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Aviation Générale

Mika Brageot : reculer pour mieux voler

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Bastien Otelli

Michael Brageot a vécu la saison 2016 du championnat Red Bull Air Race en immersion complète au sein de l’équipe de Nigel Lamb. Pour Aerobuzz.fr, il revient en détail sur cette année à mouiller sa combinaison de vol dans les coulisses de la Master Class. Haut niveau sportif et technologique. Il est armé pour se mesurer aux meilleurs de la discipline, dès 2017, sous les couleurs de Breitling et avec le MXS-R qu’il a appris à dompter cette année.

En 2015, Mika Brageot remportait la Challenger Cup. Il avait la possibilité d’intégrer la Master Class dès sa deuxième année de participation à la Red Bull Air Race, mais il avait une autre idée derrière la tête. A l’issue de la saison, il pose un projet sur le papier : « Mon idée était de pouvoir décaler d’un an mon entrée en catégorie supérieure, tout en gagnant en expérience et en étant intégré dans une équipe de Master Class ». Puis, il explique son projet à son ami, l’Anglais Nigel Lamb, qui se montre immédiatement enthousiaste.

Un projet inédit

« J’ai demandé à Nigel quels étaient ses projets d’avenir et il m’a répondu qu’il souhaitait faire une dernière saison de compétition avant de prendre sa retraite. Pour moi, c’était la réponse idéale ! ». Puisque Lamb et Brageot sont tous les deux sponsorisés par Breitling, l’horloger suisse les a soutenu et l’idée a été présentée à Red Bull.

La réponse du géant de la canette énergétique n’a pas tardé : « On a tout de suite reçu une réponse favorable et on a découvert que Red Bull avait eu une idée similaire, sans forcément avoir les éléments pour la concrétiser », précise Mika. La firme autrichienne mettra donc tout en place pour concrétiser le projet du Français et le nommera « Master Class Mentoring Program ».

Le Master Class Mentoring Program

Le principe est simple et s’apparente un peu à ce qu’on voit en Formule 1 automobile lors des essais libres du vendredi, où de jeunes pilotes non-titulaires conduisent les monoplaces pour valider des solutions de réglage. Durant toute la saison 2016, et avant chaque course, Mika Brageot arrivait donc quelques jours avant Nigel Lamb et pilotait son MXS-R sur les circuits.

Pendant un an, Mikael Brageot a été l’élève du britannique Nigel Lamb. © Red Bull Air Race Pool

Le simple fait de voler sur un tracé de la Master Class était déjà une expérience inespérée : « En Challenger Cup, les tracés sont plus cools, on a le temps de respirer et d’ajuster ses trajectoires alors que sur une track [un circuit, NLDA] de Master, c’est la folie, ça ne s’arrête jamais et si on s’écarte à peine de la bonne trajectoire, on peut carrément rater une porte ! ». Les vols de Brageot étaient également un avantage pour Nigel Lamb puisque le Français lui rendait compte de ses impressions après chaque atterrissage.

Aussi, pour ne pas biaiser le championnat par une concurrence déloyale, toutes les données enregistrées par le Français étaient consultables par tous les pilotes, au bureau d’analyse du comité de course : « On était la seule équipe à bénéficier du Mentoring Program mais comme on voulait rester fair play, on ne pouvait pas garder les données pour nous. Les autres devaient en profiter ! ». Une belle sportivité à suivre en exemple. Lewis Hamilton, si tu nous entends…

Un avion pour deux

Pour que Brageot pilote l’avion de Lamb, la principale contrainte était leurs positions de pilotage. Pas question que le Français vole avec les settings de l’Anglais, et inversement. Qu’il soit de voltige ou de course, un pilote a ses habitudes : il doit se sentir à l’aise dans son monoplace pour être performant et sa position de pilotage est très personnelle.

Mikael Brageot a fait son apprentissage de la classe Master en 2016, avant d’en devenir un des acteurs en 2017. © Red Bull Air Race

Or, changer un setting sur une telle machine ne se fait pas en claquant des doigts. L’équipe a donc imaginé un système ingénieux : « Nigel et moi avons deux positions très différentes à bord. Par exemple, je suis assis plus en retrait du centre de gravité et plus bas que Nigel. Pour modifier l’appareil et avoir nos réglages, on a donc fait fabriquer deux « sets » d’assise. Ce sont deux coques en carbone démontables et personnalisées pour retrouver nos settings au détail près, jusqu’aux prises de casque qui sont gauche pour Nigel, et à droite pour moi. Du coup, à bord, on est comme à la maison, et les coques se changent très vite ! », précise Mika Brageot.

