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Défense

Atlantic Trident 23 (1/2) : La guerre des Trois a bien eu lieu

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Frédéric Lert

Tous les deux ans, l’exercice Atlantic Trident vient concrétiser la coopération stratégique entre l’Armée de l’air et de l’espace, la Royal Air Force et l’US Air Force. La dernière édition en date s’est tenue en Grande-Bretagne du 31 octobre au 10 novembre 2023. Trois détachements de quatre avions (F-35A, Typhoon et Rafale) étaient engagés face aux plastrons de Draken International et de l’USAF. Aerobuzz y était, à l’invitation de l’Armée de l’air et de l’espace.

Depuis 2015, Atlantic Trident se déroule alternativement sur le territoire des trois pays partenaires. En 2021, l’exercice prenait place à Mont-de-Marsan. Début novembre 2023, c’est la Royal Air Force qui était aux fourneaux chez elle, avec un objectif global inchangé : échanger à un haut niveau, partager l’information et entretenir la confiance opérationnelle mutuelle. En résumé, cultiver « l’interopérabilité » entre les trois forces aériennes qui comptent au sein de l’OTAN.

« L’objectif est d’être capable d’agir rapidement et facilement ensemble, dès le premier instant, en utilisant au mieux nos appareils les plus modernes » résume le général Laurent Rataud, commandant le CDAOA (Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes) et qui dirigeait la participation française. En toile de fond, le spectre de la guerre de haute intensité qui agite les états-majors de l’OTAN avec une acuité renouvelée depuis l’invasion de l’Ukraine.

Puissance invitante, la Grande -Bretagne a participé avec un détachement du 12 Squadron équipé de Typhoon, mais aussi, et c’était une innovation forte de l’exercice, du porte-aéronefs Queen Elizabeth et des F-35B Lightning II du 617 Squadron. L’US Air Force faisait jouer quant à elle ses unités basées en Europe, avec en particulier les F-35A et les F-15E du 48th Fighter Wing basé à Lakentheath.

L’AAE a engagé quant à elle environ 200 aviateurs, dont une dizaine de pilotes et quatre Rafale de l’escadron de chasse 3/30 Lorraine de Mont-de-Marsan. « Pourquoi le Lorraine ? Parce que nous sommes l’escadron référent dans les missions air-air et que l’exercice faisait la part belle à cette mission » explique le commandant Romain, l’un des dix pilotes de Rafale engagés dans l’exercice. A noter que parmi les quatre Rafale déployés figurait un rare biplace utilisé à Mont-de-Marsan pour entrainer les jeunes pilotes sur certaines missions.

Outre les Rafale, un E-3F Awacs du 36ème EDCA (escadron de détection et de contrôle aéroportés) avait également fait le déplacement depuis sa base d’Avord. Un Airbus MRTT ravitailleur opérait depuis sa base d’Istres et les marins étaient également engagés dans l’exercice avec la participation de Rafale Marine au départ de Landivisiau. Mais on verra un peu plus loin que les Rafale porteurs de la cocarde à hameçon posèrent également les roues sur le territoire britannique l’espace de quelques heures…

Bientôt 500 F-35 seront basés en Europe, dont les appareils du 48th Fighter Wing de l’US Air Force basés à Lakenheath, en Grande-Bretagne. © Frédéric Lert/Aerobuzz

C’est à présent un classique de ce type d’exercice, les missions étaient bâties et animées par une « white cell » avec à sa tête un « Air boss » chapeautant différents RTO (Range Training Officers), en otanien dans le texte. Objectif des uns et des autres, concevoir les scénarios des engagements et les faire jouer avec le plus grand réalisme possible de manière à offrir aux participants le meilleur retour d’expérience.

Face aux forces bleues représentées par les équipages des trois nations, une force rouge offrait une opposition crédible. La société Draken International était à la manoeuvre avec ses L-159 et Skyhawk, parfois appuyée par les F-15E de Lakenheath engagés comme intercepteurs.

