Sea, SEM and Sun

La Marine Nationale célèbre les quarante ans du Super Etendard. L’avion fait encore bonne figure mais la fin est proche…

Légère brise de nostalgie sur le parking de Landivisiau en fin de semaine dernière. La Marine célèbre les 40 ans du Super Etendard (SUE). Le premier vol avait eu lieu le 28 octobre 1974, avec le pilote d’essais Jacques Jesberger aux commandes. La dernière flottille française utilisant l’avion, la 17F, a donc marqué le coup en peignant un avion qui terminera sa vie en pot de fleurs. Elle a aussi lancé un appel aux anciens et préparé un petit coquetelle. Les marins en grande tenue ont le sabre de cérémonie à la ceinture, les quelques aviateurs égarés dans la lande bretonne portent leur poignard. Comme l’exigent la coutume et la courtoisie, ils se font gentiment chambrer sur la taille de leur outil. Discours, médailles, rediscours et remises de diplômes aux pilotes ayant franchit le cap des 1000, 2000 et 3000 heures de vol sur la bête. Un seul homme dans cette dernière catégorie, l’actuel pacha de la 57S, le CF Pascal Barbier, qui aura donc passé l’équivalent de 125 jours complets ficelé sur son siège Martin Baker.

Dans le hangar de la 17F, les anciens et les récents ont donc parlé de la mer, du temps qui passe, du devenir des uns et des autres et de ce fameux aéroplane qui a traversé les âges sans faire trop de bruit, poussé par la force discrète de son réacteur Snecma 8K50 (le 8K50 est en fait un 9K50 de Mirage F1 auquel il manque le canal de la post combustion). La discrétion n’a pas que des inconvénients : à mi-chemin entre le planeur et le F-35 (20 tonnes de poussée sur un seul moteur tout de même…) le SUE est un avion de petite taille et qualifié de « froid » en raison de sa faible signature infrarouge. Ni sophistication inutile ni excès de puissance dans l’avion donc, ça se saurait. Mais une polyvalence de bon aloi qui lui a permis de porter l’aviation embarquée sur ses épaules pendant plus de trois décennies.

Les premiers SUE entrent en service en 1978 au sein de la flottille 11F. Les flottilles 14F et 17F sont ensuite progressivement équipées du nouvel avion, en remplacement des Etendard IV. Un total de 71 Super Etendard est construit pour la France et quatorze autres pour l’Argentine. Ces derniers diffèrent des appareils français par l’absence de toute l’instrumentation relative à l’emploi de l’armement nucléaire. A leur mise en service, les SUE français font équipe avec les porte-avions Foch et Clemenceau. Deux superbes navires entrés en service au milieu des années soixante, symboliques d’une France qui est riche mais qui ne le sait pas encore…

En 1986 est lancé le programme qui va faire du SUE un SEM (Super Etendard Modernisé). 52 avions sont transformés, donnant le coup d’envoi à la mise au point de « standards » de plus en plus évolués. Dans un premier temps, les modifications portent principalement sur l’avionique et l’ergonomie du poste de pilotage. Le radar Agave est également remplacé par l’Anémone. Associé au missile AM39 Exocet, le SEM gagne une réputation qui n’est pas usurpée dans le combat anti navire.

En 1997, la mise au point du standard 3 apporte cette fois la capacité de tirs de bombes à guidage laser. Le standard 4 apparaissant ensuite offre une autoprotection accrue avec, cerise sur le gâteau, la mise en service des châssis photo prenant la place des canons dans le fuselage. Le standard 5, 33 avions modifiés au total, rend compatible l’avion avec les JVN et apporte diverses améliorations au niveau des équipements (adaptateurs bi-bombes, nacelle Damoclès etc).

De ce rapide survol, on retiendra une progression de bon aloi, bien rythmée. Mais la marine, dans l’attente du Rafale, pouvait-elle véritablement faire autrement ? Ne pas faire progresser le SEM aurait abouti tôt ou tard au déclassement du groupe aérien embarqué. Certes l’avion n’est pas un foudre de guerre, mais c’est un véritable couteau suisse offrant une palette d’armements inégalée en France. Du canon au missile ASMP-A nucléaire, en passant par les bombes guidées, les appareils photos, les nacelles de désignation laser, le missile anti navire, le missile air sol… rien n’échappe au SEM. Sauf bien entendu une capacité air-air digne de ce nom… Premier avion de combat français équipé d’une centrale inertielle dès sa mise en service, il sera également le premier à mettre en œuvre la nacelle Damoclès et le premier à tirer les GBU-49 à guidage mixte, GPS et laser. Du Liban à l’Afghanistan, du Kosovo à la Libye, des Malouines au détroit d’Ormuz sous les couleurs étrangères, l’avion aura également collectionné les combats. Ne manque à son palmarès que l’opération Serval au Mali, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. La marine avait bien proposé de baser des SEM à Bamako, mais l’offre ne fut pas retenue…

Frédéric Lert