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Bonus réparation

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Gil Roy
© Vincent / Aerobuzz.fr

J’ai la solution ! Elle coche toutes les cases. Transition énergétique, recyclage, circuit court et, cerise sur le gâteau, réindustrialisation. Elle est tellement bonne, que je ne comprends pas que personne ne l’ait eu avant moi. 

Fin décembre dernier, Robin Aircraft a été liquidé. Un choc sentimental pour des générations de pilotes qui ont appris à piloter sur DR400. J’en fais partie. Une nouvelle source d’inquiétude pour les 600 aéro-clubs français qui exploitent une flotte de près de 900 Robin DR400. Des problèmes en perspective pour les centaines de propriétaires privés à travers l’Europe. Mais si au contraire, il fallait voir cette décision de justice comme une opportunité…

A Nogaro, dans le Gers, un mécano opiniâtre a monté un moteur Rotax sur un DR400. Il a poussé l’exercice jusqu’à obtenir la validation de sa solution par l’agence européenne de la sécurité de la l’aviation civile, autrement dit l’EASA. Excusez du peu ! Il a divisé par deux la consommation du DR400. Au passage, il anticipe la fin annoncée de l’AvGas, le carburant plombé avec lequel tournent les antiques moteurs Lycoming et Continental.

Le mécano de Nogaro a le défaut de ne pas être un startupper ! Il maîtrise le problème, mais il ne sait pas emballer la solution. A notre époque, cela ne pardonne pas… La liquidation du constructeur de Dijon est peut-être l’opportunité d’y remédier.

Le DR400 est un avion éternel. Quand il arrive au bout du rouleau, il suffit de lui mettre les nervures à l’air, de changer ce qui est abîmé ou, encore mieux, de réparer, avant de réentoiler. Un coup d’oeil au longeron, au cas où… Et c’est reparti pour des milliers d’heures de vol et des années de bonheur. La réparation étant devenue le nouveau totem de la transition écologique, le DR400 pourrait être l’exemple à suivre. D’autant que le DR400 est un avion en bois et qu’il faut abattre beaucoup moins d’arbres pour refaire une nervure que pour rebâtir la charpente de Notre-Dame.

Imaginez un vaste hall d’assemblage, dans lequel il y aurait une vingtaine de DR400. Dix de chaque côté d’une allée centrale. Comme chez Airbus ou Dassault. A chaque poste de travail, des spécialistes : menuisiers, rentoileurs, mécanos, techniciens avioniques, selliers, peintres… Et en bout de chaine, de magnifiques avions flambant neufs, motorisés par Rotax et équipés par Garmin, prêts à être livrés.

Avec plus de 2.000 DR400 encore en service en Europe, dont une majorité en France, le business plan ne devrait pas être compliqué à établir, ni le carnet de commandes à remplir. Et puis quand on sera arrivé au bout des 2.000 avions, il sera temps de recommencer avec les tout premier. A défaut de « France 2030« , ce projet industriel pourrait être labellisé « Bonus réparation« .

Le plus délicat, risque d’être la levée de fonds, pour amorcer la chaine de production. Les investisseurs, privés comme publics, ont choisi de miser sur les eVTOL, l’hydrogène et l’électrique ! Ces visionnaires se projettent loin. 2030. 2050. Trop loin sans doute pour voir que le DR400 pourrait être une affaire rentable, à court terme. Outre les investisseurs qu’il faudrait convaincre, il y a aussi un passif entre le constructeur historique et ses clients et partenaires qu’il serait inévitable de solder. Pas facile, mais nécessaire…

A bien y regarder, le DR400 coche toutes les cases… ou presque ! Suffisamment, en tous cas, pour que cela vaille la peine de chercher à lui offrir un nouvel avenir.

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Dans notre monde moderne, il y a ceux qui parlent beaucoup et n'ont donc pas le temps de faire, et ceux qui travaillent beaucoup et n'ont donc pas le temps de parler ... depuis toujours, on préfère se ranger dans le camp des seconds.
    Mais un peu de patience, dès que la soupe qui mijote à feux doux sera prête, nous vous inviterons à passer à table !
    Gilles, mécano à Nogaro ... qui repart en cuisine.

  • Pour moi c'est encore l'éternel combat des anciens et des modernes et en toile de fond le combat des fabricants d'ULM (qui n'ont plus rien d'ultra-légers) et des constructeurs d'avions en CDN

  • On ne peut que regretter la probable et triste fin des avions Robin . . .
    Mais force est de constater qu'exposer une cellule de DR400 dans les jardins de l'Elysée, de ''récupérer'' 1,5 millions d'euros et de demander à la suite une procédure de sauvegarde, puis cesser son activité est une trajectoire plus que douteuse.
    Nous n'avons pas remarqué ces dernières années de volonté de faire évoluer la cellule DR400 vers des concepts plus contemporains.
    D’autres avionneurs ont mis en œuvre avec énergie, intelligence et passion de nouveaux concepts.
    Et notamment en France la société Elixir Aircraft démontre que c’est possible.
    Nous n’oublierons pas nos beaux vols sur ces avions ‘’bois et toile’’ comme nos vols sur les planeurs Bijave. Mais après on a aussi volé sur les Pégase !
    Alors nous volerons sur des Elixir !

