Nadar, premier photographe aérien

Un personnage ô combien rocambolesque, Gaspard-Félix Tournachon dit Nadar est l’auteur de la photo aérienne originelle de l’histoire de l’humanité. Une photo historique introuvable aujourd’hui.

Une plaque l’affirme, au Petit-Clamart, en proche région parisienne. Pourtant elle est fausse, la date qu’elle mentionne n’est pas celle de la prise de la photo. Et même celle-ci semble introuvable aujourd’hui…

Pourtant, cette vue aérienne iconique, d’un carrefour anonyme du lieu dénommé le Petit-Bicêtre Alors sur la commune de Bièvres , date bel et bien de 1858. Des clichés ultérieurs du même auteur, d’ailleurs a priori mieux réussis, en attestent ! Toutefois, la date retenue par la municipalité des Hauts-de-Seine n’est pas due au hasard. C’est celle du dépôt du brevet d’invention n° 38 509 intitulé « un nouveau système de photographie aérostatique ».

Prise de vue acrobatique

Nadar a des amis dans le monde de l’aérostation. En particulier la famille Godard, célèbre durant tout le XIX^e siècle et au début du XX^e, constructeurs de ballons et aéronautes. Il en est un acteur lui-même. Il n’est pas rare que Louis Godard embarque son imposante stature pour une ascension au départ de l’Hippodrome L’Hippodrome n’a à l’époque rien à voir avec un champ de courses hippiques, c’est un endroit où se donnent des spectacles en extérieur. Il y en eut plusieurs dans la capitale, à l’Étoile, à la Porte Dauphine, à l’Alma, au Champ de Mars, le dernier fermant en 1907….

En ballon captif, Nadar, photographe à plein temps depuis 1853, a déjà mené des essais infructueux. La plaque de verre n’a rien pu révéler.

En cette fin d’après-midi, Godard et Nadar décollent à bord d’un ballon à gaz Godard est un pionnier de l’emploi du gaz de ville au lieu de l’hydrogène. . Peu de vent, mais la nuit tombe, il faut songer à interrompre le vol. L’aérostat est arrimé à un arbre, la nacelle lestée et l’appendice fermé Cet orifice situé au pôle sud de l’enveloppe, est habituellement laissé ouvert, en communication avec l’extérieur, pour laisser éventuellement le gaz s’échapper en cas de dilatation. .

Le lendemain, le temps est propice pour reprendre l’expérience. Las ! Le ballon, avec la température plus fraîche et l’humidité de la nuit, a beaucoup perdu de son pouvoir de sustentation. Avec les deux hommes à bord, il ne parvient pas à s’enlever. Et même avec Nadar seul ! Il faut songer à le débarrasser de la nacelle. Et le quintal du colosse reste bien lourd !

Accroché au cercle de charge, le cercle où se réunit le filet qui solidarise l’enveloppe à la nacelle, presque nu pour gagner encore quelques kilos, Nadar atteint péniblement, en captif, 80 mètres et déclenche l’obturateur…

« Ce ne sera qu’un simple positif sur verre, très faible, tout taché, mais qu’importe ! Je sors triomphalement de mon laboratoire improvisé. » Cette fois-ci, ça a marché ! La cause du succès par rapport aux échecs précédents sera trouvée : l’appendice du « sphérique » était obturé, ce qui a empêché les émanations de gaz qui n’ont pu obscurcir la plaque de verre !

Gaspard-Félix Tournachon (1820–1910) est une force de la nature, un bonhomme au caractère trempé, charismatique, anticonformiste et protéiforme : journaliste et pamphlétaire, caricaturiste (il est est l’auteur du célèbre « Panthéon », une frise lithographique représentant quelque 250 écrivains et journalistes, en 1854), écrivain, peintre, photographe – et farouche opposant au Second Empire… Et son rôle dans la conquête de l’air n’est pas à négliger.

Gabriel de la Landelle (1812–1886) et le vicomte Gustave Ponton d’Amécourt (1825–1888) sont partisans du plus lourd que l’air : ils travaillent sur des modèles réduits d’hélicoptères. Ils convainquent Nadar et ensemble créent la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne aux moyens d’appareils plus lourds que l’air en 1863.

Nadar a l’idée iconoclaste de financer ces recherches par les recettes d’exploitation du plus gigantesque aérostat n’ayant jamais volé ! Le Géant, de 6.000 m³ effectuera une demi-douzaine d’ascensions.

Durant le Siège de Paris, de 1870-1871, Nadar crée un « compagnie d’aérostiers », dans l’esprit de 1794, fait des observations en ballon captif et en fabrique dans la salle de bal l’Élysée-Montmartre. Mais il se fâche et cesse toute participation au conflit en octobre 1870 !

Jean Molveau