En effet, l’autre avantage de ce système est qu’il permet de reconfigurer l’avion très rapidement : « Parfois, quand le timing était serré, entre mon atterrissage, le « reset » du cockpit et le décollage de Nigel, il se passait moins de 25 minutes, contrôles mécaniques et pleins compris ! ».

Les avantages du Mentoring Program

La Challenger Cup est une formidable compétition qui permet de s’imprégner de l’esprit course en s’essayant au pilotage entre les pylônes, d’apprendre les bonnes trajectoires et de se familiariser avec une manière de voler très différente de la voltige. Mais ça s’arrête là.

Mikael Brageot a eu le privilège de pouvoir s’entrainer sur les huit circuits de la saison 2016 avec son futur avion. © Daniel Grund / Red Bull Content Pool

De plus, les paddocks ne sont pas communs à ceux de la Master Class et il est formellement interdit aux pilotes Challenger d’y pénétrer. Impossible donc de se faire une idée de ce que représente la catégorie reine en terme de compétition, tant qu’on y est pas. C’est en cela que la formule Mentoring Program est géniale ; le pilote d’essai fait partie de l’équipe de Master Class : il participe activement en rendant compte de ses vols et découvre les stratégies et la synergie d’une équipe de top niveau. « La formule Mentoring m’a permis d’être 100% intégré à l’équipe. J’ai découvert le travail du coordinateur, du mécano, du tacticien, de l’analyste, etc. Grâce à cette immersion, je serai en terrain connu, mieux préparé et plus serein quand j’arriverai en Master Class. », précise Mika.

Le MXS-R, l’avion taillé pour les pylônes

Bien entendu, l’autre grand bénéfice de cette formule est que Brageot s’est largement familiarisé avec le MXS-R de Nigel Lamb, un avion optimisé pour la course. Et ça tombe bien, car c’est précisément cette machine-là que le Français pilotera l’année prochaine en Master Class, puisqu’il vient de le racheter.

Mikael Brageot a eu une année entière pour prendre en main son futur avion, le MXR-S de Nigel Lamb. © Chris Tedesco / Red Bull Content Pool

A l’écouter, la machine est impressionnante : « Les Extra 330LX de la Challenger Cup sont « usine » : ils ne sont pas optimisés pour la course. La première fois que j’ai piloté le MXS-R de Nigel j’ai été stupéfait par la puissance et la rapidité de cet appareil. Ca accélère très vite, ça dégrade peu et ça passe très fort entre les pylônes. On sent que les modifications ont été faite pour ce sport et uniquement pour ce sport. C’est vraiment un autre monde ! »

Brageot l’hyperactif

Pilote instructeur avec 3 000 heures de vol, pilote de voltige avec de nombreuses victoires à son palmarès (dont une médaille d’or en individuel lors de l’épreuve Libre Inconnu aux championnats du monde de Châteauroux, en 2015), pilote de meeting, pilote de course et champion 2015 de la Challenger Cup, pilote d’essai en Master Class, pilote Media Flights (vols VIP sur les circuits de la Red Bull Air Race) et bientôt compétiteur en catégorie reine au sein d’une des meilleures écuries du plateau et toujours sous les couleurs de Breitling.

Mikael Brageot est prêt ! © Predrag Vuckovic / Red Bull Content Pool

Oui, Mika Brageot est un pilote véritablement hyperactif doublé d’un père de famille, et on se demande d’où il tire cette énergie qui lui permet de tout réussir. En tout cas, il y arrive bien et se permet même un peu de xyloglossie voire de teasing, lorsqu’on lui demande qui seront les membres de son équipe Master Class, en 2017 : « Je peux te dire que ça ne sera pas la même équipe que celle de Nigel, mais pas la peine d’insister, je n’en dirai pas plus. Surprise ! ».

Une chose est sûre, Mika Brageot a les dents longues et elles sont taillées en pointes. C’est certain, en 2017, il nous réserve quelques belles « surprises » et il y a fort à parier que nous le verrons souvent dans le haut du classement, dans carré final, ou même, pourquoi pas, sur un podium dès sa première saison en catégorie reine. Allez, Mika, éblouis-nous !

Bastien Otelli

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Bastien Otelli

Bastien Otelli travaille depuis 2004 avec la presse et l'édition des choses de l'air… Il a rejoint l'équipe d'AeroBuzz.fr en 2016. Depuis 2013, il est également photographe aéronautique professionnel.

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