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Industrie

Le carburant d’aviation durable réduirait les traînées de condensation

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Fabrice Morlon

D’après une étude de la NASA menée conjointement avec le DLR allemand, le carburant durable d’aviation permettrait de réduire de 50 à 70% les cristaux de glace qui forment les traînées de condensation.

Le Centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique (DLR, Zentrum für Luft- und Raumfahrt) et la NASA ont débuté dès 2015 leurs expérimentations conjointes sur le carburant d’aviation issu de matières organiques. Un DC-8 de la NASA, suivi par un Falcon 20 du DLR, ont été utilisés pour ces premiers tests.

Les tests menés par l’agence nord-américaine et l’agence allemande se sont poursuivis en 2018 avec une seconde campagne en vol sous le nom d’« Expérimentation de l’impact du carburant alternatif sur les émissions et le climat ». Ils ont été menés depuis la base allemande de Ramstein, au sud-ouest de Francfort, en Allemagne.

A320 et DC-8 en formation

Pour cette seconde campagne, un Airbus A320 du DLR a été mis en œuvre, équipé de deux moteurs Aero Engines V2527-A5 et bardé de capteurs. Un DC-8 « Flying Laboratory » de la NASA suivait à bonne distance l’A320 de manière à échantillonner et analyser les gaz et particules dans le sillage de l’A320.

Cinq carburants différents ont été testés : deux carburants traditionnels composés à 100% de Jet A1 de différentes compositions, et trois mélanges composés des deux carburants Jet A1 précédemment utilisés, avec 41% de carburant semi-synthétique pour le premier mélange, puis 49% et 30 % de carburant durable d’aviation (SAF, Sustainable Aviation Fuel) pour les deuxièmes et troisièmes mélanges.

Le carburant synthétique a été obtenu suivant le procédé « Fischer-Tropsch » qui permet d’obtenir du carburant par catalyse du monoxyde de carbone par l’hydrogène. Le matériau utilisé pour obtenir le carburant testé est le charbon dans ce cas. Les carburants d’aviation durables sont quant à eux issus de l’extraction d’huile végétale.

SAF contre Jet A1

Les résultats de cette expérimentation, publiés dans la revue Nature, montrent que les carburants durables d’aviation peuvent produire de 50 à 70 % en moins de traînées sous forme de cristaux de glace à l’altitude de croisière.

« Nous savons que la formation de traînées de condensation à partir des gaz d’échappement des avions à réaction a un impact plus important et plus immédiat sur le climat que les émissions de dioxyde de carbone », précise Richard Moore de la NASA, l’un des 29 scientifiques ayant contribué à la campagne de tests. « Cette recherche montre que nous avons la possibilité, en utilisant des carburants alternatifs, de produire des changements immédiats qui pourraient aider la planète. »

« Les formations de traînées de cristaux de glace peuvent s’attarder dans la haute atmosphère pendant des heures et affecter la façon dont la Terre est chauffée et refroidie. Elles provoquent des hausses de température localisées qui, à terme, ont un impact sur le changement climatique » affirme l’étude de la NASA et du DLR.

Le DC-8 de la NASA suivant l’A320 du DLR au-dessus de l’Allemagne en janvier 2018. © NASA / DLR

Les gaz d’échappement des moteurs à réaction contiennent de la vapeur d’eau et des particules issues de la combustion du carburant. Lorsque la vapeur d’eau se refroidit, elle se condense. Des cristaux de glace se forment lorsque cette eau surfondue interagit avec les résidus de combustions, ou avec des particules naturellement présentes dans l’air, qui forment alors un noyau sur lequel la glace s’accroche.

Des cristaux plus gros mais moins nombreux

« En utilisant des carburants alternatifs, » affirme l’étude, « les moteurs à réaction libèrent moins de particules issues de la combustion, ce qui entraîne moins de formations de cristaux de glace. Les cristaux qui se forment sont plus gros, mais ils tombent plus rapidement et fondent dans l’air plus chaud dans les couches plus basses. »

D’autres études sur l’impact des carburants durables d’aviation sont en cours, comme celle mise en œuvre par le DLR, Airbus et Rolls-Royce début mars 2021 avec 100% de SAF. Pour l’heure, le mélange SAF/Jet A1 est réglementairement limité à une proportion 50/50. Le défi n’est plus tant technique, puisque les réacteurs standards savent brûler du SAF, mais plutôt logistique et politique.

D’après une intervention de Philippe Le Clercq, en charge des études sur les carburants alternatifs au DLR, lors du webinaire organisé par l’Académie de l’Air et de l’Espace en mars 2021, le carburant d’aviation durable ne représenterait qu’à peine « 0,1% des quelque 360 milliards de litres de carburants d’aviation utilisés en 2019 ».

Le scientifique estime enfin que, pour atteindre les objectifs d’un mélange composé de 50% de SAF en 2050, il faudrait une production de 500 millions de tonnes de carburant durable d’aviation.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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  • Mais comment vont faire nos amis complotistes pour expliquer la disparition ou la raréfaction des "chemtrails" ? Je ne doute pas que leur imagination débordante nous fournira des lectures croustillantes et beaucoup de fous rires !

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