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Défense

Un porte-avions français pour le SCAF

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Frédéric Lert

Les essais à la mer du futur porte-avions français devraient débuter en 2036 affirme la ministre des armées. Ce navire sera conçu pour accueillir le SCAF (Système de combat aérien du futur). Oui mais avec quel système de propulsion, quel type de catapulte, … et quel budget ? Il sera plus grand que le Charles de Gaulle, mais plus petit que les porte-avions américains. Pour impressionner qui ?

La ministre des armées était en déplacement aux Chantiers de l’Atlantique de Saint Nazaire le 18 mai 2020. Elle en a profité pour annoncer dans son discours que le remplaçant du Charles de Gaulle devra « être à la mer en 2036 pour ses premiers essais ». Juste à temps donc pour remplacer le Charles de Gaulle qui « arrivera en fin de vie en 2038-2040 ».

Le temps long du porte-avions

Effectivement, le Charles de Gaulle sort d’un « arrêt technique majeur » (ATM) qui lui offre maintenant une dizaine d’années de navigation. Un ATM supplémentaire à l’horizon 2028-2030 lui ferait de nouveau gagner dix ans de vie supplémentaires. On serait alors proche de 2040, des quarante ans de service actif et du retrait de service. Pour mémoire, la décision de lancer les études du Charles de Gaulle avait été prise en 1980. Le temps long du porte-avions oblige à réfléchir avec plusieurs coups d’avance !

Les premières études pour donner un successeur au Charles de Gaulle ont débuté en 2018 et, de toute évidence, des décisions essentielles ont été prises mais la ministre n’a pas voulu en dire plus à St Nazaire. Question de préséance : les grandes annonces devraient être faites un peu plus tard par le président de la république.

Plus grand, plus beau, plus fort

Tout juste a-t-on appris à la faveur des échanges avec les médias que les Chantiers de l’Atlantique « sont les seuls capables de construire un navire d’une telle taille et d’un tel tonnage ». Le Charles de Gaulle avait été construit à Brest, ce qui avait contribué à en limiter la taille. Son successeur (le Alain Poher, le Georges Pompidou ?!) pourrait donc être plus grand. Il aurait même obligation de l’être s’il devait véritablement mettre en œuvre une version navale du New Generation Fighter (NGF) que l’on nous promet.

Le NGF  du programme franco-hispano-allemand SCAF, dont une maquette a été dévoilée au salon du Bourget 2019, est un appareil de catégorie du F-22, avec de faux airs de YF-23. Il s’agira d’un biréacteur sans doute proche des 30 tonnes au décollage, furtif et doté d’une soute à munitions.

Sa version « navalisée » pourrait donc ressembler à ce qu’aurait été dans les années 1990 le Naval Advanced Tactical Fighter, version marine du F-22, auquel même la grande US Navy avait du renoncer, rebutée par les risques techniques et financiers.

Un porte-avions pour le Next Generation Fighter

La France semble donc décidée à boxer dans une catégorie qui n’est pas la sienne, en copiant 30 ans plus tard ce qui a été fait Outre-Atlantique pour combattre l’URSS. La Chine est maintenant l’ennemi désigné. Qui veut engager le combat contre 1,4 milliards de Chinois ?

La maquette du NGF dévoilée au Bourget était superbe, mais très certainement assez différente de ce que sera l’avion réel. Une chose est certaine : l’exigence de furtivité pèsera très lourd dans la définition du futur appareil ! © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

On nous rassure en nous expliquant que le NGF sera financièrement accessible parce qu’il sera fabriqué en coopération et qu’un vaste marché à l’exportation lui sera ouvert. Le Rafale, aux ambitions décentes, sur le trait en matière de performances, de délais et de coût, a été conçu et réalisé par trois acteurs français habitués de longue date à travailler ensemble : Dassault, Safran et Thales. Faire mieux au sein d’une coopération multinationale serait certainement une rupture considérable avec les expériences passées et une divine surprise.

Revenons donc au futur porte-avions pour lequel quelques grands arbitrages devraient être révélés dans les semaines à venir. Concernant la taille tout d’abord : avec cette contrainte d’embarquer des NGF, avec également le choix d’autoriser la simultanéité des appontages et des catapultages pour en améliorer l’efficacité opérationnelle (la taille réduite du Charles de Gaulle ne le permet pas), son déplacement est estimé ici ou là à 70.000 tonnes. A mi-chemin donc entre le Charles de Gaulle et les navires américains.

Le choix de la technologie américaine

Le choix du mode de propulsion est une autre décision capitale à prendre : nucléaire ou classique ? Les besoins électriques à bord, le maintien d’une filière industrielle et les synergies recherchées avec la flotte sous-marine font largement pencher la balance du côté du nucléaire.

