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Défense

Futur avion de combat suisse : les quatre propositions décortiquées

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Frédéric Lert

Avec une très courte majorité, le programme AIR 2030 se poursuit donc en Suisse et met aux prises quatre prétendants au remplacement des Hornet et autres Tiger. Voici les atouts et les faiblesses des quatre propositions : Rafale (Dassault), Super Hornet (Boeing), F-35 (Lockheed-Martin) et Eurofighter (Airbus).

Pour remplacer ses 30 FA-18 Hornet et 26 F-5 Tiger, la Suisse veut acquérir entre 36 à 40 avions neufs pour un budget de 6 milliards de francs suisses. Le choix du vainqueur est attendu au deuxième semestre 2021, avec des livraisons qui devront prendre place entre 2025 et 2030.

Les quatre avions en lice sont le Super Hornet de Boeing, l’Eurofighter d’Airbus, le Rafale de Dassault et enfin le F-35 de Lockheed Martin.

Deux choses sautent aux yeux : la première est l’absence du Saab Gripen. C’est étonnant d’abord parce que l’avion avait été le vainqueur de la compétition précédente, en 2014. L’idée d’acquérir une flotte de 22 Gripen pour 3 milliards de Francs suisses avait toutefois été rejetée par référendum, avec une majorité de 53%, et la Suisse est depuis revenue à la case départ.

 

Le Gripen, habitué des compétitions internationales, est un avion de taille modeste, monoréacteur, sans doute le moins coûteux à mettre en oeuvre. Un avion que l’on devine intuitivement bien taillé pour les besoins suisses. Oui mais voilà : le Gripen qui avait été offert en 2014 n’est plus fabriqué et la nouvelle génération de l’avion n’est pas encore opérationnelle. La Suisse a été claire : elle veut un avion pleinement opérationnel, comme le sont les quatre compétiteurs actuels.

Trois biréacteurs face à un monoréacteur

La deuxième chose qui apparait dans la compétition est l’opposition entre trois bimoteurs classiques (Rafale, Eurofighter et Super Hornet) et un monoréacteur qui se place à part par sa furtivité (F-35). Un avion conçu avant tout pour la mission air-sol et qui parait donc un brin déplacé dans une compétition qui met en avant comme mission principale la police du ciel.

Des critères de choix technique, économique et politique

Alors quels sont les atouts de chacune des proposition ? Voici ci-dessous quelques pistes de réflexion, sachant que la compétition est technique, industrielle (le gagnant devra fournir 20% de la valeur du contrat en compensations industrielles directement liées à l’avion et 40% avec des contras d’autre nature) et sans doute aussi politique. Deux avions européens et deux américains sont à la lutte.

La Suisse, comme tous les grands pays industrialisés, entretient des liens commerciaux avec l’Union Européenne et les Etats-Unis et les négociations sont permanentes entre tous. Jusqu’à quel point choix du nouvel avion sera-t-il pollué par ces considérations ?

Un nouveau système de défense anti-aérienne en prime

Un dernier mot enfin pour rappeler que le programme AIR 2030 comporte également un volet sol-air, avec le choix d’un nouveau système de défense anti-aérienne avec un budget de 2 milliards de Francs suisses. La compétition se fait là aussi entre Etats-Unis et Europe, le consortium franco-italien Eurosam opposant son SAMP/T au Patriot de l’américain Raytheon. Avec cette inconnue supplémentaire, l’équation AIR 2030 gagne donc un peu plus encore en complexité.

Les forces en présence

 

Le F-35A de Lockheed Martin

Une occasion pour le F-35A de confirmer son hégémonie en Europe © US Air Force

En service depuis 2015. Seul prétendant autoproclamé « de 5ème génération », le seul revendiquant également une furtivité radar poussée. L’avion a déjà été commandé à plus de 3.300 exemplaires dans ses versions A, B et C par 14 pays, dont 7 en Europe, un record parmi les quatre concurrents !

