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Industrie

Airbus distance Boeing !

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Louis Kulicka

2020 année catastrophique pour l’industrie aéronautique. La chute a été spectaculaire pour Airbus et surtout Boeing. La remarquable réactivité du constructeur européen a porté ses fruits, avant même la fin de l’année. En revanche, l’avionneur américain a hypothéqué ses chances de redressement à moyen terme. La preuve par les chiffres…

Aucun opérateur de l’aérien en 2020 n’y a échappé. La baisse d’activité en 2020 par rapport à 2019 a été drastique et dramatique pour les deux mastodontes de la construction : un recul de 29% pour le chiffre d’affaires d’Airbus et de 24% pour Boeing. Et dans ce même mouvement, les deux industriels se retrouvent avec des niveaux d’activité exprimés en chiffre d’affaires assez proches Parité retenue :  1 euro à 1,2 dollar : 58 milliards de dollars pour Boeing, et 60 pour Airbus.

Avions commerciaux : en 2020, Airbus pèse 2,5 fois Boeing

Mais cette relative proximité cache des contrastes caractérisés : en 2020, Airbus est devenu le géant de la construction d’avions de transports à grande capacités. Ainsi, si la vente d’avions civils a représenté pour Boeing 16,2 milliards de dollars, pour Airbus ce secteur a représenté 40,3 milliards de dollars. Autrement dit, sur ce segment, Airbus est devenu 2,5 fois plus gros que Boeing. C’est un évènement considérable.

Bien entendu, cela est dû aux livraisons très faibles de Boeing pour les avions commerciaux en 2020 (156 avions livrés). Mais l’entreprise américaine a dû revoir corrélativement son outil de production à la baisse également, notamment pour réduire ses coûts. Il s’agit d’un changement « sismique » majeur. Les commandes de matériel militaire ont permis à Boeing de contenir la baisse d’activité.

Source : Aerobuzz.fr

Airbus ménage son avenir en maitrisant sa dette et en sanctuarisant la R&D

Airbus jusqu’à présent se sort plutôt bien de la situation : les avions vendus génèrent une marge positive, et les principaux postes de frais sont plutôt contenus. Comme nous l’avons vu précédemment, si Airbus a dû comme tout le monde accroitre sa dette à long terme (+32% en 2020), cette augmentation est restée modérée, et sa charge (intérêts payés pour le capital emprunté) particulièrement contenue à 493 millions de dollars contre 407 en 2019.

Ainsi la charge de la dette ne représente-t-elle que 0,8% du chiffre d’affaires, soit quelque chose de très acceptable, et même dirait-on de tout à fait ordinaire, ce qui en cette période constitue une prouesse. De même, Airbus arrive à très bien contenir ses frais généraux. Au global, Airbus arrive à limiter ses pertes à 1,4 milliards de dollars, ce qui constitue une réelle performance financière, tout en maintenant son effort de recherche à développement au niveau de 3,4 milliards de dollars, ce qui est appréciable et permet à l’entreprise de ménager son avenir.

Boeing voit sa dette exploser et ses pertes se creuser

La situation côté Boeing est nettement moins avenante. La marge sur les produits vendus génère déjà une perte de 5,7 milliards de dollars. A cela s’ajoute des frais généraux d’un niveau élevé (4,8 milliards de dollars) et surtout une charge de la dette qui passe de 722 millions en 2019 à 2,2 milliards de dollars en 2020, soit une multiplication (on devrait dire une explosion) par un facteur de 3,14 !

Autrement dit, la charge de la dette représente 3,7% de chaque dollar de chiffre d’affaires ce qui est considérable. Cette charge de la dette devrait encore s’accroitre en 2021 car une partie des emprunts a été contractée courant 2020. Par conséquent, l’effet « année pleine » des intérêts payés ne sera visible qu’à la fin de l’année 2021. Cela va « plomber » durablement la capacité de Boeing à investir et à faire de la recherche et développement. Ainsi la R&D représente-t-elle en 2020 seulement 2,5 milliards de dollars, un niveau historiquement bas jamais connu ces 12 dernières années. Ainsi Airbus en 2020 aura-t-il dépensé 36% de plus en R&D que Boeing.

La différence se fera aussi sur la trésorerie

Dans une telle période de crise, lorsque le client se fait attendre, ou qu’il devient rare, la priorité n°1 devient la trésorerie. Dans le cas nous concernant, les compagnies aériennes, principales clientes de Boeing et Airbus doivent elles-mêmes sauvegarder leur trésorerie. Pour ce faire, elles vont conserver le plus possible des avions anciens dont l’usage sera réduit, pour retarder le plus possible la livraison d’avions neufs précédemment commandés, voire annuler certaines commandes. De cette façon, les compagnies conservent la trésorerie nécessaire à leur fonctionnement … pour le moins réduit en cette période.

