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La grande aventure PILOT

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Elle reprit le contrôle juste avant que les roues ne touchent le sol. Leur mission était certes remplie. Mais à quel prix !

Plus exactement, la première partie était remplie : les plans de l’arme secrète étaient à bord. Il n’y avait plus qu’à les ramener au palais. Une sinécure pensa Daisy. Son pilotage était à son image : fantasque, rebelle mais brillant. Elle tira le manche avec toute la force dont elle était capable et parvint à relever l’appareil qui accrocha malgré tout la barrière céleste des Joutes avant de basculer de l’autre côté. L’appareil plongea de nouveau mais Daisy le redressa. Les Joutes avaient eu la folie des grandeurs quand ils avaient créé cette barrière si haute. Daisy ne les aimait pas beaucoup. A ses yeux, les Joutes valaient à peine mieux que les soldats de la reine. Bien que récemment, ils étaient remontés dans son estime. C’était en effet dans leur repère que les plans avaient été découverts. Une turbulence interrompit le fil de ses pensées.

Un coup d’œil aux indicateurs de bord lui apprit qu’un moteur était touché ! Bon. Elle n’avait pas finie première de l’académie de vol pour rien et atterrir avec un moteur en panne lui était familier. Une alarme retentit ! Les jauges de carburant descendaient à vive allure ! La situation devenait délicate. Elle réfléchit une poignée de secondes. L’atterrissage d’urgence était la seule option pouvant lui permettre de s’en sortir indemne. Ou en tout cas d’essayer. Un coup d’œil en contre-bas. Hélas ! Du doré, rien que du doré : elle survolait le Désert Interdit qui s’étendait à perte de vue dans toutes les directions. Cet endroit la faisait frissonner mais elle n’avait pas le choix ; elle ne cessait de perdre de l’altitude. Elle scruta le sol et repéra un rocher plat et brillant. Cette piste de pacotille devra faire l’affaire ! Un virage serré lui permit de s’aligner dans l’axe et d’atterrir aussi proprement que peut le faire un C3P20 avec un seul moteur. Une succession de soubresauts, le train d’atterrissage brisé, mais l’avion au sol. La tête de Daisy heurta le tableau de bord après un ultime cahot de l’appareil. Puis plus rien. Le silence. Une manœuvre réussie!

Un peu sonnée, Daisy s’extirpa du cockpit pour constater les dégâts. La tête lui tournait et elle sentait une bosse pousser sur le sommet de son crâne. Elle eut un instant l’espoir que sa vision était déformée par son traumatisme. Mais non. Un trou béant remplaçait bel et bien l’aile gauche de son avion, les roues étaient restées plantées en bout de piste et l’empennage arrière n’était plus qu’un amas de matière fondue. Elle fit la grise mine. Ses compétences de mécanicienne étaient loin d’égaler son pilotage. Et puis, elle n’aimait guère endommager un aéronef. Ce n’était qu’une machine et elle n’avait jamais vraiment l’occasion de s’attacher à l’un d’eux – son mode de pilotage les rendaient bien souvent aussi réutilisables que des kleenex. Mais, cela lui attirerait à coup sûr de nouveaux ennuis.

Elle remonta à bord pour aller vérifier la radio située à l’arrière de l’appareil. Elle enjamba au passage un cadavre. Adam. Une des victimes de la mission. Il avait été son frère de Lutte, tout du moins c’était ce qu’elle avait cru. S’estimant plus intuitive que la moyenne, comme tout le monde, elle n’avait donc pas vu le coup venir. Enfin, le coup physique qu’il voulait lui porter, celui-ci elle l’avait vu venir ! Cela s’était passé juste après leur décollage. Son entrainement intensif avait payé et elle avait pu l’esquiver facilement. Une courte lutte s’en était suivie dans l’étroit cockpit. Malgré sa silhouette chétive, elle avait pris l’avantage sans trop de difficultés. Cependant elle avait dû se résoudre à le neutraliser pour de bon. Elle ne pouvait pas se permettre de prendre le moindre risque de compromettre la mission. Enfin, elle avait récupéré les commandes. Pour se retrouver là. En plein milieu du désert hostile. Chassant de sombres pensées qui menaçaient de la submerger, Daisy poursuivit son chemin, glissant un dernier coup d’œil vers, feu, Adam. Il semblait tellement habité par la Lutte. Au final, il n’avait été qu’un traitre. Probablement infiltré parmi les rebelles pour briser le mouvement de l’intérieur et se faire bien voir de la reine. Finalement, elle aurait peut-être dû lui marcher dessus.

