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André TURCAT

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Aerobuzz

Son nom est évidemment associé pour toujours à l’épopée du Concorde. Sa plus grande fierté est d’avoir donné à la France son premier record du monde de vitesse, d’après-guerre. Il reconnaît avoir une grande admiration pour Richard de Crespigny, le commandant de bord du vol QF32.


Aerobuzz.fr – Vous souvenez-vous de votre baptême de l’air ?
André Turcat Quel pilote de ne souvient pas de son baptême de l’air et de son lâcher ? En ce qui me concerne c’était en 1945, à Châteauroux et mon premier vol fut manqué. Au moment de l’accélération, sur un petit monomoteur, le moteur s’est coupé en deux. Deux des quatre cylindres pendaient au bout des fils de bougies. J’ai finalement fait mon premier vol sur un MS-315, à Châteauroux. Je m’en souviens très particulièrement.

Quel est pour vous la plus belle machine volante ?
Il n’y a pas que Concorde… Dans la génération précédente des avions de transport, avant la réaction, il y a le Super Constellation. Il avait une ligne magnifique. Trois ans après sa mise en service, il a été balayé par la sortie du 707. C’était une très belle machine.

Si vous étiez un aéronef, lequel seriez-vous ?
Une libellule !

Quel est votre livre aéronautique de référence ?
En aéronautique, mon livre de référence est « Le dictionnaire des français du ciel » de Lucien Robineau, mon collègue de l’Académie de l’Air et de l’Espace. J’ai un autre livre de référence. Il s’agit de « Les voix de la foi » de François Huguenin qui retrace vingt siècles de catholicisme par les textes. J’en lis des morceaux chaque jour pour faire connaissance avec divers auteurs. Ce sont deux livres dans des domaines très différents.

Quelle est votre dernière lecture que vous recommanderiez ?
Encore un livre sur Saint-Exupéry. Un personnage qui pose toujours des mystères. Il s’agit d’ « Antoine de Saint Exupéry » par Thomas Fraisse. Moi-même je travaille à fond sur Citadelle de Saint Exupéry. C’est presque un livre de philosophie qu’il a écrit tout au long de sa vie. Il faut aller au fond pour trouver la personnalité de cet homme étrange.

Quel est votre film aéronautique préféré ?
Apollo 13

Quelle chanson ou quelle musique évoque le mieux l’aviation selon vous ?
« La mer » de Debussy. La légèreté et les mélodies évoquent pour moi un envol tout autant qu’une navigation…

Quels sont pour vous le plus grand aviateur et la plus grande aviatrice ?
Il y en a tellement… Je vais aller chercher dans les débuts de l’aviation. Santos-Dumont. Il a commencé par faire des dirigeables avant de faire, en 1906, ce qui ressemble le plus, à mon goût, à un avion. Il a imaginé de disposer les serpentins de refroidissement d’huile à plat sous la voilure sans créer de trainée. C’est génial.
J’admire beaucoup une vielle dame que j’ai eu l’occasion de rencontrer : Adrienne Bolland. Elle a réussi à traverser la Cordillère des Andes, sur un Caudron G3, un avion qui n’était pas capable de le faire. C’était comme un défi. Elle a eu l’idée. Malgré tous ceux qui lui ont dit que ce n’était pas possible, elle y est allée à l’aventure.

Quel exploit aéronautique auriez-vous aimé réaliser ?
Pour terminer en beauté les vols de Concorde, on avait imaginé avec Henri Perrier de réaliser un record du monde en circuit fermé de 5.000 km que seul Concorde aurait pu faire. En outre, on aurait pu embarquer des passagers qui auraient ainsi financé ce record. Mais cela n’a pas intéressé les patrons de cette époque. Ils n’avaient pas forcément une idée de la grandeur…

Ce ne sont plus les aviateurs que les foules accueillent à leur arrivée sur les aéroports, mais les footballeurs. Qu’est ce que cela évoque pour vous ?
Avant d’être pilote d’essais, j’ai été pilote militaire de transport. Nous sommes des chauffeurs. Cela ne me scandalise pas que l’on puisse oublier les pilotes et que l’on donne plus d’importance aux passagers.

Qu’auriez-vous conseillé à Icare ?
De réfléchir avant d’agir et de prendre conseil auprès de son papa Dédale qui était beaucoup plus raisonnable.

Quel est le plus grand événement ou exploit aéronautique de ces dernières années ?
C’est dans le transport commercial. Le vol QF32 de Qantas avec l’explosion d’un moteur de l’A380 après le décollage de Singapour. Des morceaux du moteur ont été projetés partout et ont sectionné la plupart des circuits hydrauliques et électriques. Le commandant de bord australien, Richard de Crespigny, a maitrisé la situation grâce à son calme. Il a rassuré les passagers. Il a tourné un moment et avec son équipage, il a calculé la distance d’atterrissage nécessaire compte tenu des moyens qui lui restait. Ils avaient besoin de 3.900 m. La piste choisie faisait 4.000 m. Ils se sont arrêtés, 100 m avant la fin de piste. Comme une aile était percée, il y avait du carburant tout autour de l’avion. Il a pris la décision unique, à mon sens, de ne pas faire évacuer les passagers. Il a attendu que les pompiers sécurisent le site. Pour moi, ce vol est le plus bel exemple de maîtrise de l’avion.

