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Industrie

Elixir Aircraft 3/3 : Nouvelle stratégie industrielle

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Fabrice Morlon

Alors qu’il s’apprête à livrer le premier exemplaire de son biplace à son premier client, Elixir Aircraft opère un changement radical dans sa stratégie industrielle. L’avionneur rochelais réintégre l’ensemble de la production et en particulier celles des pièces en matériaux composites.

Depuis février 2021, l’usine d’assemblage de 2.300 m² située sur l’emprise de l’aéroport de La Rochelle est pleinement opérationnelle. L’inauguration a eu lieu en grandes pompes en septembre 2021 avec la visite du ministre délégué en charge des transports, Jean-Baptiste Djebbari, qui en a profité pour tester l’Elixir en vol.

Les sièges de l’Elixir sont fabriqués dans l’usine d’assemblage. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Au-delà de la réception de l’usine d’assemblage au début 2021, Elixir Aircraft entame un tournant stratégique radical dans la production de l’Elixir.

Faute d’avoir eu la possibilité de tout centraliser sur l’aéroport de La Rochelle-Ile de Ré, l’avionneur est en train de s’installer dans une nouvelle usine à Périgny, dédiée quant à elle à la production des éléments en matériaux composites OneShot.

Jusqu’à présent, le fuselage, l’aile, l’arceau de verrière, les gouvernes et volets étaient réalisés en sous-traitance par C3 technologies à Périgny. L’objectif de l’avionneur est de réintégrer toute la production de ces éléments en OneShot en interne. La transition se fait en bonne intelligence avec C3 Technologies, dont une partie du personnel a été intégrée à l’équipe d’Elixir Aircraft.

Le plan de relance du gouvernement a ainsi permis à Elixir Aircraft d’acquérir du matériel, autoclaves et machines de découpe laser, et également de recruter quatre personnes pour commencer dans les prochaines semaines la réintégration progressive de la production OneShot. L’avionneur rochelais reste fidèle au principe fondateur de l’entreprise de produire toutes les pièces structurelles en France, à proximité du lieu d’assemblage.

La fabrication de ces pièces monolithiques devrait être à terme rapatriée vers l’usine d’assemblage de La Rochelle, dans un nouveau bâtiment qui sera construit sur l’emprise de l’aéroport.

Le niveau supérieur du bâtiment actuel dédié à l’assemblage final regroupe les bureaux, le stockage de pièces, les ateliers de réalisation des sièges et un large espace de travail pour la confection des petites pièces en matériaux composites, avec les autoclaves servant à la cuisson des pièces.

Dans l’usine d’assemblage, près de la moitié de l’effectif actuel est dévolu à la production.

Vingt personnes sur les 48 employées par Elixir Aircraft travaillent en parallèle sur l’assemblage, la conception des pièces en matériaux composites de petite taille et l’assemblage des sous-ensembles qui composent l’avion.

Au rez-de-chaussée sont répartis les postes de soudure, deux cabines de peinture et les postes d’assemblage. Lors de notre visite à La Rochelle, quatre postes d’assemblages étaient occupés par les exemplaires MSN 5, 6, 7 et 8.

« Nous nous sommes inspirés de nos expériences respectives chez Dyn’Aero et chez Dassault Aviation pour organiser l’assemblage des avions » explique Cyril Champenois, co-fondateur d’Elixir Aircraft. « Chaque avion est organisé comme un atelier à part entière. Nous procédons par étapes : nous commençons par sortir du stock les kits de petits systèmes (blocs de freins, commandes, manette des gaz…). Tous ces sous-ensembles stockés individuellement sont sortis progressivement du stock selon un timing qui évolue encore. Le 10e avion devrait être assemblé en fin d’année et avec chacun d’entre eux nous apprenons à ajuster le timing de sortie des sous-ensembles pour gagner en efficacité et en rapidité dans l’assemblage final. »

Les cellules, qui proviennent tout droit des ateliers de C3 Technologies, sont stockées dans un espace qui accueille les hélices au fond et les poches pour les réservoirs en attente de montage. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

L’outillage est un point d’importance capitale dans le processus d’assemblage. Plusieurs bâtis ont été fabriqués, en interne, sur mesure pour permettre de gagner en rapidité et en autonomie. « Nous avons mis récemment en service un bâti conçu pour les ailes qui permet à une seule personne de la peindre en autonomie. Avant cela, il fallait être deux pour cette opération » précise Cyril Champenois. « De même, un autre bâti permet à un opérateur de mettre deux trains principaux en pression tout en étant hors sol. Un autre encore permet de poncer et peindre les cellules avec un maximum de confort et d’accès à toutes les parties du fuselage. »

Les cellules, qui arrivent pour l’instant des ateliers de C3 Technologies, sont stockées avant de passer l’une après l’autre par l’étape de ponçage de finition. Les cellules sont équipées de la cloison pare-feu puis vient l’étape de la peinture.

