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Ce qu’il faut savoir sur le Neuron

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Gil Roy

Le 26 février dernier, le Neuron a réalisé son centième vol dans le ciel de Provence, clôturant ainsi la première phase de ses essais dynamiques. Dans un communiqué, la DGA et Dassault se sont bien évidemment félicités des résultats obtenus. Mais de quoi s’agit-il exactement ?


On se souvient que le Neuron a volé pour la première fois de puis la base aérienne d’Istres le 1er décembre 2012. L’appareil représente une réponse européenne à un défi américain, qui est de mettre en vol d’ici quelques années des avions de combat sans pilote (alias UCAV, pour Unmanned Combat Air Vehicle). Il n’est pas certain que ce soit une bonne idée, une fois de plus la technique précédant le besoin, mais dans le doute, les Européens ont décidé de ne pas s’abstenir et se sont mis à courir derrière le lièvre yankee. Pourquoi pas…

Un vol de 90 minutes a notamment placé le drone face à quatre avions simultanément. © Dassault Aviation

De manière classique, l’Europe est partie en ordre dispersé, les Britanniques de BAE avançant sur leur propre projet, le Taranis. Ce qui est moins classique, et qui va à rebours de l’expérience malheureuse du Rafale et de l’Eurofighter, c’est que Dassault, maître d’œuvre du Neuron, a réussi cette fois à fédérer autour de lui d’autres partenaires européens : Alenia pour l’Italie, Saab pour la Suède, Casa pour l’Espagne, Hellenic Aerospace Industry pour la Grèce et Ruag en Suisse.

Le Neuron est propulsé par un Adour 951, le même réacteur qui équipe le Hawk britannique. © Dassault Aviation

Le Neuron n’est pour l’instant qu’un démonstrateur, qui préfigure ce qui pourrait être un UCAV européen à l’horizon 2030-2040. L’appareil porte sur lui tous les signes extérieurs d’une très grande discrétion radar et infrarouge. Absence de dérive, profil d’aile volante, état de surface aux petits oignons, soute à bombes etc. L’appareil mesure 10m de long pour 12,5m d’envergure, ce qui le place grosso modo dans la catégorie du Mirage 2000 (14,6m de long et 9m d’envergure) dont il partage d’ailleurs le train d’atterrissage ainsi qu’une même attitude quand on le voit au sol.

Les 80 premiers vols effectués depuis Istres ont servi en premier lieu à ouvrir le domaine de vol du Neuron. © Dassault Aviation

Le Neuron est poussé par un réacteur Adour 951 (un réacteur qui équipe également le Hawk britannique) sans post-combustion offrant un peu plus de 2,8 tonnes de poussée. C’est largement suffisant pour propulser l’appareil à Mach 0,8, avec une autonomie maximale de trois heures. La vitesse maximale n’est pas une valeur essentielle pour l’appareil qui recherche avant tout la discrétion.

Le Neuron a une autonomie maximale de trois heures. © Dassault Aviation

Les 80 premiers vols effectués depuis Istres ont servi en premier lieu à ouvrir le domaine de vol de l’appareil, vérifier le bon fonctionnement des systèmes embarqués et en particulier des liaisons de données avec le sol. Une attention particulière a été accordée à la soute à bombe et à la fenêtre protégeant le capteur optique placé sous le fuselage de l’appareil. Pour préserver la furtivité de l’appareil, cette fenêtre doit être opaque aux rayonnements électromagnétique, tout en laissant passer les gammes d’onde nécessaire au capteur. La soute à bombe, et notamment les effets vibratoires de son ouverture à grande vitesse, a exigé également son lot de mesures spécifiques. Les vols suivants ont été consacrés aux mesures de signatures infrarouge et électromagnétique. Le Neuron étant justement conçu pour être peu rayonnant, on peut essayer d’imaginer la difficulté d’obtenir des mesures précises et fiables !

Le Neuron mesure 10m de long pour 12,5m d’envergure : un petit Mirage 2000. © Dassault Aviation

Le drone était déjà passé en 2013 dans les pattes de la chambre de mesure SOLANGE, utilisée par la DGA à Bruz (Bretagne). Mais il ne s’agissait alors que de mesures statiques. Avec les outils Exserdy (mesure de la surface équivalente radar) Hypercerbère et Cyclope (mesure de la signature infrarouge), la DGA s’est ensuite attaquée aux mesures dynamiques permettant de prendre en compte des phénomènes comme les vibrations aérodynamiques ou le battement des gouvernes. Les derniers vols ont ensuite été consacrés à la caractérisation de l’avion face à des systèmes de détection opérationnels.