  • Donc, pour faire court, in English version : Rotaxed and garminised Robin wood ! On pourrait appeler les DR-400 rétrofités les ROROGAR !

  • Mouais…

    Le mécano de Nogaro ne sait pas « emballer la solution ». Propos légèrement excessif pour quelqu’un qui a son carnet de commande plein pour les 2, voire 3 prochaines années… L’emballage n’a même pas besoin d’être bon avec un tel carnet de commande. La minorité de gens ayant compris l’inexorabilité du temps qui passe suffit à le faire vivre et travailler pendant de longues années…

    Le problème vient surtout des aéroclubs, empêtrés depuis 20 ans dans un immobilisme acharné, voire militant, et refusant de comprendre que leur flotte se périme petit à petit. Combien de fois on entend les phrases du type « on n’a pas le recul » ou critiquant carrément les moteurs Rotax dans les aéroclubs? Ceux-ci existent depuis fort longtemps maintenant et sont certifiés depuis presque 20 ans…

    Quand à l’évolution de la flotte, entre les DR400 et les avions électriques cités dans l’article, il y a un intermédiaire, qui existe déjà (APM, Aquila, Elixir, etc…), le composite se répare aussi bien que le bois et est beaucoup plus léger… Le vol à voile l’a compris il y a bien longtemps. Les machines en composite sont désormais en majorité dans les clubs…

    Enfin, cet avion est en proie à des CN à répétition pour toujours les mêmes histoires de qualité de fabrication. Avant de les remotoriser, il faudrait résoudre une fois pour toutes ces problèmes. Probable que ce soit plus rentable de carrément remplacer les avions concernés plutôt que de les réparer et de les remotoriser…

    Cet état d’esprit nostalgique est relativement nouveau dans l’aviation et il est spécifique aux aéroclubs. Pas sûr que la disparition des Stampe et Rallye ait déclenché les mêmes torrents de larmes saturés de nostalgie. Les gens étaient alors plus occupés à regarder l’avenir certainement, ce qui a amené à d’autres excès (on rencontrera toujours un « ancien » parlant de fuselages de Stampe brulés sans remord derrière les hangars dans les années 60 pour « faire de la place »…)

    Bref, cette usine où nos vénérables DR400 seraient convertis à la chaîne me parait une illusion. La raison principale est que la quasi-totalité des clubs ne sont pas prêts et refusent tout changement. La deuxième raison (exposée dans une autre réponse) est la rapacerie de la famille Pelissier… La troisième raison est que trop de cellules sont impactées par ces fichues CN. Mieux vaut regarder l’avenir et se tourner vers d’excellentes productions actuelles et encourager les quelques constructeurs français s’étant lancés dans cette voie…

    • "le composite se répare aussi bien que le bois et est beaucoup plus léger… Le vol à voile l’a compris il y a bien longtemps. Les machines en composite sont désormais en majorité dans les clubs…"

      En fait, les planeurs en composite sont sensiblement plus lourds que les planeurs bois et toile, mais contrairement à une idée reçue, le poids n'est pas un problème majeur pour les planeurs (la preuve : on met des ballasts pour les alourdir en compétition...). Si le composite a remplacé le bois et toile, c'est pour pour sa simplicité de maintenance et surtout pour sa capacité à faire des ailes beaucoup plus fines (aérodynamiquement) avec tous les gains en performance induits (finesse aérodynamique, vitesse max, "aplatissement" des polaires, etc.)

      • Je cite : "contrairement à une idée reçue, le poids n'est pas un problème majeur pour les planeurs".OK, dans ce cas là pourquoi avoir généralisé l'emploi de la fibre de carbone à la place de la fibre de verre dans leur construction ?

        • Très bonne question, et j'avoue que je n'avais pas la réponse, alors j'ai jeté un oeil à wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Schempp-Hirth), qui cite comme raisons :
          - l'augmentation de la durée de vie (3000 => 6000 h de vol)
          - la capacité à faire des profils d'aile très mince

          Je suis vélivole mais pas du tout spécialiste des matériaux, donc je manque de compétence pour discuter sur la validité de ces raisons, mais elles me paraissent plausibles (notamment les profils d'aile, puisque le carbone est arrivé avec les planeurs de compétition).

          PS: j'ai adoré vos articles sur Boeing : super-intéressants ! j'imagine qu'il y a beaucoup de travail derrière...

  • Le seul « hic » c’est la famille Pelissier…..
    ils ne lâcheront rien, préféreront refaire une faillite dans quelques années…
    Tout projet est tributaire d’eux….

  • C'est vrai un tel projet cocherait toutes les cases sauf une peut être, la case "com". Un "influenceur" devrait faire l'affaire

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