La verrière de MSN 5 est en cours de finition avec le collage des liserés bleus. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

En parallèle, les bulles de plexiglas sont montées sur les arceaux de verrière, qui proviennent eux aussi de C3 Technologies, après que ces derniers ont été peints.

La cellule part ensuite sur le premier poste où le câblage est installé ainsi que les commandes et les systèmes avioniques, comme sur MSN 6 alors en cours d’assemblage au moment de notre visite. Les fusibles, la batterie et le parachute de cellule sont installés par la suite derrière la cloison pare-feu.

Dans l’atelier d’assemblage, MSN 7 au premier plan avec sa cloison pare-feu et MSN 8 à l’arrière plan. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

L’avion passe par la suite sur le poste d’assemblage suivant où, comme MSN 5 alors en place lors de notre visite, il recevra le moteur Rotax 912 iS sur son bâti. Le tableau de bord est installé puis l’avion reçoit son aile préalablement dotée du réservoir anti-explosion inséré par une extrémité.

Le câblage est installé sur MSN 6, qui a préalablement été peint. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

MSN 6 a également reçu les systèmes avioniques qui seront plus tard cachés par le tableau de bord.. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Des astuces permettent un assemblage simplifié et rapide de certains éléments. Les saumons d’ailes sont en fait des trappes par lesquelles on accède à la chaîne de commande des ailerons ou encore au capteur de température et aux feux de navigation.

Le système de carburant est l’un des sous-ensembles assemblés dans les ateliers de l’avionneur. Les pompes, le filtre et le système de purge sont montés sur un élément en matériaux composites qui forme un bloc démontable en enlevant 6 vis. « Cette logique de sous-ensembles permet un gain de temps sur la chaîne d’assemblage » explique Cyril Champenois, « mais ces astuces ont été avant tout pensées pour une maintenance facilitée. » Il suffit ainsi de déposer le bloc entier du système carburant pour travailler à l’aise sur établi sans avoir à travailler couché sur le dos sous l’avion.

A l’instar du bloc carburant, l’Elixir est composé d’une somme de sous-ensembles qui sont eux-mêmes assemblés en amont de la chaîne d’assemblage final. Sièges, tableau de bord, éléments de structures en composites sont conçus dans les ateliers d’Elixir Aircraft puis stockés avec les autres pièces qui proviennent de fournisseurs (visserie, commandes, parachute et son système pyrotechnique, instruments et systèmes avioniques, hélice, jambes de trains et leurs différents composants…).

Le bloc carburant est monté sur un support qui aura également la fonction de trappe. Il suffira d’enlever 6 vis pour démonter tout le bloc. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Chaque pièce qui sort du stock est identifiée et traçable par un code.  Chaque poste dispose d’une cheklist permettant de suivre l’état d’avancement et de valider le travail effectué. Au papier succédera bientôt la tablette tactile connectée à un serveur qui permettra de centraliser les données d’avancement de la fabrication des pièces et de l’assemblage des avions, tout en conservant un historique précis de la fabrication non seulement des pièces mais aussi de l’assemblage des avions.

L’une des pistes d’amélioration est la gestion de l’approvisionnement des kits et sous-ensembles vers la chaîne d’assemblage final. « C’est un gros enjeux pour nous qui permettra de gagner un temps considérable » explique Arthur Léopold-Léger, co-fondateur d’Elixir Aircarft. « L’objectif est d’automatiser l’approvisionnement avec un robot qui ira chercher les différentes pièces dans le stock. »

Les pièces en matériaux composites autres que celles réalisées en OneShot sont conçues en interne. Le OneShot sera réintégré également en interne à la fin 2021 dans une usine à Périgny. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Les pièces en matériaux composites autres que celles employant la technique du OneShot sont réalisées dans l’usine d’Elixir Aircraft. Les carénages de roues, cône d’hélice, saumons d’aile ou encore la structure des sièges sont moulés et cuits dans les autoclaves présents sur le site.