Au final, ce furent des COMAO de douze contre douze qui s’affrontèrent dans le ciel, particulièrement en Mer du Nord où évoluait le porte-aéronefs Queen Elizabeth qu’il fallait tantôt essayer de protéger ou de détruire suivant les scénarios…

Pas de combat rapproché au menu, mais surtout et avant tout de la « large force integration », de l’apprentissage dans la conduite de mission complexe, du combat missile à longue portée et en ambiance de brouillage des communications, avec notamment la participation des Falcon 20 de guerre électronique de la société Draken.

« Dans ces conditions, l’enjeu des communications est primordial et l’exercice a été l’occasion de travailler sur notre capacité à échanger des informations d’un très haut niveau de classification » rappelle le général Rataud. « Les échanges au niveau national tout le monde sait faire, mais tout se complique fortement quand on passe à une dimension internationale. Pour ces échanges hautement sécurisés, nous utilisons le réseau BICES (Système de recueil et d’exploitation des informations du champ de bataille) développé par les Etats-Unis et mis à la disposition des nations partenaires dont la France ».

Le F-35 emporte autant de carburant en interne qu’un Rafale équipé de trois réservoirs externes. Revers de la médaille, l’avion présente un maitre-couple exceptionnel ! © Frédéric Lert/Aerobuzz

Quelques bases opérationnelles françaises, de l’AAE et de la Marine, sont en cours d’équipement BICES avec des installations fixes permettant d’accéder aux différents niveaux de service de ce réseau : de l’échange de mails ou de pièces jointes jusqu’à la tenue de visioconférences hautement sécurisées. Aux postes fixes s’ajoutent des kits déployables utilisés dans la conduite d’Atlantic Trident.

« Parce que cet exercice tri national nous place dans les conditions d’un engagement de haute intensité contre un adversaire puissant, nous sommes conduits aussi à réfléchir à d’autres aspects de la guerre aérienne » poursuit le général Rataud. « Et notamment le fait de ne pas pouvoir opérer depuis nos bases ariennes bien installés, avec nos mécaniciens, nos stocks, nos munitions, nos pièces de rechange, etc. Nous instillerons de façon croissante dans nos futurs exercices un volet « redéploiement », une dispersion de nos moyens pour ne pas fournir de trop belles cibles à nos adversaires. C’était un savoir-faire qui était dans nos gènes pendant la Guerre Froide et sur lequel nous retravaillons à présent. »

Français, Britanniques et Américains ont donc simulé l’évacuation de la base de déploiement principale (Waddington) et la dispersion de leurs avions sur des terrains annexes. Une situation peu confortable et complexe à gérer pour les armées occidentales équipées d’avions sophistiqués, très exigeants en logistique (carburant, munitions, lots de maintenance…), mais aussi tributaires de réseaux informatiques complexes.

Le dépannage et la mise en oeuvre des Rafale comme des F-35 ne se fait plus sans un accès à différents serveurs informatiques et la première préoccupation des aviateurs s’installant sur une nouvelle base est de reconstituer des réseaux offrant le niveau de confidentialité idoine. Cette mobilité que souhaitent retrouver les armées de l’air occidentales répond au concept ACE (Agile Combat Employment) de l’OTAN ou, pour sa déclinaison française, MORANE (Mise en Oeuvre Réactive de l’Arme Aérienne).

Cet entrainement à la dispersion opérationnelle dans un cadre interallié a donc été une des caractéristiques d’Atlantic Trident 23. Trois détachements de quatre avions (F-35A, Typhoon et Rafale) sont donc venus s’installer sur la base de Leeming, dans la région de Leeds, pour quelques jours. Chaque détachement avait pour objectif de voyager « léger », avec par exemple une trentaine de personnes et seulement deux camions logistique pour le camp français. Nous verrons dans la deuxième partie de ce reportage comment les équipages opérèrent depuis ce terrain de desserrement.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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