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Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737

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Frédéric Lert

Au récent salon du Bourget, au milieu de la cavalerie des gros-porteurs commerciaux, le patrouilleur de l’US Navy détonnait quelque peu. Un missile anti-navire Harpoon en pot de fleur devant l’avion rappellait sa vocation guerrière…

Il faudra s’y habituer : les avions conçus sur mesure pour leurs missions, c’est presque fini, en Occident du moins. L’heure est à la mutualisation des besoins, la réutilisation d’appareils disponibles sur étagère. L’Atl 2 (Atlantique) de patrouille maritime est le dernier de son espèce et la Marine française entend bien le faire durer le plus longtemps possible. Le Lockheed P-3 Orion, qui a fait les beaux jours de la patrouille maritime (patmar) à l’américaine est en train de quitter la scène après plus de quarante ans de bons et loyaux services. L’avion était un dérivé du Lockheed L-188 Electra civil, mais sa très longue carrière avait fini par faire oublier son héritage.

Pour tous, l’Orion était un pur avion de marins, solide et endurant, même s’il était moins fin et manœuvrant que l’Atlantique. Loin du bruit et des vibrations qui ont fait la réputation du P-3, la patmar américaine se fera désormais dans le confort du P-8 Poséidon. L’équipage tactique ne comprend que neuf personnes qui sont bien au large dans l’appareil. Les espaces de repos sont généreusement dimensionnés et permettent de faire face à des missions pouvant durer jusqu’à 23 heures avec ravitaillement en vol ! Une capacité qui n’était bien entendu pas à la portée des P-3…

Il n’en demeure pas moins qu’utiliser un avion de ligne modifié pour chasser le sous-marin peut sembler osé… « On ne transforme pas un Boeing 737 en P-8, on fabrique le P-8 sur la chaine du Boeing 737, c’est pas la même chose » se défend Boeing. Le Poséidon n’en possède pas moins un fuselage dérivé du B737-800 (une différence majeure tient à l’installation d’une soute à munitions) et une voilure de -900. Des renforts structuraux ont été intégrés dans l’appareil pour encaisser les profils de vol particuliers, avec des forts facteurs de charge.

Le Poséidon peut emporter en soute et sous sa voilure des missiles anti navires Harpoon, des torpilles, des bombes JDAM à guidage GPS, des mines et des chaines SAR de secours en mer. L’avion est aussi bien entendu équipé pour larguer des bouées acoustiques. Comme tout avion moderne, le Poséidon est également soumis à la dictature des étapes logicielles, synonymes d’ouverture progressive du domaine d’emploi opérationnel. La pleine capacité opérationnelle n’est pas attendue avant 2020. L’US Navy estime ses besoins à 117 avions et Boeing a réussi quelques jolis coups à l’export, avec la vente de six avions à l’Inde et celle très attendue de huit autres appareils à l’Australie.

En attendant, la Navy fait un peu la grimace, même si le discours convenu est de dire que tout va bien et que le P-8 représente un progrès extraordinaire sur le P-3… En janvier 2014, un rapport du Pentagone pointait du doigt les insuffisances de l’avion en matière de lutte anti sous-marine et de surveillance maritime, ses deux missions principales. En cause, les performances de son radar, de son équipement ESM et (mal du siècle…) la maturité insuffisante des logiciels faisant tourner la boutique. Les premiers Poséidon entrés en service ont été déployés au Japon pour faire face à la Chine et à sa flotte de sous-marins en constante augmentation. Les Etats-Unis jouent gros dans la région face à une Chine sans scrupule quand il s’agit d’imposer son contrôle sur les espaces maritimes.

Frédéric Lert

Le P-8 est assemblé sur la chaine du Boeing 737
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737
    Un autre très bon article de Frédéric Lert, un des meilleurs journalistes de l'aviation militaire au monde.

    • Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737
      Merci monsieur Cauchi, vous êtes trop aimable. Vous me direz combien je vous dois.
      cordialement.

  • Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737
    Interessant sur un plan aeronautique cet article nous ramene neanmoins a une triste realite humaine qui est celle de devoir surveiller et proteger constamment ses espaces aeriens , terrestres et maritimes d un ennemi potentiel et puissant. Les technologies evoluent mais pas l homme.

  • Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737
    Très intéressant ! Et au niveaux de la motorisation, ça change quoi ?

    • Ne pas confondre P-8 Poséidon et 737
      Il me semble que les moteurs du P-8 ont été raboté dessous car sinon ils touchaient le sol lors de l'amortissement à l’atterrissage.

      Si quelqu'un peut confirmer.

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