La structure des sièges, les carénages de roues ou encore la console centrale qui reçoit la monomanette sont réalisés en matériaux composites. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Les tableaux de bord sont également réalisés en interne et cuits dans les fours d’Elixir Aircraft. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Lorsqu’Elixir Aircraft a fait le choix d’une certification de l’Elixir sous le régime CS-23, les marges de sécurité retenues pour la certification d’avions de 19 places se sont imposées, en particulier pour l’aile réalisée d’une seule pièce avec la technique du OneShot. « Pour un avion métallique en CS-23, la marge de sécurité est de 1,5 » explique Cyril Champenois, co-fondateur d’Elixir Aircraft.

« Pour les matériaux composites, la marge est comprise entre 1,8 et 2,25. Dans la pratique, avec le cahier des charges drastique de l’EASA, nous avons atteint un facteur 4,5, cela signifie que l’aile est en fait 4,5 fois plus épaisse que que le design sans marge de sécurité.

Les marges correspondent à des cas extrêmes qui , de manière hautement improbable dans la réalité, se produiraient tous en même temps, par exemple un atterrissage dur avec des rafales de vent en maintenant la vitesse de croisière. Nous avons ainsi soumis l’aile à un essai de charge avec 8,6 tonnes, 4,5 tonnes sur la profondeur et 800 kg sur les bielles. »

Le parachute de cellule et les fusibles sont installés dans un logement situé entre la planche de bord et le pare-feu. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Dans son processus d’industrialisation, Elixir Aircraft est soutenu depuis 2019 par deux programmes d’envergure qui permettent de rendre disponible une enveloppe de 5 millions d’euros notamment pour la recherche et le développement. L’une des conditions d’attribution de ces subventions étant une partie d’autofinancement, Elixir Aircraft participe au montent de cette somme à hauteur d’1,7 millions d’euros.

Le moteur et son bâti sont installés sur MSN 5 au dernier poste d’assemblage. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Le programme européen H2020 a ainsi attribué à Elixir Aircraft une subvention de 2,5 millions d’euros qui a permis à l’avionneur de bien démarrer dans son processus d’industrialisation, de manière à envisager rapidement une mise sur le marché de l’Elixir. La subvention, qui vient s’ajouter au 6 millions d’euros de fonds propres à l’entreprise en 2021, autorise le financement de la recherche et du développement, mais aussi l’achat de matériels et de services ainsi qu’une partie des ressources humaines.

L’avionnique et les instruments sont installés sur MSN 5 qui recevra bientôt les sièges, le stabilisateur et la verrière. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Autre programme majeur, Elixir Aircraft a rejoint Airbus, Daher et Cobam parmi d’autres, dans le projet de recherches soutenue par la DGAC, le CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile).

« L’objectif de ce programme est de démontrer la sûreté des matériaux composites de manière à les utiliser davantage en aviation » explique Cyril Champenois, « des ailes de tests vont être fabriquées en optimisant la matière par zonage : en gros, nous serons capables de savoir où ajouter de la matière, avec des marges de sécurité différentes, et où il n’est pas nécessaire d’en ajouter. Tout ceci permettra de réduire la masse sur les structures en carbone qui composeront peut-être la prochaine génération d’aile de l’Elixir. »

Dernières étapes sur MSN 5. Les saumons d’ailes, les capots moteur, la verrière et le stabilisateur restent encore à installer. © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

En 2015, Elixir Aircraft débutait avec cinq personnes. Aujourd’hui, l’avionneur rochelais emploie 48 personnes et en a embauché 25 depuis octobre 2020. L’entreprise projette d’embaucher encore 20 personnes au prochain trimestre 2022 et estime un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros en 2028.

Le carnet de commandes de l’avionneur totalise 100 appareils en précommande et 18 en commande ferme, dont 10 à destination d’aéroclubs. Neuf avions devraient sortir de l’usine d’assemblage en 2021 et l’avionneur rochelais vise la production de 25 avions en 2022.

Alors qu’il s’apprête à livrer son premier Elixir motorisé par le 912 iS de Rotax, Elixir Aircraft travaille d’ores et déjà sur de nouveaux projets, dont la motorisation avec le Rotax 915 iS sur le point d’aboutir. L’avionneur travaille également sur une future version IFR de l’Elixir et d’autres projets sont en train de prendre forme. « L’aventure ne fait que commencer! » s’enthousiasme Cyril Champenois.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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