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Défense

Le mystère des ballons chinois percé par les Américains

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Frédéric Lert

Avec l’appui de plusieurs navires spécialisés porteurs de drones sous-marins, l’US Navy commence à repêcher les morceaux du ballon chinois abattu par un F-22 le 4 février dernier. Les Etats-Unis ont à ce propos indiqué ne pas avoir l’intention de rendre les débris à la Chine.

Selon les Américains, le champ de débris mesurerait environ 1.500m x 1.500m à une profondeur de seulement une quinzaine de mètres. Le ratissage de la zone ne devrait donc être qu’une simple formalité. Toujours selon les officiels américains, l’enveloppe du ballon mesurait une soixantaine de mètres de haut et la charge utile emportée, peu ou prou de la taille « d’un jet régional », aurait pesé plus d’une tonne. Ce qui laisse de la marge pour installer des capteurs, des systèmes de transmission pour envoyer en temps réel vers des satellites les informations recueillies et des panneaux solaires pour l’alimentation électrique !

Depuis les premiers survols de Sputnik en 1957, les Américains ont toujours détesté que leurs voisins viennent regarder en toute impunité ce qui se passe dans leur jardin… © US Navy

Plus intéressant encore, l’appareil était semble-t-il équipé d’hélices et d’un gouvernail permettant de le faire manoeuvrer à minima, tout en restant installé dans le jetstream pour son déplacement vers l’est. Cette capacité de manoeuvre aurait permis au ballon de rester plus longtemps au-dessus de ses zones d’intérêt.

C’est cette dernière capacité qui a sans doute décidé les Chinois à opter pour la technique du ballon en complément de ce que peuvent faire les satellites auxquels manque la permanence quand ils ne sont pas en orbite géostationnaire.

Le ballon a également pour lui son faible coût qui en fait un engin consommable, à condition de vouloir prendre le risque politique de survols non autorisés… Le lancement d’un ballon peut également se faire discrètement depuis une infinité d’endroits pour surprendre l’adversaire, au contraire des satellites dont les lancements et les mises à poste sont toujours suivis de près.

Revers de la médaille, un ballon peut s’intercepter et les Américains ont pris le temps de bien étudier la bête afin de comprendre son fonctionnement avant de la mettre à mort. L’US Air Force a expliqué officiellement avoir utilisé pour ce faire divers appareils d’écoute électronique, sans doute différents modèles de RC-135. Le site américain The war zone, a également été le premier à révéler qu’au moins un U-2 avait été été utilisé pour survoler (le mot est important) le ballon et intercepter ses communications en direction des satellites relais. Le U-2 reste officiellement à ce jour le seul avion piloté capable d’évoluer longuement à des altitudes supérieures à 70.000 pieds.

U-2 et RC-135… L’US AIr Force a déployé les grands moyens pour venir renifler le bidule flottant. © US Air Force

Ceci dit, on reste un peu perplexe devant l’attitude chinoise. S’il s’était véritablement agit d’un engin scientifique civil, pourquoi ses propriétaires n’auraient-ils pas averti les Américains de ses problèmes de navigation et de son arrivée dans leur espace aérien ? Le 6 février 2023, Pékin reconnaissait également qu’un deuxième appareil s’était égaré de la même manière au-dessus de l’Amérique latine. Le bilan des courses est le suivant : les Américains savent maintenant exactement ce qu’emportait le ballon. Les Chinois savent que les Américains savent et les Américains savent que les Chinois savent qu’ils savent.

Et l’affaire ne fait que commencer. Aux Etats-Unis, la question est posée de savoir pourquoi le ballon n’a pas été détecté avant son arrivée dans l’espace aérien US : « Nous n’avons pas détecté ces menaces », a admis au cours d’une conférence de presse le général Glen VanHerck, le commandant du NORAD, le commandement de la défense aérienne du territoire nord-américain. Il semblerait même que la détection initiale du bidule ait été le fait d’amateurs équipés de télescopes, qui auraient alors alerté les autorités. Pour le Pentagone, il y a clairement un trou dans la raquette et c’est une bonne chose de s’en apercevoir avant la prochaine édition de Tempête Rouge. L’occasion aussi pour le Pentagone de demander toujours plus d’argent pour s’acheter une nouvelle raquette.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Depuis que "le mystère de la femme découpée en morceaux reste entier", il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent, mais là , avec "Le mystère des ballons percé" on a enfin du nouveau !

  • Des U2, des KC135, des F22, des missiles, des bateaux ... contre un ballon et quelques équipements ...
    Financièrement à qui ce show coûte le plus ?...
    Techniquement qui en a appris le plus ?...
    Proverbe chinois : "Celui qui accomplit de grandes choses ne rechigne pas devant de menues dépenses."

  • Un ballon manoeuvrable dans un jetstream et capable de faire du surplace pour faire des photos... c'est une blague ?

    Que son système de propulsion lui ait permis de naviguer, un peu, pour aller vers le jetstream, peut-être, mais pour le reste c'est au mieux de rester dans le flux central assez étroit pour y rester, emporté par un flux de plusieurs dizaines de kilomètres/heure, voire centaines.

    Mais l'oncle Sam a bien raison de s'indigner, drapé dans la virginité d'un état qui n'est pas du genre à inventer des armes de destructions massives pour justifier de déclencher des conflits en cascades, qui n'est pas du genre à mettre sur écoute ses plus fidèles vassaux ...

    Cette affaire de ballons ça devient rigolo.

    • D'accord avec toi anémométrix . Ca devient tellement rigolo qu'on commence à en voir partout et que les journaleux et autres "mirlitaires" les prennent même pour des OVNI.

      • Tout au plus peut-on imaginer que le système de propulsion du ballon lui ait permis de sortir du jetstream pour naviguer à vitesse réduite quelques temps dans un courant d'air moins rapide puis pour retourner dans le jet afin d'y poursuivre sa balade bucolique.
        Quoique considérant le diamètre et le profil bedonnant du ballon ses performances aérodynamiques doivent être calamiteuses, rendant très hypothétique l'hypothèse d'une excursion volontaire.

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