Les constructeurs sont impactés par voie de conséquence par cette démarche, et doivent faire la même chose que leurs clients. En cette période de crise, l’activité au lieu de générer de la trésorerie en consomme. Ainsi Airbus a consommé pour ses activités opérationnelles 6,5 milliards de dollars. Sachant qu’Airbus dispose de 19,3 milliards de dollars de trésorerie à fin 2020, cela signifie qu’à ce rythme-là, Airbus pourrait tenir 3 ans sans endettement supplémentaire, alors qu’elle peut encore accroitre son endettement, et donc trouver de la trésorerie supplémentaire.

L’activité de Boeing a coûté à la compagnie quant à elle 18,4 milliards de dollars, soit presque 3 fois plus qu’à Airbus, ce qui est homogène avec le niveau des pertes précédemment vu. Avec une trésorerie à fin 2020 de 25,6 milliards de dollars (en prenant les placements à court terme), Boeing ne pourrait tenir que 1,4 ans. Sachant que la marge d’endettement de Boeing est désormais fortement réduite voire nulle, vu son taux d’endettement et les frais financiers qu’elle paye, on voit bien « qu’au pire », Airbus possède pour son avenir une marge de manœuvre nettement plus importante et confortable.

Louis Kulicka

 

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Louis Kulicka

Il a commencé sa carrière aéronautique comme vélivole. Depuis une vingtaine d'années, il est aéromodéliste : il conçoit ses propres planeurs ensuite construits en matériaux composites. Ayant une formation en gestion finance, il réalise pour Aérobuzz des chroniques financières sur les constructeurs aéronautiques.

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  • Pour mieux apprécier les résultats respectifs de Boeing et d'Airbus il serait intéressant de pouvoir isoler la part qui est due aux charges exceptionnelles (donc ponctuelles) associées notamment aux problèmes du 737MAX et du 787 pour l'un et à l'arrêt de la chaîne A380 pour l'autre; il ne faut pas oublier non plus que ces deux grands groupes ont des activités très diversifiées (civil, militaire, espace, etc...) dont les contributions aux résultats actuels et futurs pèsent de façon très variable.
    Pour Boeing le niveau des pertes d'une part et celui de l'endettement d'autre part pose effectivement le problème de la capacité de remboursement des dettes; ce problème ne peut trouver une issue que par une recapitalisation et la question qui se pose alors c'est qui seront les actionnaires qui apporteront leur soutien salvateur ? question cruciale, car ce sont eux qui tiendront les manettes chez Boeing.

  • Merci pour ces chiffres qui me surprennent un peu. Airbus avec 2.8M€ sur l année dans le civil travaille donc à bien autres choses que l'A321XLR : Nouveaux process et materiaux du type thermoplastique, Volocopter, remotorisation de l A350 ( pour freiner la commercialisation déjà retardée du 777X) ,nouvelle voilure composite pour un hypothétique A322,pré étude d un ATR Hydrogène...l avenir nous dira s' il profite de cette période où Boeing est affaibli pour bien préparer l avenir. J ai confiance si la politique ne s'en mêle pas trop.

  • Deux questions complémentaires sur le poste" R&D":
    Comment et où les aides publiques essentiellement françaises et allemandes à la recherche sont elles comptabilisees?
    A t on une répartition de cet effort de 3.4M€ entre la division avions commerciaux , défense& space, helicopters? Je doute que le programme pour l A321XLR soit au delà de 500M€, aussi la " défense& Space" doit être aujourd'hui majoritaire dans cet effort. Merci pour votre eclairage

    • Bonjour Mikeul,
      Voici la ventilation de la R&D selon les principales activités d'Airbus Group, chiffres tirés du rapport annuel 2020 :
      Avions commerciaux : 83%
      Hélicoptères : 9%
      Défense et espace : 8%
      Pour les aides publiques (modalités, montants) je demande un sursis !
      Cordialement, LK

      • Les Avances remboursables représentent une aide importante et ancienne des pouvoirs publics au financement des programmes de R&D (avions, moteurs, etc..); il faut préciser que les prêts de l'Etat sont remboursables "en cas de succès" sur un nombre d'années donné, généralement en % du chiffre d'affaires réalisé sur la série; si le programme est un grand succès, les remboursements de l'industriel vont même au-delà du financement reçu; si par contre le programme est un échec, l'industriel n'a pas de remboursement à faire, ce qui atténue ses pertes; en résumé c'est une formule "gagnant-gagnant" qui a depuis de nombreuses années fait ses preuves et qui mérite d'être connue.

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