Elle découvrit avec soulagement que la transmission radio n’avait pas été endommagée. Ce petit miracle lui permit d’envoyer un SOS avec sa position. Puis elle s’assit sur le sol et patienta dans son épave, à l’abri de la chaleur. Son esprit en ébullition s’apaisa et les souvenirs ressurgirent.
La Lutte. Daisy y avait consacré sa courte existence, dès l’instant où son tuteur et ami, Mark, lui avait ouvert les yeux. La famine. La misère à tous les étages. Tandis que leur despote, la reine, se prélassait dans ses quartiers. Faire couper des têtes (son hobby principal). Manger (son autre hobby principal). Faire couper des têtes. Manger. C’était bien tout ce qu’elle savait faire. Gérer le royaume ? Assurer le bien-être et la sécurité du peuple ? Non ! Ce n’était clairement pas ses ambitions. Alors quand Mark lui avait parlé d’un groupe dissident ayant pour but de renverser la reine et l’ordre établi, elle n’avait pas hésité une seconde à les rejoindre. Le groupe s’était baptisé le Parti pour l’Indépendance et la Lutte contre l’Ordre Tyrannique ou P.I.L.O.T ou encore « La Lutte » quand ils étaient entre eux. La Lutte. Justement, celle-ci était bien inégale. Un an d’existence de leur groupuscule avait vu périr bon nombre des leurs. Ecrasés, Morts en expédition, « Mystérieusement disparus ». Ou bien, marque de fabrique de leur tyran : Décapités ! Ils n’étaient plus qu’une poignée désormais et la flamme de l’espoir était plus que vacillante.

Jusqu’à ce jour ! Ce jour où l’un des leurs, Ewan, avait fait une découverte qui pouvait tout changer. C’était arrivé par le plus prodigieux des hasards. La reine qui voulait étendre son territoire, peu importe le prix à payer, surtout s’il ne s’agissait que d’une ou deux centaines de sujets, avait lancé une campagne de réhabilitation de ce qu’on appelait les Zones Rouges et mandaté des volontaires, tirés au sort, pour les explorer. Ewan avait été l’un de ces chanceux explorateurs. Les Zones Rouges étaient des territoires situés dans l’empire des Joutes. Elles étaient formellement interdites. Sous peine de mort si la Zone ne s’en était pas déjà chargée. Les Zones avaient été délimitées lors de la Grande Guerre pour protéger leur peuple. Quand les leurs avaient été chassés de l’Empire des Joutes et presque réduits à néant. On disait que ces Zones étaient mortelles. Mais cela s’était passé si longtemps auparavant. Si longtemps en fait qu’on ne savait plus vraiment ce qui relevait de l’Histoire ou de la Légende. Et en effet, au terme de sa mission, Ewan avait été formel : rien ne justifiait que le territoire soit interdit. Il avait en tous les cas survécu. C’était une heureuse nouvelle pour Ewan. C’était une nouvelle positive pour le palais. Mais pour PILOT, c’était une nouvelle inespérée !

Car, Ewan y avait fait une découverte capitale dont il avait réservé l’exclusivité pour les membres de la Lutte. Des plans ! Bien en évidence sur le plus haut plateau de la zone, ils l’attendaient. Ils représentaient un engin de haute technologie contrôlé par leur peuple, et suggéraient l’anéantissement du palais par le feu propulsé de cette nouvelle arme. Bien que ce fusse curieux de les avoir trouvé dans cet empire reculé et hostile, ces plans étaient l’œuvre d’un ami de la Lutte. Il avait « signé » son acte : un long tuyau placé en évidence juste à côté avait été gravé de l’inscription PILOT ! La Lutte avait organisé leur récupération dès que possible, sous couvert d’une mission de routine de contrôle de la frontière avec les Joutes. C’est ainsi que Daisy s’était retrouvée embarquée dans un C3P20 quelques heures plus tôt. Il avait meilleur allure alors. Et elle aussi. Tout s’était (presque) déroulé sans accroc. Les soldats de la reine proprement éliminés, les plans rapidement récupérés et embarqués, et puis…la traitrise d’Adam ! Parachevée par cet atterrissage quelque peu chaotique.