Le Neuron partage avec le Mirage 2000 son train d’atterrissage. © Dassault Aviation

En d’autres termes, il s’agissait de faire évoluer le Neuron face aux différents capteurs en service dans l’armée de l’Air. Un vol de 90 minutes a notamment placé le drone face à quatre avions simultanément : un Mirage 2000-5 et un Mystère XX chacun équipé d’un radar RDY, un Rafale doté d’un radar RBE2 à antenne passive et enfin un Mirage 2000B de DGA essais en vol équipé d’un RBE2 à antenne active dans sa pointe avant. Au cours de ces essais, le Neuron fut également confronté à un E-3F (Awacs) de l’armée de l’Air et aussi à l’autodirecteur des missiles MICA à guidage infrarouge.

Le Neuron peut voler à Mach 0,8. © Dassault Aviation

Après cette première phase française, le Neuron est à présent parti en Italie pour y subir des essais similaires, mais avec cette fois les systèmes radar propres à la péninsule. Dans le courant de l’été, il prendra ensuite le chemin de la Suède où il clôturera en beauté son travail de démonstrateur avec le tir d’une bombe Mk82 (250 kg) sur le champ de tir de Vidse, à l’issue d’une mission tactique conduite en totale autonomie. La balle reviendra alors dans le camp des politiques, qui devront allumer le deuxième étage de la fusée : une coopération franco-britannique pour la réalisation d’un « Système de combat aérien futur » (SCAF), c’est à dire un UCAV opérationnel qui pourrait voir le jour à l’horizon 2030-2040.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    Tout ça pour tirer une bombe de 250 kg! Espérons que cela aboutira à un gros bombardier autonome qui pourra en larguer des dizaines...

  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    Bonjour,

    Je souhaite juste apporter un correctif concernant la photo du Neuron en patrouille avec un Mystère 20 / un M2000 / 1 Rafale.
    Le Mirage 2000 évoqué par le commentaire de la photo n'est pas un 2000-5 : cet avion est le Mirage 2000 B n'501, un avion banc d'essai très particulier appartenant à la DGA, et qui est équipé d'un RBE2 et d'un OSF en pointe avant. D'abord basé à Brétigny jusqu'en 1998-1999, il est basé à Cazaux à présent.
    A noter également qu'il ne possède pas de perche de ravitaillement, elle lui a été retiré depuis qu'il a été affecté au CEV suite a son emploi dans les forces.

    En vous remerciant,
    Cordialement

    Eric.

  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    Aaaaah ! L'Angleterre ou la terre en Angle. La Manche est un océan tellement les particularités sont nombreuses tant en l'air qu'à terre entre Astérix (en oubliant les Franks) et les Normanns (Viking). Il doit bien y avoir une explication à la fragmentation européenne, une arme affreuse à ne pas déployer sur un CAVE euro ou Neuro (entendre bien Zheureux). (h.h.h.)

    L'Ing-Land, la Suède, la Belgique, l'Espagne, les Pays-bas, Monte-Carlo, etc., sont encore des monarchies, le modèle d'organisation humaine le plus archaïque qui soit alors, les perspectives du continent européen seront certainement mieux perçues de la haute atmosphère à l'aide d'un CAVE, un outil militaire de destruction et de barbarie, certainement un compagnon fidèle et aussi archaïque que la très anti égalité des droits et libertés entre les humains, la dégueulasse monarchie. Djeumegarde ! Bon vol !!!

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      Trois heurs d'autonomie.....
      Ca suffit pour transverse la Manche, non?

  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    le braquage des gouvernes ,en ciseau permanent -probablement , vue l'absence de dérive - ne risque - t - il pas de faire détecter plus facilement l'engin ?
    j'avais proposé dans le temps à Dassault de regarder la technique u "vol originel " ,celui que l'on retrouve sur les lights deltas et paras ) , et qui utilise le déplacement de poids , donc un décentrage latéral ...Cela permet une économie de vol (par transfert d'énergie latéral ) ,et un braquage infime des gouvernes . J'ai un projet en avion d'affaires -entre autres - mais il n'a provoqué aucun enthousiasme ,ni réaction (savoir Pourquoi non? ) Dommage ...