Vous est-il arrivé de regretter d’avoir pris l’avion ?
J’aurais changé de métier…

Qu’évoque pour vous un aéroport ?
La fin d’une histoire terrible que j’ai vécue en vol. Je l’ai raconté dans mon livre « Pilote d’essais : Mémoires » (ndlr : éditions Le cherche-midi). Nous étions dans un prototype dérivé du Noratlas. Nous nous sommes perdus dans une région montagneuse à cause d’un radiophare russe. Il nous restait pratiquement plus de pétrole. On a décidé de faire un atterrissage de secours de nuit. C’est alors que derrière une montagne, nous avons aperçu l’aéroport de Téhéran. Le refuge. Nous nous sommes posés avec trois minutes d’autonomie.

Qui ou quoi vous a amené à l’aéronautique ?
Contrairement à beaucoup qui sont de vrais aviateurs à l’origine, je n’ai pas choisi. J’ai bien travaillé dans le secondaire. On m’a orienté vers l’école Polytechnique. Ca a marché, mais je n’étais pas du niveau à entrer dans les grands corps de l’Etat. Je n’avais plus qu’à aller dans l’armée. J’ai donc choisi l’armée de l’air sans jamais avoir vu d’avion. Quand je lui ai annoncé, ma grand-mère m’a demandé si ce n’était pas pour voler au moins. Je suis entré dans l’aéronautique par un concours de circonstances…

De quoi êtes vous le plus fier dans votre carrière ?
Je peux répondre facilement. Le record du monde de vitesse du Griffon, un avion de recherche avec une propulsion très nouvelle. C’est le premier record revenu à la France, après la guerre. C’était en 1959.

Quelle autre activité auriez-vous pu faire, ou aimé faire ?
Architecte, je crois. J’avais envie de construire. Je m’étais fait l’idée d’entrer dans les Ponts et Chaussées. En deuxième métier, je suis devenu historien de l’art. J’aime l’architecture, je l’ai étudiée. J’ai fait un livre sur le sujet. Je n’ai rien à regretter.

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View Comments

  • André TURCAT
    je dirais même très belle interview.
    Je suis un grand admirateur d’André Turcat, homme pour lequel j'ai beaucoup d'estime.
    Sans ce brave Marseillais Concorde n'aurait pas le jour.

  • André TURCAT
    Ce texte est pour moi plus qu'un commentaire.
    Pour avoir côtoyé André, je profite de cet instant qui m'est donné pour le saluer, le remercier. Par son humilité sans égale, sa connaissance toujours intacte, c'est pour moi un homme plus que respectable, un authentique grand homme. En souvenir des moments passés ensemble, de nos rencontres communes comme celle que nous avions réalisé avec Auguste MUDRY, je vous garde toute mon amité André.
    A bientôt.
    Yves

  • André TURCAT
    Un grand MONSIEUR Andre
    Pilote symbole du seul "Mirage collectif" de tous les temps.. :) Cocorico

    Porco

  • André TURCAT
    Bonjour

    C'est toujours un réel plaisir de vous lire M. Turcat.
    Vous gardez la forme j'en suis ravi pour vous.

    Cet interview est très intéressant merci au MAE et à Xavier de l'avoir réalisée.

    Philippe

  • André TURCAT
    Mr TURCAT une personnalité irremplaçable dans l'aéronautique. L'aviation rend les êtres humains toujours jeunes, toujours avides de nouvelles techniques.
    Virgin devrait lui proposer d'être un des premiers passagers de sa prochaine navette spatiale

  • André TURCAT
    Petite précision aux niveaux des records avant celui du griffon, il y a eu les records 'helico' pour la france:

    - 1952 = record du monde de distance pour l'alouette 1 avec Jean BOULET aux commandes
    - 1953 = record de monde d'altitude pour le Djinn avec Jean DABOS aux commandes
    - 1955 = record du monde d'altitude pour l'alouette 2 avec Jean BOULET aux commandes

    Cela n'enleve rien à l'exploit de Mr TURCAT.

    • André TURCAT
      Merci Ludo,
      Suis bien d accord avec toi, meme si les medias n en parle pas forcemment,
      Jean Boulet reste pour moi un des plus grand pionniers de notre Aviation.
      Porco

  • André TURCAT
    Un grand Monsieur...
    Ces interventions sont toujours très intéressantes, cet homme est une encyclopédie pour l'aviation, les ailes françaises lui doivent beaucoup.

    Mes respects

  • André TURCAT
    Bonjour....C'est trés bien de ne pas avoir oublié. J'ai rencontré André TURCAT lors des 100 ans de l'aviation à Paris. Nous étions à côté de la FUSÉE de TINTIN ....A+++ Merci pour vos reportages et écris. JM / K .

  • André TURCAT
    Interview intéressante et c'est bien agréable de retrouver André Turcat toujours aussi passionné (et passionnant) !
    Merci :-)

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