le processus se poursuivant en circuit fermé. L'air est en effet soufflé de manière continue lors d'un essai dans une position donnée, où l'on cherche à quantifier les coefficients de portance et trainée pour une configuration précise (volets ou train sorti, gauchissement...). Le souffle est stoppé pour reconfigurer le planeur ou la maquette en l'occurrence.

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