La troisième question essentielle porte sur le choix des technologies pour les opérations de catapultage et d’appontage. Le Charles de Gaulle utilise aujourd’hui la vapeur pour les premières et des presses hydrauliques pour les secondes. Il s’agit dans les deux cas de technologies certes anciennes, très exigeantes en matière d’entretien, mais parfaitement maîtrisées et donnant jusqu’ici pleine satisfaction.

Il y a vingt ans, l’US Navy renonçait au projet NATF pour lequel Lockheed avait imaginé un F-22 doté d’une voilure à géométrie variable. Trop lourd, trop complexe, trop cher avait jugé la Navy. Une goutte de bon sens dans un océan de non-sens… © DR

La France est entièrement dépendante des États-Unis pour la fourniture de ces équipements et leur suivi industriel dans le temps. Nul doute qu’elle pourrait continuer seule dans cette voie et s’affranchir de cette tutelle mais à quel prix ? L’autre chemin, qui sera sans doute suivi, sera de s’aligner une fois de plus sur les Etats-Unis (pour autant que ceux-ci l’autorisent) et de basculer sur des systèmes élecromagnétiques au catapultage et à l’appontage. Les Américains essuient les plâtres de cette nouvelle technologie à coup de milliards, mais le fruit devrait être techniquement bien mûr quand la France en aura besoin, d’ici dix ou quinze ans…

Un projet aléatoire

Au-delà de ces choix techniques essentiels, d’innombrables questions vont se poser dans les années à venir (pour autant que le projet aille à son terme, ce qui n’est pas certain à ce jour) : réseaux informatiques, niveau d’automatisation, emploi de drones, dimensionnement de l’équipage (une question triviale qui pèse lourd dans l’équation financière !)…

Avec en toile de fond un environnement géopolitique mouvant, des alliances industrielles incertaines et des finances à la dérive qui ne plaident guère en faveur de la réussite d’un projet dont l’utilité reste en outre contestée.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • De toute façon le français est vraiment quelqu'un de particulier.
    La première et la seconde guerre mondiale ne nous a pas servi d'exemple;
    Toujours sur le sol français;

  • Bonjour
    Pour éviter la guerre préparons-la !
    Ce qui est grave, parmi tous ces avis, pas même un semblant de positif. La crise du Covid n'a manifestement pas servi. Comme d'habitude les Français (dont je suis) attendent tranquillement sans se soucier du lendemain. SIC Ont avisera le moment venu. Le virus Covid 19 se marre ! Moi pas.
    Cordialement
    Michel Bour

    • Quand on a un jouet, on veut s'en servir !
      On n'est plus en 14 ou en 40. C'est plutôt nous qui allons porter le "fer" (comme les étasuniens) ailleurs pour la gloire et les intérêts des économiquement puissants. Pour exemple, l'opération "barcane" = uranium du Mali.
      Du fric pour les engins de guerre et rien pour les hôpitaux !

  • Il faudrait que la FRANCE cesse de se prendre pour une très grande nation en ayant une armée utilisant des navires (entre autres) copiés sur ceux des véritables grandes nations de par la taille de leur population.
    J'avais beaucoup "aimé" dans un documentaire TV, l'argument d'un amiral pour justifier l'emploi d'un réacteur nucléaire sur un porte-avions. On ne recharge en combustible le réacteur que tous les dix ans. Sur le Clémenceau ce n'est absolument pas le mazout qui nécessitait le plus l'accompagnement d'un pétrolier, mais le kérosène des avions. Le Charles de Gaulle a surement le même handicap : le kérosène des Rafale est en quantité très limitée

    • C'est le cas de n'importe quelle escadre : Pas de projection sans ravitaillement. Pareil pour les aviateurs : Il faut des ravitailleurs.

      Le ravitaillement, voilà le nerf de la guerre.

    • ... le problême sera réglé avec des avions embarqués électriques ?. Avec la centrale nucléaire sous le pont d'envol, il n'y aura qu'à brancher une prise pour recharger et hop... repartir !

  • Faire mieux que Dassault+Safran+Thalès serait réellement "extraordinaire, et pour tout dire inespéré" comme le chantait Brassens....
    Sacrés français, il faut toujours qu'ils s'arrangent pour changer une équipe qui gagne..... Les américains n'ont pas fini de rigoler....

  • La semaine derniere l'US Navy a experimente avec succes une systeme laser haute energie capable de detruire un avion en vol.
    30 ans de retard comme le souligne F.Lert, ca fait beaucoup et ca se voit.

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