Un son aigu ramena l’attention de Daisy dans la salle de transmission. Un message! Une équipe de secours était en route. Elle avait tout juste le temps de cacher les plans. Elle descendit dans la soute pour les récupérer puis sortit de l’appareil et avança droit devant elle. Elle savait exactement où aller. Tandis qu’elle cherchait un endroit pour atterrir, elle avait cru apercevoir comme une sorte de structure métallique à quelques pas de distance vers le nord. Elle avait bon espoir d’y trouver une cache idéale. Sa marche dans le désert fut de courte durée. En effet, un éclat métallique confirma son repérage. Elle accéléra le pas. C’était une épave d’un engin de la Grande Guerre avec un trou béant. La cavité était de bonne dimension, à demi enfouie dans le sable. Les plans y seraient à l’abri. Et grâce à la réverbération du soleil sur le métal, l’endroit serait facile à retrouver. En journée tout du moins. Daisy cacha les plans aussi profondément qu’elle le put et se dépêcha de repartir dans l’autre sens. L’escadrille de secours n’était plus très loin ; elle pouvait entendre le ronronnement caractéristique d’un C3P20.

***

Dès que l’appareil fut immobilisé, et le signal « ceinture de sécurité attachée » éteint, elle sauta hors du véhicule. Sans attendre, elle traversa le tarmac de toutes ses jambes, dévala les centaines de marche menant à la salle du trône sous-terraine. Puis elle s’arrêta, dans un joli dérapage contrôlé, juste devant les gardes et demanda audience. On lui permit d’entrer.

A la vue du tyrannique despote qu’était sa reine, elle eut un haut le cœur. Elle s’inclina suivant le protocole. Libérée de la vision du tyran, elle sentit son cœur se remettre en place. C’était déjà une amélioration. Assurément, le protocole avait dû être inventé pour éviter que la reine ne soit recouverte par l’expression des sentiments, distingués, qu’elle devait inspirer à ses sujets. Elle reçut l’injonction de s’exprimer et débita son compte-rendu officiel, d’une voix aussi neutre que possible.

« Nous sommes arrivés à l’avant-poste des Joutes près de la barrière céleste. Mais c’était une embuscade ! Nos ennemis nous attendaient. Nous avons lutté vaillamment. Notre escorte, XY1 et XY2, a péri. Pour nous sauver Adam et moi et nous permettre de nous échapper. Nous avons décollé mais Adam a tenté de m’assommer ! Sans doute un traitre de PILOT. J’ai dû le neutraliser. J’ai pu récupérer les commandes mais c’était trop tard. La barrière céleste était activée et je l’ai légèrement accrochée. J’ai eu un souci moteur qui m’a contrainte à atterrir en urgence dans le Désert Interdit. De là j’ai envoyé un message d’alerte et ait été secourue. Il n’y aucun autre survivant et l’appareil avec tout ce qu’il contenait est resté sur place, faute de pouvoir le transporter avec l’appareil de secours.»

La reine, tout en mastiquant bruyamment ne fit aucun commentaire. Aucune émotion ne brisait son masque glacial. Après avoir dégluti une dernière bouchée, elle ordonna « Qu’on lui coupe la tête ! ». Des clameurs parcoururent l’assistance. Décapiter une valeureuse pilote, mais pourquoi ?
Daisy recula, pétrifiée. Ce coup-ci elle ne l’avait vraiment pas vu venir. Elle regrettait presque de ne pas être restée dans le Désert Interdit. Elle y serait morte de soif ou de faim, mais au moins avec la tête sur les épaules. Un des conseiller de la reine, cachant avec difficulté sa stupeur, s’approcha pour demander confirmation. La reine marmonna quelques mots et le conseiller clama d’une voix forte pour couvrir les brouhahas.

« Sa Majesté décrète Adam traitre du royaume ! En tant que tel il devrait être décapité ! Son corps étant resté dans le Désert Interdit, sa Majesté, dans sa grande clairvoyance, estime que cela est une condamnation suffisante. Aucune escorte ne sera envoyée pour son corps qui restera là-bas. Jusqu’à ce que les charognes en fassent leur repas. »

La reine ne plaisantait pas avec l’échec. Elle murmura de nouveau à l’oreille de son conseiller qui ajouta.

« L’avion sera récupéré dès demain. La reine charge Daisy de ce travail. C’est elle qui l’a endommagé, c’est à elle de le remettre en état. En cas de refus ou d’échec, qu’on lui coupe la tête ! »

Daisy soupira de soulagement malgré tout. C’était une aubaine. Elle ne pourrait sans doute pas réparer l’appareil mais elle pourrait aisément récupérer les plans ! La reine reprit le cours de son repas sans autre formalité. Cela signifiait que Daisy était congédiée. Elle sortit lentement de la salle, puis une fois hors de vue, remonta les escaliers quatre à quatre, emprunta un raccourci menant aux réserves, courut encore pendant ce qui lui semblait être des kilomètres et pila devant une petite porte dérobée. Le sol y étant beaucoup plus humide, son dérapage fut moins contrôlé et elle se cogna contre le mur. Une deuxième bosse, sa journée commençait à se faire sentir. Heureusement, dans son malheur, personne ne l’avait vu. Elle se redressa, prit une profonde inspiration et frappa trois coups. Le code secret. La porte s’ouvrit et elle pénétra dans ce qui ressemblait à une minuscule taverne. Le quartier général de la Lutte. La salle, bouillonnante d’activités un instant plus tôt, se figea sur place dès son arrivée. Elle était fiévreusement attendue. S’adressant à leur leader, Daisy débita son compte-rendu officieux, d’une voix excitée et légèrement essoufflée.

