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Défense

Le Rafale M à l’épreuve du tremplin en Inde

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Frédéric Lert

Une équipe de Dassault Aviation est à pied d’oeuvre en Inde (6 janvier 2022) pour tester l’avion sur un tremplin. Après la vente de 36 avions à l’armée de l’air indienne en 2016, l’objectif est à présent, pour Dassault, de placer l’avion auprès de la Marine qui se prépare à l’entrée en service de son porte-avions INS Vikrant. Or celui-ci ne sera pas équipé de catapultes…

Le porte-avions que l’Inde s’apprête à mettre en service à l’été prochain pourra recevoir des avions de combat traditionnels, mais il ne sera pas équipé de catapultes. A la place, il disposera d’un tremplin conçu pour donner la bonne incidence aux avions décollant par leur propres moyens, après une course d’environ 150m.

Le tremplin a été inventé pour les britanniques et utilisé pour la première fois par le Sea Harrier, puis par plusieurs autres utilisateurs de l’avion STOVL (décollage court et atterrissage vertical). Etonnamment, les Marines américains, pourtant premiers utilisateurs au monde de la famille Harrier, n’en équipèrent jamais leurs navires.

L’idée du tremplin a ensuite été reprise sur des porte-aéronefs de taille réduite, afin de mettre en vol des avions « terrestres », principalement des MiG et des Sukhoi. La Russie l’Inde et la Chine sont aujourd’hui les seuls utilisateurs de ces appareils.

L’INS Vikrant est le premier porte-avions construit en Inde. Le choix du tremplin de préférences à des catapultes présente des inconvénients, mais aussi des avantages certains pour une marine habituée à cette configuration. © Wikipedia

Pour l’Inde, le choix du tremplin est essentiel et peut se justifier de plusieurs manières : réduction du coût du porte-avions (les catapultes du futur porte avions français, associées au nouveau système de freinage, seraient facturées 1,3 milliard de dollars par les Américains…), autonomie technique (inutile d’acheter les équipements aux Américains), absence de contrainte sur la production électrique du navire, gain de masse etc. D’un point de vue opérationnel, le tremplin ne tombe pas en panne quand on s’en sert et il autorise une cadence élevée de décollages.

En théorie, il laisse également la possibilité au pilote de faire un arrêt d’urgence. Les Britanniques ont toutefois démontré le 17 novembre 2021, avec la perte d’un F-35B au décollage, que tout pouvait également se terminer dans l’eau, même avec l’avion le plus moderne du monde…

Bien évidemment, le tremplin présente quelques inconvénients majeurs, faute de quoi tous les porte-avions du monde en seraient équipés. Sans l’aide de la catapulte, la masse des avions au décollage est réduite et la mise en oeuvre d’avions de guet aérien est pour l’instant impossible.

Le tremplin exige ensuite des nerfs d’acier de la part des pilotes qui doivent tenir leur avion sur l’axe de décollage quelles que soient les conditions de mer.

Sur le Queen Elizabeth, le tremplin est ceinturé par des parkings avion : il s’agit de bien viser… L’incidence en sortie de pont est en outre très forte et exige que l’avion soit pilotable jusqu’à 25 ou 30°. Au contraire de la force d’une catapulte, le tremplin n’est enfin pas réglable et il exige que tous les avions s’adaptent à sa géométrie.

On s’aperçoit donc que si la puissance disponible est un facteur essentiel d’un décollage au tremplin, il est loin d’être le seul. Selon Dassault Aviation, la simulation aurait montré que le Rafale M pouvait très bien réaliser l’exercice. Le voilà maintenant à pied d’oeuvre pour en faire la démonstration dans le monde réel.

Le seul autre concurrent en lice pour le contrat de la marine indienne, qui est distinct des achats de l’armée de l’air, est le  F/A-18 Super Hornet de Boeing. L’avionneur américain a déjà prouvé en 2020 que son avion pouvait décoller au tremplin, sans toutefois préciser à quelle masse.

Le besoin initialement exprimé par la marine indienne était de 57 avions embarqués. Il serait aujourd’hui de 36 avions et pourrait même être finalement inférieur.

Tout juste de quoi équiper le Vikrant, dont la capacité d’accueil est donné pour une trentaine d’avions de combat, avec une marge de manoeuvre sans doute très réduite pour la maintenance et l’entrainement des équipages à terre.

A plus long terme, l’Inde ambitionne de développer son propre avion de combat embarqué bimoteur. Un objectif qui semble atteignable d’un point de vue technique pour un pays qui a déjà baptisé au tremplin son Naval LCA (Light Combat Aircraft) : c’était il y a deux ans, en janvier 2020.

Frédéric Lert

 

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • On parle également d'une location de 4 à 6 Rafale M, par la Marine indienne au près de la Marine française, pour la mise en service du Vikrant en 2022.

    Il faut tout de même préciser que l'on ne peut pas mettre en œuvre des appareils "terrestre ordinaires" sur des navires avec tremplin. Ils s'agit de versions dédiées, dont les trains, voir la structure, sont renforcés, afin de supporter les appontages avec brins d'arrêts.

    A l'origine, la doctrine d'emploie du F-35B à bord des porte-aéronefs de l'US Marines Corps, prévoyait de décoller à la verticale. Les performances de l'appareils n'étant pas celles attendues, les Marines ont finalement opté pour des décollage lancés.

    L'inde envisagerait par ailleurs la construction d'un porte avion avec catapulte, dont les dimensions seraient assez similaires à celles du futur porte avions français en cours d'étude.
    Pourrait-on envisager une vente ou une collaboration ?

    Concernant l'armée de l'aire indienne, l'acquisition de J-10C chinois par le Pakistan, activera peut-être la prise de décision pour une commande supplémentaire de Rafale.

  • Ce serait intéressant de suivre les essais du Rafale avec Tremplin ! Cela rendrait des inter-opérabilités possibles.

  • Je lis : La Russie l’Inde et la Chine sont aujourd’hui les seuls utilisateurs de ces appareils.
    Les britishs n’ont-ils pas également deux PA avec tremplin pour leurs F35 ? Du reste il en est question pour l’accident en Méditerranée !

    • Bonjour Popo,
      Le "ces appareils" se rapporte aux MiG et Sukhoi, avions "terrestres" cités dans la phrase précédente. Les Britanniques, comme les américains, espagnols et italiens, utilisent des avions STOVL spécifiquement conçus pour un usage embarqué.
      Frédéric

  • Bravo Frédéric, article très intéressant. Il explique bien des choses sur ces tremplins restés longtemps énigmatiques, sauf à les faire pratiquer par des VTOL ou STOL. On est là bien loin des réseaux sociaux et de la blague de blogueur. Merci

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