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      mon idée est ,depuis des années ! , la GV sur les ailes ,de type oiseau de mer ,et plus précisément albatros ,qui bloque son épaule en vol de croisière !
      Cela procure la possibilité d'adapter la configuration aux conditions de vol (économie ) ,et ,en plus par extension différentielle des ailes , de faire ce delta de poids latéral ... J'avais posé la question à un ingé de MD ,sur le mirageG ,et il m'avait confirmé que l'extension des ailes ne pouvait supporter un delta ,sans catastrophe ...mais c'est ce que font les oiseaux à chaque virage ! (si vous voulez un exemple , j'en ai ) Ils pratiquent la MVO ,mécanique de vol originelle , qui est -sans surprise - la plus économe en énergie . le poids ? oui ,mais il faut voir l'ensemble du système : GV réduite (ou partielle ,avec compensation des décentrages ) , efficacité des plans plus grande ,donc gain de poids ,etc ...et ... plus de dérive ; les oiseaux manoeuvrent avec les ailes , la queue vaut juste pour zéro à 15 % !

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      Sans être expert en la matière et au vu de ce que vous décrivez, un système de déplacement de poids est un système complexe à mettre en place là où la technique des gouvernes est matrisée. De plus, le système dont vous parlez risque d'être plus encombrant, instable et lourd qu'un système de gouverne qui, dans tous les cas (même avec un système de déplacement de poids), devra être utilisé.

  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    je rejoins l'analyse de lem quant aux britanniques, maintenant il est difficile d'éviter la concurrence en Europe avec une Union Européenne qui n'a rien à voir avec les Etats Unis et je pense que Dassault n'est pas prêt de collaborer avec les britanniques! à part les Concordes, Jaguars , hélicoptères Gazelles , Puma, Lynx et Airbus constructeurs différents de MD. Je me souviens de la menace de Mr Dassault lorsque la marine voulait acheter des F 18, de déménager ses bureaux d'études aux US! MD est très indépendant, ça fonctionne bien pour les corporates séries des FALCON

  • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
    "La balle reviendra alors dans le camp des politiques, qui devront allumer le deuxième étage de la fusée : une coopération franco-britannique pour ..."

    Collaborer avec les Anglais ? je crains que cette balle, nous ne nous la tirerions dans le pied.

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      bonjour à vous , effectivement le programme " jaguar " a été remarquable , d'autres encore peuvent citer...
      pour ce qui est de la Bataille d'ANGLETERRE..mon propos était de démontrer le non fondé de cette constante " gueguerre " franco britannique..en aucun cas d'oublier tous ceux qui ont composé les " few " ..que j'honore à chaque occasion à Capel le Ferne, ou à Londres

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      N'oublions pas le programme"Jaguar", qui, bien que sous motorisé, fut notre fer de lance en Afrique .......... jusqu'à la guerre du Golfe !!!!
      Quant à la "Bataille d'Angleterre", il serait juste de rendre hommage aux Pilotes Polonais, car sans eux, elle n'aurait pas été une victoire.

    • Ce qu'il faut savoir sur le Neuron
      De nombreuses collaborations aéronautiques ( concorde etc...) ont été menées avec les... Britanniques , " anglais" est un peu restrictif et dénote un manque de connaissance du monde anglo-saxon ...où alors cette réaction est à mettre sur le compte d'une bien triste mentalité qui subsiste malgré tout en France depuis la guerre de cent ans !
      Ces britanniques se sont battus dans les airs avec force et honneur pendant la Bataille d'Angleterre pour faire barrage à l'invasion allemande et par conséquence permettre un certain jour J...de nombreux français les ont rejoints et l'un d'entre eux s'est même vu confier par l'état major de la RAF le commandement d'une escadrille composée en grande partie de locaux ! Mouchotte pour le citer ! La réciproque se serait-elle faite ?
      Ce pays , cette nation voisine l'a dignement honoré encore il y a deux ans lors d'une cérémonie et par un film reportage magnifique réalisé par la BBC ....
      Alors de grâce sachons bien entendu reconnaitre nos différences de mode de vie, de culture , etc.. , mais n'en faisons pas sans cesse un sujet de discorde désuet !

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