« Nous sommes arrivés à l’avant-poste des Joutes. Nous nous sommes débarrassés de XY1 et XY2 comme prévu. Une mort douce. La Zone Rouge était facile d’accès, on est passé par la grand-porte qui était ouverte. L’objectif était exactement à sa place. Adam et moi nous en sommes saisis, puis on est ressorti par le même chemin. Nous avons lutté vaillamment pour faire rentrer les plans dans l’appareil. Et au final nous avons pu décoller. C’est là qu’Adam a retourné sa veste ! Il a tenté de m’assommer. Sans doute un fidèle de la Reine. J’ai dû le neutraliser. Pas franchement en douceur. J’ai pu récupérer les commandes mais c’était trop tard. J’ai heurté la barrière céleste qui était activée, ait perdu un moteur et ait exécuté un formidable atterrissage d’urgence dans le Désert Interdit. De là j’ai envoyé un message d’alerte et ait pu être secourue. J’ai tout juste eu le temps de cacher les plans ! Bien à l’abri dans une épave de la Grande Guerre. On pourra les retrouver facilement. Et… »

Elle fut interrompue par les clameurs et grondements des membres réunis dans la petite pièce. Le leader leva la main pour faire taire l’assistance et Daisy fut priée de poursuivre.

« … je dois y retourner dès demain pour récupérer l’avion ! La Reine elle-même me l’a demandé ! Les plans sont à nous ! »

A ces mots toute l’assemblée exulta de joie. On sortit les verres à bière, les cotillons et la bonne chair. Mais le leader se leva et de sa voix profonde obtint rapidement le silence. Les verres à bière et autres accessoires de fête disparurent sous les tables, dans un soupir général de déception. La fête devrait attendre semblait-il. Le calme revenu, la réunion pour mettre sur pied la mission de récupération des plans, édition 2, commença. Elle se termina fort tard.

***

A bord d’un BB9 flambant neuf, Daisy, fière de commander un si bel engin, survolait le Désert Interdit pour la deuxième fois en moins de 24 heures. Avec les deux moteurs en marche cette fois. Et pas de cadavre. Ce qui était tout de même plus facile. Et plus confortable. Elle retrouva sans difficulté l’épave de guerre et vint se poser à proximité. Tout en sortant de l’appareil, Daisy se remémora la réunion de la veille. La Lutte avait décidé de ramener cette épave en plus de celle du C3P20. Un plan en trois étapes. D’abord attacher solidement l’engin de la Grande Guerre au BB9. Puis passer chercher le C3P20 et l’attacher à l’épave. Enfin, repartir. Simple, non ?

Daisy se mit à la tâche. Elle déroula un câble entre son avion et l’épave et l’attacha fermement aux extrémités. Elle s’assura que les plans étaient bien arrimés. Puis elle décolla sans plus attendre pour se poser sur la piste de pacotille. Avec les deux moteurs en marche, cela s’était nettement mieux passé que la fois précédente. Elle fixa les ruines de son C3P20 à l’épave par un second câble. Vraiment, elle ne voyait pas comment on pourrait le réparer mais les mécaniciens, membres de la Lutte, avaient paru confiants quand elle leur avait décrit les dégâts. En même temps ils n’avaient pas encore vu ce qu’il restait de l’aéronef. Et il était possible qu’elle eut minimisé les dégâts. Malgré le fait que sa tête en dépendait, littéralement, c’était un sujet à traiter ultérieurement. Elle avait plus urgent à faire pour le moment. Elle devait repartir pour retrouver les membres de la Lutte dans une Forêt située non loin du palais où il était convenu de dissimuler l’épave de la Grande Guerre contenant les plans. Aussi, elle s’envola prestement du Désert Interdit avec tout son chargement et poussa un soupir de soulagement quand elle fut à bonne distance de ce lieu de mauvais souvenirs. Un instant plus tard, elle survolait la Forêt à la recherche d’une petite clairière pour se poser quand, tout à coup… un trou d’air ?! Sans prévenir, son avion piqua vers le sol à une vitesse vertigineuse. Les aiguilles du tableau de bord s’affolaient à toute allure sur les cadrans. La cabine tremblait de toute part et Daisy avait l’impression que l’engin allait se disloquer. Le BB9 de Daisy accéléra de plus en plus vite à mesure qu’il se rapprochait du sol. Daisy se mit à hurler puis… le choc ! Il fut si violent qu’il l’éjecta. Avant de sombrer dans le coma, elle n’eut que le temps de penser « un BB9 réduit en miettes ! Et on va encore dire que c’est de ma faute ! »

***

« Timothée! A table ! », appela une voix depuis l’intérieur de la maison.
« Mais Maman ! La Lutte a besoin de moi !»

