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Défense

Rafale, mieux qu’un outsider !

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Frédéric Lert

Raillé pour son manque de réussite commerciale lors de sa mise en service, le Rafale enchaine à présent les succès à l’exportation. En attendant un Super Rafale ?

Au milieu des années 1990, la presse s’en donnait à cœur joie : « le gouffre à milliards » titrait l’Express, qui parlait également de « folie Rafale ». « L’avion le plus presque vendu » écrivait Libération, ce qui avait au moins le mérite d’être drôle. Il se trouvait même un ministre de la défense de l’époque pour critiquer la sophistication de l’avion.

Les choses ont depuis bien changé et l’heure est aux louanges dans les médias français. Les esprits moqueurs sont dépassés par les idolâtres et le gouffre à milliards s’est transformé en cash machine qui tire vers le haut la balance commerciale française. C’est une nouvelle facette de l’avion : on le savait polyvalent, « omnirôle » pour reprendre le néologisme de Dassault, à l’aise dans la protection de l’espace aérien des États Baltes, dans son élément en Méditerranée, dans le Pacifique, au mieux de sa forme dans le Sahel ou au Proche-Orient. Le voilà à présent intronisé locomotive du commerce extérieur français, motrice d’un TGV dans lequel ont pris place près de 400 sociétés françaises  et de dizaines de milliers  de salariés.

Si le F-35 reste un formidable opposant dans les compétitions internationales, adossé à la puissante Amérique, le Rafale peut s’enorgueillir d’avoir eu la peau du Super Hornet dans la compétition indienne pour un chasseur embarqué. L’Indonésie a engagé sa commande de 42 avions en confirmant l’entrée en vigueur des premières tranches du contrat. Et si le Qatar  envisage une commande supplémentaire, comme l’a fait avant lui l’Égypte et comme s’apprête aussi à le faire l’Inde, ce n’est pas pour faire plaisir à la France. C’est simplement parce que le « système Rafale » fonctionne très bien.

« D’autres prospections sont en cours dans d’autres pays » expliquait Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. « Je ne vais pas vous parler de pays en particulier mais je peux vous dire qu’il y a un intérêt renforcé pour nos avions (…) ». On évoquait même en début d’année une vente à la Colombie, dans l’arrière cour des États-Unis. Énervant pour Boeing et Lockheed Martin.

Le succès du Rafale est celui d’une certaine idée de la polyvalence et d’un compromis raisonnable entre coût et capacités opérationnelles. Un équilibre dicté par la taille du portefeuille français, bien loin d’une certaine forme d’hystérie financière et technique de la concurrence américaine. Un équilibre entretenu également par une feuille de route permettant de faire évoluer l’avion de façon incrémentale et cohérente. Après avoir été livré début mars, le Rafale au standard F4.1 est maintenant en cours d’expérimentation au sein des armées. Et déjà se prépare un futur standard 5.

La partition est brillante, mais elle n’est pas exempte de fausses notes. Le cordonnier étant toujours le plus mal chaussé, c’est en France que le Rafale rencontre le plus de désillusions. Les derniers arbitrages budgétaires montrent que l’Armée de l’air et de l’espace devra attendre 2030 pour disposer de 130 avions. 130 avions en 30 ans, soit une moyenne a peine supérieure à quatre avions par an ! Dans le même temps, une pied sur l’accélérateur et l’autre sur le frein, l’industriel et sa chaine de fournisseur adaptent comme ils le peuvent les cadences de fabrication, au gré des renoncements français et des succès à l’exportation. Un appareil par mois une année, trois par mois deux ans plus tard. « Et même quatre s’il le fallait » expliquait Eric Trappier aux sénateurs. Une bonne chose que l’outil industriel soit à l’image de l’avion qu’il produit : flexible et performant !

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Parmi les soutiens aux exportations du Rafale, on peut citer . . . les Etats Unis.
    La règlementation CAATSA détourne certains clients de l'industrie de défense russe, alors que l'ITAR détourne du matériel US, les acheteurs soucieux de conserver une certaine souveraineté.

  • OUI, très intéressant article, comme toujours de la part de Frédéric qui nous alerte sur ce qu'il se passe autour de ces ventes de Rafale. Après les temps de disette ce n'est que justice que les commandes arrivent en rafale. Dans les années 90 je me souviens d'un général qui en pleine nuit m'avait rendu visite au cockpit sur un vol vers Dubaï. Je lui avais demandé "Vous allez essayer de vendre des Rafale ?" Il m'avait décoché un grand sourire mais sans décrocher les dents... Mais en Europe, hein ! À part les Grecs qui avaient apprécié le soutien de la France contre la Turquie pour l'affaire du bateau espion prospecteur, à part les Polonais qui ont depuis longtemps oublié que notre pays est entré en guerre contre Hitler dès qu'ils furent envahis, et préfèrent toujours l'Amérique à l'Europe, même s'ils ont su prendre tous les subsides que leur adhésion leur a offerts, il y a personne pour soutenir notre industrie d'armement. Certes l'épisode Eurofighter a barré la route pour les pays partenaires de ce programme, mais les autres ? Et voici que les Roumains préfèrent le F-35 ! AH ! et c'est qui qui envoie ses Forces spéciales en Roumanie ? Et c'est qui qui emploie plein de Roumains en son pays ? Et quand dénoncera-t-on l'attitude hypocrite de l'Allemagne, pour qui il est plus important de vendre des Mercedes (la voiture d'hitler) que d'être un partenaire fiable, c'est-à-dire qui prend sa part du risque dans le concert européen ?

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