ATOUTS

  • La furtivité radar. Mais est ce vraiment un atout pour un pays comme la Suisse ?
  • Une capacité en matière électronique supposée exceptionnelle
  • Le plus récent des prétendants
  • La très large communauté d’utilisateurs
  • Une large base industrielle facilitant les compensations industrielles

HANDICAPS

  • Un système de gestion de la maintenance complexe et le manque d’autonomie supposé vis à vis des Etats-Unis et de Lockheed Martin qui en découlerait.
  • Une efficacité restant à démontrer dans les missions de police du ciel
  • Des faiblesses troublantes dans une mise en oeuvre par ailleurs très complexe.
  • Absence de version biplace

 

L’Eurofighter d’Airbus

L’Eurofighter cherche un second souffle © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

En service depuis 2004, commandés à plus de 600 exemplaires par 9 pays, dont cinq en Europe. L’avion continue d’évoluer vers plus de polyvalence, mais il est aujourd’hui à la peine dans les compétitions internationales.

ATOUTS

  • Avion optimisé pour la défense aérienne.
  • Une motorisation puissante et un viseur de casque performant qui lui permettent d’exceller en combat rapproché.
  • Une feuille de route bien identifiée pour des évolutions futures
  • Une importante communauté d’utilisateurs chez les voisins immédiats de la Suisse
  • La puissance du groupe Airbus en matière commerciale et pour ce qui touche aux compensations industrielles, même si le COVID fait vaciller quelques certitudes

HANDICAPS

  • Une expérience du combat plus limitée et plus récente que certains de ses concurrents.
  • Une polyvalence moins étendue dans l’air sol : l’Allemagne ne remplace pas le Tornado par l’Eurofighter mais par le Super Hornet ce qui peut faire réfléchir les autorités suisses…

 

Le Rafale de Dassault Aviation

Le Rafale à la recherche d’un succès supplémentaire à l’export. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Entré en service en 2001 avec la marine française, l’appareil français a été commandé à présent à 276 exemplaires par quatre pays, auxquels s’est ajoutée récemment la Grèce. Bien qu’il n’ait pas été choisi lors de la première compétition suisse, il aurait pourtant reçu la meilleure note lors de l’évaluation technique.

ATOUTS

  • Commandes de vol exceptionnelles lui offrant une manoeuvrabilité hors pair pour évoluer dans les vallées encaissées et se poser très court.
  • Polyvalence avérée
  • Possibilité d’une coopération poussée avec l’armée de l’air française
  • Feuille de route pour continuer son développement dans les années à venir
  • Compacité cadrant bien avec les infrastructures existantes.
  • Autoprotection taillée sur mesure pour les pays clients

HANDICAPS

  • Même si Dassault Aviation peut mettre en avant sa coopération avec Ruag, notamment dans le cadre du programme Neuron, sa surface économique est la plus réduite de tous les prétendants en matière de compensation industrielle
  • Le Rafale est réputé coûteux à l’achat…

 

Le Super Hornet de Boeing

Le F/A-18 voudrait bien faire son trou à l’exportation. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

En service depuis 1999, déjà fabriqué à plus de 600 exemplaires majoritairement pour les besoins américains, exporté en Australie et au Koweit. L’Allemagne a signifié son intention d’acquérir jusqu’à 45 avions en juillet 2020 .

ATOUTS

  • Héritier direct du Hornet déjà en service en Suisse.
  • Accès direct à une très large gamme d’armements
  • Avion bien connu avec de nombreuses engagements opérationnels à son actif
  • Force de frappe de la branche militaire de Boeing pour offrir des compensations industrielles.
  • Choisi par le voisin allemand

HANDICAPS

  • Absence de missile air-air à longue portée
  • Avion lourd peut-être surdimensionné pour la Suisse
  • Dépendance vis à vis de la politique américaine de gestion des pièces détachées et des systèmes d’auto protection.

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • A mon humble avis le Super Hornet serait le meilleur choix, les pilotes et les mécanos ont l'expérience du Hornet depuis longtemps et ça fera probablement des économies d'outillage sans compter qu'avec les Hornets à bout de potentiel certaine pièces pourront être réutilisée !
    Economies aussi dans le réaménagement des fameuses "cavernes"

    • je cite: 'Economies aussi dans le réaménagement des fameuses « cavernes »'

      C'est faux. Les F/A 18 ne sont pas dans les cavernes. On a dû construire pour les Hornets des voutes de taille NATO , à cause de ca taille.