Une tête apparut par la fenêtre. « Que fais-tu encore près de cette fourmilière ? Je t’ai déjà dit de ne pas t’en approcher ! Et va te changer avant le diner. Tu es dans un état !». Puis autant pour elle-même que pour l’enfant, elle continua tout en ouvrant plus grand la porte de la baie vitrée « Il faut vraiment que je demande à ton père de faire quelque chose. Ces fourmis rouges deviennent un véritable fléau. L’an dernier déjà elles avaient envahi ta chambre et nous avions du la décontaminer. Je pensais qu’on s’en était débarrassé pour de bon. »

A contrecœur, l’enfant laissa retomber au sol ce qu’il tenait dans les mains. Baissant les yeux, il souffla à voix basse « Lutte ! ». Puis, il revint vers la maison en trainant les pieds. Il perdit une chaussure et manqua de s’affaler dans les herbes hautes que son père n’avait pas encore tondues. La chaussure n’avait plus de lacets et ne tenait pas bien à son pied. Il se rechaussa et, en arrivant au bord de la terrasse, repoussa de sa main sale un des draps suspendus sur le fil à linge qui barrait toute la largeur du jardin. Il déposa une emprunte de terre sur le drap qui portait une autre marque, juste au niveau du fil, comme une petite griffure.

« Timothée ! Je t’ai déjà dit de faire attention au linge ! Ecouteras-tu un jour ? Bon, dépêches-toi d’aller te débarbouiller, je vais récupérer tes jouets. »

Elle traversa la terrasse, replia le drap sale en soupirant. Il lui faudrait le relaver. Un scintillement attira son regard vers le bac à sable situé au bord du carrelage. C’était sa vieille médaille dorée, qu’elle avait donné à son fils. Mais surement pas pour qu’il joue avec. En grommelant contre son enfant négligeant, elle continua à grands pas vers le fond du jardin. Elle se pencha pour ramasser deux petits avions en plastique et un robot R2D2. Curieusement, le robot était attaché au plus gros des deux avions par un lacet de chaussures. Celle de Timothée sans doute ! Cela expliquait pourquoi il avait failli chuter tout à l’heure. Cet enfant avait vraiment trop d’imagination ! En se redressant, elle vit une feuille de papier glissée dans le robot. Elle la prit et la déplia.

C’était un dessin de Timothée réalisé au stylo bille, celui qu’il avait fait au retour de sa visite à la cité de l’Espace. Avec les nouveaux stylos achetés pour l’école. Les Pilot étaient de bons stylos pensa-t-elle en observant le dessin. On pouvait y voir une fusée semblable à celle en exposition. Dedans, on distinguait de petits traits noirs. Des fourmis devina-t-elle. La fusée semblait décoller. Elle projetait des flammes sur un tas marron en-dessous. La fourmilière peut-être. Il avait écrit tout en haut « QUAN JE SERAI GRAND, JE CONSTRUIRAI DES FUSSAI POUR SOVER LES FORMIS ». Des dictées de vacances ne seraient peut-être pas du luxe se dit-elle tout en repliant le papier pour le mettre dans sa poche. En revenant vers la maison, son regard se posa machinalement sur un panneau accroché au-dessus de la porte de l’arrière cuisine. Elle avait demandé maintes fois à son mari de le décrocher. Durant la première année en tout cas. Puis elle avait fini par abandonner cette lutte vaine. Cela faisait quatre ans désormais. Elle avait fini par s’y faire. Avoir un panneau « Joyeuses Fêtes » sur la maison, en plein été, était toujours source de plaisanterie lors de leurs barbecues. Et, comme le disait son mari, après tout il y avait des fêtes toute l’année. Mais le temps passé au-dehors avait marqué le panneau qui ne durerait probablement plus très longtemps. Il clignotait un peu bizarrement et comme de nombreuses lettres avaient rendu l’âme, le soir, on ne lisait plus que « JO..U…..TES ».

Fin

 

Le Prix 2016 Mode d’Emploi

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Le thème :
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Palmarès :
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