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Défense

L’Onera attend toujours son contrat pour le SCAF

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Thierry Dubois

L’Onera, éternel oublié des budgets, s’impatiente. Le premier contrat pour les démonstrateurs du système SCAF de combat aérien du futur a reçu le dernier feu vert nécessaire à la mi-février : la France et l’Allemagne se sont engagées à financer les travaux des industriels. De son côté, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales ne voit rien venir. Il joue pourtant un rôle majeur, à la charnière entre les armées et les constructeurs.

Dans la mise en place de la mécanique complexe du programme SCAF, il manque encore un rouage entre l’industrie et l’armée de l’Air.

Dassault Aviation, Airbus, Safran et leurs partenaires – le motoriste allemand MTU Aero Engines, le missilier européen MBDA et l’électronicien français Thales – sont assurés d’un soutien financier de 155 M€ pour le début du programme. Les constructeurs peuvent ainsi entamer leurs études en vue d’un premier vol en 2026.

Un contrat en fin d’année ?

« Nous aurions aimé être dans la même phase, » regrette Jacques Cornu, directeur du programme de système de combat aérien à l’Onera. « Nous souhaiterions rapidement un contrat d’expertise qui affirme notre place… ce sera au mieux à la fin de l’année. » Pendant ce temps, le DLR allemand peut avancer.

L’une des causes du délai français pourrait se trouver au niveau des ressources humaines de la Direction Générale de l’Armement (DGA) : elles semblent insuffisantes pour rédiger les contrats. Le ministère et la DGA se sont concentrés jusqu’à maintenant sur les discussions franco-allemandes.

Recherche amont

Paradoxe : ces accords ont été signés avec les avionneurs et systémiers pour des travaux en amont de la mise au point d’un démonstrateur, c’est-à-dire en « recherche et technologie ». Or c’est précisément à ce niveau que l’Onera revendique un savoir-faire. « La recherche amont, c’est le domaine de l’Onera jusqu’à un certain niveau TRL de maturité technologique, entre 1 [principes de base] et 5-6 [démonstration dans un environnement significatif] ; le constructeur arrive vers le TRL 4 [validation en laboratoire], nous l’accompagnons jusqu’au TRL 6-7 [démonstration du système prototype en environnement opérationnel] par exemple », affirme Jacques Cornu. Le SCAF doit entrer en service en 2040.

Certes, des discussions ont débuté. Certes, les activités liées au SCAF s’inscrivent dans la continuité de celles liées au Rafale, au démonstrateur Neuron d’avion de combat sans pilote à bord et au projet avorté FCAS franco-britannique. Des activités débutées dans ces cadres se poursuivent ainsi sur des thèmes qui concernent le SCAF.

Expertise étatique

Mais l’Onera aimerait jouer dès maintenant son rôle d’expert au profit de la DGA. L’Office se veut indépendant des enjeux industriels et se préoccupe des attentes des forces – traduites en spécifications techniques par la DGA. Il veille à ce que tout système proposé par un constructeur réponde aux besoins des forces, souligne Jacques Cornu.

A quoi ressembleront les contrats espérés ? Trois formes sont usuelles. La DGA peut passer un contrat d’expertise ou d’étude amont avec l’Office. Par exemple, pour valider un concept de menace future.

Deuxième type de contrat, la co-traitance : une entreprise et l’Onera s’associent pour faire mûrir une technologie pour laquelle la première a besoin des moyens et de l’expertise de la seconde.

La troisième forme est un contrat de sous-traitance avec un constructeur : il s’agit de développer une brique technologique amont ou intermédiaire pour laquelle l’Onera possède une compétence spécifique.

Aérodynamique, furtivité, matériaux…

L’Onera s’affirme bien placée en aérodynamique. « Les entrées d’air du Rafale doivent beaucoup, par exemple, aux équipes de l’Onera et les entrées d’air du futur avion de combat lui devront probablement aussi beaucoup », affirmait Bruno Sainjeon, président-directeur général, en décembre au Sénat. L’entrée d’air est un élément critique pour le fonctionnement du moteur et la furtivité de l’avion. Dans ce domaine, les progrès en simulation numérique devraient permettre d’avancer plus vite vers les essais en vol.

D’autres champs d’expertise sont mis en avant, comme les matériaux et l’interface humain-machine.

Pendant ce temps, Airbus et Dassault Aviation mettent en place davantage d’outils numériques pour travailler ensemble à distance. Les employés des deux entreprises auraient déjà dû commencer à collaborer physiquement. Depuis début mai, un plateau d’ingénierie simultanée aurait dû fonctionner à Saint-Cloud, chez le constructeur du Rafale.

La pandémie rend le plateau virtuel – fourni par Dassault Systèmes – encore plus important. « Un programme en coopération, ce n’est pas simple et cela l’est encore moins sans se voir dans un espace commun », notait Eric Trappier, p-dg de Dassault Aviation le 5 mai 2020. Le lien avec Airbus a été maintenu « dès les premiers jours » du confinement. Le programme a donc pris « un peu de retard, comme le reste ».

Thierry Dubois

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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

View Comments

  • Mais ne cherchons plus. Vous avez bien constatez la lourdeur de l'administration française avec le problème des masques pour l'épidémie. Alors nous avons toujours une voire plusieurs longueur de retard

  • Florence Parly nous annonce la date du début des essais en mer du porte avions successeur du Charles de Gaulle en 2036 mais ne signe pas le contrat SCAF de l'onera pour un prototype "proof of concept" dont le 1er vol est prévu vers la fin de la décennie

    TROUVER L ERREUR ....COMMUNICATION

  • l'ONERA éternel oublié des budgets....
    Je suis étonné par cette phrase car sauf erreur l'ONERA dépend directement du ministère de la défense.
    Il y a souvent eu un débordement de ces organismes dit nationaux sur le rôle des industriels, comme c'est d'ailleurs le cas avec le CNES par exemple qui est maître d'œuvre des moyens sols a Kourou alors que les industriels pourraient avoir ce rôle.
    Leurs vocation s est la recherche amont et le niveau de TRL auxquels ils vont, franchit une limite non compatible avec celles des industriels, le niveau TRL4 de la validation en laboratoire devrait être le passage de témoin raisonnable.

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