      Déjà pour les Mirages III dans les années 70, on les avait modifiées pour tourner la machine une fois rentrée au coeur de la caverne à l'aide d'une grue électrique. Pour les rendre plus court, toutes radoms des Mirages ont été pliés avec leur ‘lance-pitot’ à l'envers en quelques minutes à l'arriver. C'était une invention des FW Emmen (plus tard RUAG) ou les Hornets ont été assemblées.
      Cordialement
      Cosy

    • Je partage presque cet avis sauf que le Super-Hornet est presque un nouvel avion par rapport au Hornet. Il prend quasiment 1m de plus en envergure et en longueur et l'électronique ainsi que la motorisation n'ont plus rien à voir. Donc la synergie des pièces et des outillages entre les deux générations est quasiment nulle. Quant à l'aspect culturel, il ne faut pas oublier que les F18 suisses ont été acheté du temps de McDonnell Douglas et que c'est, depuis 1997, avec Boeing qu'il faut traiter.
      Cela n'enlève rien à la qualité de l'avion est éprouvé, plus rustique et économique qu'un F35 totalement hors sujet (faible en défense aérienne, dépendance US en MRO pour un pays neutre, encore mal dégrossi, chère à mettre en oeuvre...). Et puis, pour Boeing, si les contrats suisses et finlandais de remplacement de F18 sont remportés par des concurrents, ça ne le fait pas en termes d'affichage...
      L'Eurofighter donne une visibilité un peu faible sur l'avenir du modèle. Mais il est tout à fait dans les specs pour la DA. Et puis il offre une belle porte d'entrée chez Airbus pour les contreparties économico-industrielles.
      Quant au Rafale, il coche un peu toutes les cases dans cette affaire : rusticité, efficacité en DA mais également dans d'autres missions (assaut sol, rens... et redoutable avec l'Exocet pour défendre l'espace maritime suisse du lac de Genève!)... cela a déjà été validé dans la précédente consultation. Je dirai par contre qu'un des gros défauts du Rafale est le fait qu'il faille renouveler beaucoup d'armements (changer les Sidewinders pour des Mica notamment).
      Sur les aspects retours économico-industriels, les passerelles sont déjà existantes et à densifier. Rappelons que Dassault a acheté en 2019 la branche MRO aviation d'affaires de RUAG, donc des possibilités de collaborations à développer. Et puis Dassault est associé à Pilatus et Babcock dans la fourniture des PC21. Là aussi une synergie à poursuivre y compris en territoire helvétique. Parfois je me dis même qu'un rapprochement Dassault/Pilatus aurait du sens tant les gammes sont complémentaires et reconnues. Le PC24 n'est il pas le digne successeur du Falcon 10 ? Dassault continuerait d'explorer les gros modules de Bizzjets tandis que Pilatus poursuivrait les petits modules passe-partout. Le tout avec un PC21 qui deviendrait l'antichambre logique du Rafale puis du SCAF.
      Affaire(s) à suivre ;)

      • Je cite: "Rappelons que Dassault a acheté en 2019 la branche MRO aviation d’affaires de RUAG, donc des possibilités de collaborations à développer. Et puis Dassault est associé à Pilatus et Babcock dans la fourniture des PC21..."
        Petit condensé de RUAG Aerospace:
        - Créée 1.1.1999 depuis l’industrie étatique existant dans ce secteur
        - Elle achète 2003 les résidus de Dornier en Allemagne et s’installe à Oberpfaffenhofen, droit sur Do 228NG
        - Elle achète les activités ‘Saab Space’ de Saab et les réunies avec les mêmes branches en Suisse (Oerlikon), nommée RUAG Space
        - Elle vends2019 les activités MRO dans les aéroports LSGS (Genève) et LSZA (Lugano) à Dassault Aviation. Ceci corresponds que les activités sur des machines civil.
        - Elle vends 2020 (sépt.) les unités MRO ainsi que la fabrication et la partie MRO de l’unité Do228NG à GA (General Atomics, siège à .San Diego, USA) La branche ‘structures aéronautiques’ de cette unité est restée chez RUAG Aero.
        Je ne voix pas Dassault dedans.
        En ce qui concerne le PC-21, Babcock est le teneur du contrat pour le système de formation et d’entrainement des pilotes de chasse pour la France et GB, basée sur du logiciel complexe, le PC-21 comme plate-forme et surtout l’intégration des systèmes de combat spécifique pour lesquels les futures pilotes de chasse sont à former. Donc un intermédiaire pour les deux clients finaux qui sont GB et F. Donc courant normale dans ce business.
        cosy

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