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Défense

Cormoran 21 : l’ALAT double la mise

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Frédéric Lert

Dans le cadre de l’exercice Cormoran 21 qui se poursuit jusqu’au 15 octobre, l’aviation légère de l’armée de terre embarque simultanément sur deux portes-hélicoptères amphibies (PHA) avec 24 hélicoptères de sa 4ème brigade d’aérocombat. Une mobilisation exceptionnelle à laquelle Aerobuzz a pu assister depuis le PHA Tonnerre.

Il y a dix ans, l’ALAT défrayait la chronique pendant l’opération Harmattan en lançant des raids nocturnes audacieux depuis la mer contre les forces libyennes. Le retour d’expérience d’Harmattan irrigue toujours l’ALAT et on pourrait voir dans le déroulement de Cormoran 21 une façon de rejouer la guerre en Libye. Mais c’est en fait très différent : « nous sommes avec cet exercice à un niveau supérieur » expliquent les officiers de l’ALAT.

Les pays capables de conduire des opérations avec deux groupes aéromobiles répartis sur autant de navires amphibies ne sont pas légion dans le monde, et encore moins nombreux en Europe… © Alexandra Alias/Marine Nationale

D’abord parce qu’en dix ans les Puma ont été largement remplacés par les NH90 Caïman et les Tigre ont gagné en capacités offensives avec la version HAD. Ensuite parce que Cormoran 21 engage simultanément deux PHA et mobilise 24 appareils. Pendant Harmattan, un seul navire était mobilisé à un instant T, même si l’utilisation majoritaire à l’époque de Puma et de Gazelle, moins encombrants que les Caïman et Tigre, avait permis d’embarquer 16 hélicoptères simultanément.

Une difficulté de Cormoran 21 tient à la coordination des moyens entre les deux PAH.

Chaque navire embarque un GAM (Groupe Aéromobile), la combinaison des deux formant un Groupe Naval Aéromobile (GNAM). Le 1er Régiment d’Hélicoptères de Combat a investi le Tonnerre avec quatre Tigre HAD, quatre NH90 Caïman et autant de Gazelle. Les hélicoptères légers font de la résistance dans deux types de missions : l’emploi de tireurs d’élites et le combat de nuit avec le viseur Viviane.

Les appareils de nouvelle génération, Tigre et Caïman, sont plus encombrants que les Gazelle et Puma qu’ils remplacent. Il en résulte sur les PHA un nombre d’appareils embarqués moindre que pendant l’opération Harmattan, en 2011. © Alexandra Alias/Marine Nationale

Le remplacement des dernières Gazelle ne se fera qu’à partir de 2025 avec les premiers H160M. « Les Gazelle sont discrètes et faciles à mettre en oeuvre » explique un pilote. Faire du survol maritime et du combat dans un monomoteur n’est toutefois pas une solution d’avenir… Les 3ème et 5ème RHC se partagent quant à eux le Mistral avec un peu moins de Tigre et de Caïman et plus de Gazelle et de Puma.

Le discours officiel insiste aujourd’hui en France sur la préparation au combat de « haute intensité » comprendre contre un adversaire techniquement aussi avancé que nos armées.

Pour « jouer » cet affrontement, l’exercice Cormoran s’appuie donc sur un scénario complexe et la marine a mobilisé une frégate de défense aérienne (Forbin) une frégate mutli-missions (Provence) pour protéger les deux porte-hélicoptères contre les menaces aériennes et sous-marines. Un sous-marin nucléaire d’attaque et un aviso (Commandant Bouan) jouent alternativement dans le camp des gentils et dans celui des méchants.

Les opérations en mer se traduisent par un surcroit de travail de maintenance : il faut « amariner » les aéronefs, rincer quotidiennement les moteurs et les cellules, tout faire pour les préserver de l’environnement marin extrêmement abrasif. © Frédéric Lert/Aerobuzz

L’exercice de trois semaines a commencé par un entrainement individuel des équipages sur les navires. Tous les pilotes étaient certes qualifiés à l’appontage de jour et les commandants de bord (des pilotes justifiant d’une plus grande expérience), étaient en outre qualifiés pour les appontages de nuit. Mais il était nécessaire que tous retrouvent leurs marques à bord des PHA.

La deuxième phase consista à s’entrainer aux départs et au retours par pontées. Un travail qui exige une très grande coordination et le travail sans faille des équipes de pont sur les navires.

Rien n’a changé depuis la bataille de Midway : la gestion des départs et des retours sur le pont d’envol est essentielle à la réussite de la mission. Il s’agit de lancer les appareils dans un temps très court pour avoir un meilleur impact pendant le combat, tout en jouant avec un volume de pont limité.

Gazelle, Caïman, Tigre…. Les appareils évoluent ensemble dans des raids mixtes malgré des niveaux de performances assez dissemblables. La gestion de l’autonomie des appareils est une donnée essentielle dans l’organisation des raids. © Clarisse Dupont/Marine nationale

Un PHA dispose de six spots principaux sur son pont, auxquels s’ajoutent deux spots à l’avant et deux autres à l’arrière pour les hélicoptères légers. Le spot tout à l’avant peut en outre être utilisé pour les appareils les plus lourds, comme, par exemple les V-22 et Chinook américains. En opération, six spots peuvent être utilisés simultanément de jour, et seulement cinq de nuit. Or, c’est bien les nuits de niveau 5, les plus noires et sans Lune, qui étaient privilégiées pour les raids pendant Harmattan et de ce point de vue là rien n’a changé.

« La nuit, tout est plus compliqué et les manoeuvres sur le pont d’envol prennent deux fois plus de temps » explique l’Airboss du Tonnerre qui gère les mouvements des hélicoptères dans un rayon de 5 nautiques autour du bateau.

Pour engager dix hélicoptères depuis un PHA, il faut d’abord en mettre cinq en l’air, puis monter sur le pont et préparer les cinq autres le plus rapidement possible. Les choses sont aussi complexes au retour de mission quand il faut conjuguer le nombre limité de spots avec les autonomies en berne des appareils en fin de mission.

Un ascenseur logé sur le côté tribord relie le pont d’envol au hangar hélicoptère. Repliage des pales obligatoire ! © Frédéric Lert/Aerobuzz

Une fois ces opérations bien rodées, la troisième phase de Cormoran qui se joue actuellement se traduit par des raids de plus en plus puissants : d’abord avec cinq appareils de chaque PHA, puis huit et enfin dix au cours d’un troisième raid qui regroupera donc vingt appareils avec des scénarios tactiques du côté de la Corse.

Coordonner les savoir-faire des marins, des équipes de pont et de l’ALAT, combiner dans le cadre du scénario de l’exercice le combat maritime des uns avec les exigences du combat aéroterrestre des autres est une affaire complexe.

Tout est question de synchronisation du renseignement, des manœuvres aériennes et de la lutte contre les menaces maritimes. Symbole de cette recherche de synchronisation et de cohésion, le Tonnerre accueille un état-major intégré mêlant marins et personnel de l’ALAT.

A l’issue de Cormoran, après trois semaines de manœuvres en mer, les hélicoptères seront débarqués et poursuivront le combat dans le cadre cette fois de l’exercice Baccarat, dans la région de Millau. Cet enchainement rapide des opérations, sans temps mort, participe de l’aguerrissement recherché. On parle dans les armées de « durcissement » des opérations comme préalable aux opérations de haute intensité.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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