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Défense

La DGA et CILAS chassent le drone à Biscarrosse

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Frédéric Lert

La ministre des armées est venue assister à la destruction, en vol, d’un drone par un tir laser au centre d’essais de missiles de la Direction générale de l’armement (DGA), à Biscarrosse. La lutte anti-drone est une priorité de la politique d’innovation du ministère des armées, mais la route promet d’être longue…

La menace posée par les drones, et en particulier les drones « consommables » disponibles dans le commerce, n’est pas nouvelle, mais elle prend de l’ampleur. Récemment, les Américains ont abattu un appareil piégé qui survolait leur ambassade à Bagdad. Dans le Sahel, des engins ont déjà été remarqués à proximité des bases françaises. En Syrie et en Irak, des usages plus offensifs ont déjà été enregistrés, avec l’installation d’armements rudimentaires sur ces appareils. En bref, la prolifération des drones bon marché cause déjà quelques maux de têtes aux autorités militaires mais aussi civiles, chargées de la protection des grands événements.

Un premier niveau de réponse a été apporté par le brouillage. Plusieurs programmes sont en cours et la France utilise depuis 2017 des « fusils brouilleurs » dont plusieurs dizaines d’exemplaires sont encore en commande. Depuis les mois de mai et juin 2021, ces matériels sont présents dans le Sahel pour protéger respectivement les bases de Niamey et Gao. Le brouillage de zone fait également son apparition avec le système BASSALT, utilisé pendant le sommet du G7 organisé à Biarritz en 2019 et le système PARADE, qui sera déployé à partir de 2022, a pour ambition d’offrir des « bulles de protection » sur les grands événements.

Le brouillage, qui n’est qu’une partie de la réponse à la menace des drones, sera complété à terme par des systèmes de destruction active, le laser faisant ici une arme de choix.

Initialement développé sur fonds propre par la PME française CILAS, le programme HELMA-P est aujourd’hui le plus avancé en France. Il comprend sur une même tourelle un système de détection du drone, un système de pointage et un laser d’une puissance de 2 kW permettant la destruction.

Le résultat d’un tir laser sur un drone quadcopter Phantom de DJI © DGA Essais de missiles

A l’initiative de l’Agence de l’Innovation de Défense (AID) et de la DGA, une campagne d’éxpérimentation a donc été lancée à l’automne 2020 sur le site DGA essais missiles de Biscarrosse pour en évaluer l’intérêt opérationnel. Cette campagne s’est traduite par la destruction en vol de 38 drones, 32 quadcopters (principalement des Phantom et Mavic) et 6 appareils à voilures fixes. Le dernier tir a eu lieu à l’occasion de la venue de la ministre.

La neutralisation d’un drone peut se faire de deux manières : soit en l’éblouissant pour lui interdire de s’orienter (quand il ne navigue pas de manière autonome), soit en le brûlant à distance, ce qui se fait en maintenant un faisceau laser sur sa coque pendant plusieurs secondes.

« Sur la zone d’impact, le rayon laser présente un diamètre d’une pièce d’un euro à une distance d’environ un kilomètre » expliquent les ingénieurs de CILAS. « La destruction intervient dans un délai inférieur à 10 secondes ».

La tourelle du système Helma-P qui regroupe optique de poursuite, télémétrie et laser de destruction. Le radar permettant l’acquisition de la cible n’est pas monté sur la tourelle © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Lors du tir de démonstration en présence de la ministre le 7 juillet 2021, le drone cible avançait en ligne droite à 500 m de hauteur, environ 1000 m de la tourelle de tir et à une vitesse constante de 10 m/s (on indique à Biscarrosse avoir conduit des essais avec des vitesses allant jusqu’à 30 m/s avec les drones à voilure fixe). Les conditions météorologiques difficiles, avec une très forte humidité ambiante, étaient peu favorables à l’utilisation du laser et le temps de destruction dépassa semble-t-il les dix secondes.

L’ambition des armées françaises est de disposer d’un équipement opérationnel pour la coupe du monde de rugby en 2023 ou tout au moins pour les Jeux Olympiques de 2024.

L’objectif est à portée de main, même s’il faudra d’ici là gagner en compacité de l’installation, en puissance et en portée. L’objectif est aussi de donner de la mobilité à cette arme en l’installant dans un premier temps sur un camion léger, puis sur un navire. Des essais avec la marine sont attendus au premier semestre 2022.

La salle de contrôle du tir. On distingue sur l’écran de gauche la zone de pointage du laser. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Le tir en direct. Le suivi optique est automatique mais le tir est déclenché manuellement. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Contrainte de volume dans le premier cas, difficultés liées au pointage dans le second. L’adversaire ne restant pas inactif, il va falloir également trouver des solutions face aux essaims de plusieurs dizaines d’appareils qui vont se mettre à manoeuvrer et qui recevront sans doute des blindages thermiques.

Au-delà des seuls aspects techniques, toute la doctrine d’emploi est également à défricher, notamment pour protéger les lieux et populations alentours des effets du laser. A Biscarrosse, tous les expérimentateurs qui n’étaient pas enfermés dans des salles portaient des lunettes de protection pour se prémunir des réflexions possibles. Les responsables de l’essai expliquaient même avoir tenu compte de la trajectoire des vols commerciaux et… de celle de la station spatiale internationale. Un tir laser en salve au-dessus du défilé du 14 juillet ou du Stade de France n’est donc pas encore à l’ordre du jour.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Sur le territoire national, interdiction d'abattre un drone compte tenu du risque non maîtrisé de tomber sur un gosse.
    En zone de guerre, c'est les risques du métier, et un bon chasseur avec une volée de plomb est super efficace à 100m

  • Un drone est une chose, un essain de drones en voilure fixe lancés en automatique avec des vitesses de vols de l ordre de 300 km/h en est une Autre. Plus la technologie de défense avance plus la créativité des drones avancent aussi.....cercle sans fin. Et pendant ce temps, les importations de modèles dédiés continuent...et les restrictions de vols loisirs RC sont contreproductives. Nul doute que ce loisir va s éteindre dans qques années.

  • Autant de moyens pour tenter de détruire des modèles réduits qui volent en RC depuis les années 70. Même si on leur a ajouté depuis l'équivalent d'un smartphone et les lignes de code qui permettent de les rendre autonomes, les mesures et les contraintes associés à l'encontre les modélistes et pilotes de loisir sont une catastrophe pour nos enfants, petits-enfants et les générations futures.... Un grand-père modéliste, pilote planeur, avion, ULM et droniste à ses heures...

  • Je vais rigoler le jour où ils voudront abattre un drone qui survelora une centrale nucléaire comme celui de Golfesh, il y a quelques années. La riposte pourrait être surprenante et hautement destructrice. Retour à l'envoyeur ?

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