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Industrie

Le trio Peugeot-Fiat-Chrysler s’engage dans les taxis volants

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Gilles Rosenberger

Le nouveau groupe automobile Stellantis (PSA-Fiat-Chrysler) se lance à son tour sur le marché des taxis volants électriques aux côtés de la start up californienne Archer. Il vise une production annuelle de 5.000 eVTOL. United Airlines est prête à payer 1,5 milliards de dollars pour 200 unités. Mises en service en 2024. Malgré le sérieux de ces industriels, jusqu’où tout ceci est-il crédible ?

Archer est une start up californienne créée par deux associés qui avaient fait leur fortune dans le marketing digital. Elle réunit une vingtaine d’ingénieurs venant de Wisk, la co-entreprise entre Boeing et Larry Page (fondateur de Google), et de Vahana, le projet californien avorté d’Airbus. En janvier 2021, à Las Vegas, dans le cadre du salon CES (Comsumer Electronic Show), le méga-salon de l’électronique et du digital, Archer a présenté son projet d’eVTOL (Electric Vertical take off and landing) baptisé Maker. Un de plus ! Sauf que ce qui a retenu l’attention, c’est la qualité des bonnes fées qui étaient penchées sur le berceau. En l’occurrence le groupe franco-italo-américain Stellantis, formé par PSA, Fiat et Chrysler, qui s’est présenté comme partenaire industriel d’Archer.

Voilure fixe et tilt rotor

Le Maker est un aéronef électrique à décollage et atterrissage vertical (eVTOL), offrant 5 places (dont celle du pilote) capable, sur le papier, de parcourir 60 miles soit un peu moins de 100 km à 150 mph (240 km/h). La batterie de ce véhicule de 3 tonnes représente un tiers de la masse totale et offre 143 kWh utilisables dont 80 dédiés à la croisière.

Les images de synthèse présentent un appareil doté d’une voilure fixe sur laquelle 6 poutres portent chacune 2 moteurs : un en avant du bord d’attaque et un en arrière. Tous les moteurs « avant » sont dotés de la fonction basculante (tilt rotor).

Avec 187 Wh/kg, la densité massique de la batterie semble dans la norme actuelle pour bien maîtriser les contraintes d’un contrôle thermique actif. Mais nous n’en connaissons, ni la durée de vie, ni les vitesses de charge et de décharge. Encore moins le prix cible.

Des performances techniques et financières affichées, ambitieuses mais peu crédibles

L’ambition d’Archer semble aller bien au-delà du consensus industriel. Elle ne peut qu’interroger les experts, notamment en ce qui concerne le prix de la course payée par le client final, les émissions sonores ou encore le calendrier.
L’offre passager à 3,3 $/mile (1,80 €/km par passager) se positionne au niveau d’Uber-X. Ce tarif va être pour le moins difficile à atteindre avec un véhicule dont la presse présente le prix unitaire à 7,5 M$. D’où un substantiel montant de pertes à absorber pour garantir un prix aussi bas dès les premières années !

Selon les porteurs du projet, l’eVTOL d’Archer avec ses 12 moteurs électriques ne devrait pas dépasser un niveau sonore de 45 dB. Pour mémoire, avec un seul moteur et une hélice de plus grand diamètre (donc tournant probablement moins vite) le biplace électrique Velis Electro de Pipistrel émet 60 dB (dans les conditions de mesure du certificat de bruit). Donc, à moins de tordre le bras aux conditions de mesure, les 45 dB sur 12 hélices plus rapides (et non carénées) semblent difficiles à atteindre.

Le calendrier intègre un début de conception en 2020, une certification en 2024 et un flux de trésorerie équilibré (free cash flow breakeven) fin 2025.

Une certification aussi rapide pour une configuration de véhicule mal connue (6 tilts rotors en amont de l’aile) et destinée au vol urbain (soit le niveau d’exigence de sécurité le plus élevé) constitue un premier objectif difficilement crédible. Et l’annonce de la prévision de flux de trésorerie positif étonne tout autant.

La compagnie américaine United Airlines a annoncé le 10 février 2021 sont intention de participer à ce projet, à deux niveaux. Elle se pose en investisseur aux côtés de Stellantis (et de nombreux autres) pour un montant total de 1,1 milliard de $. Elle se présente également en tant que client : elle évoque une commande plus de 1 milliard de dollars malgré toutes les incertitudes sur une définition du Maker qui semble ne pas être encore stabilisée, sans parler du calendrier de certification surréaliste et de la maitrise hypothétique des couts opérationnels. Autant dire que cette commande reste conditionnelle.

Certains observateurs voient ici une fuite en avant d’United, d’autres comme un extraordinaire pari sur un avenir post-covid et décarboné.

En fin d’année dernière, United Airlines avait déjà annoncé un investissement hautement spéculatif de plusieurs milliards dans la capture et séquestration de carbone (une technologie en émergence pour extraire le CO2 de l’air ambiant).

Quant à Stellantis, c’est sa composante Chrysler qui est à la manœuvre ; ses compétences industrielles proposées interrogent. Les prévisions évoquent la production de 5.000 véhicules par an : un chiffre extraordinairement élevé pour une production aéronautique mais désespérément faible pour une production automobile. Reste à comprendre quels montants sont effectivement investis en cash pour identifier une véritable opération industrielle et non juste une grosse opération de communication.

De tout cela, il n’existe aujourd’hui qu’une belle plaquette de présentation, des déclarations de dirigeants, un dossier ouvert auprès de la FAA, auprès des autorités financières, des contrats de travail avec une très belle équipe, et probablement quelques (petits …) millions déjà dépensés.

Mais la levée de fonds à hauteur de 1,1 milliard $, qui au passage valoriserait la start up Archer à 2,7 milliards $ (avant augmentation de capital), n’est pas encore réalisée. Il ne s’agit encore que d’un projet qui tente de se donner de gros moyens.

Gilles Rosenberger

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Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger se définit comme ingénieur, pilote (aile delta, planeur et avion monomoteur) et entrepreneur. Expert de la Nouvelle Aviation, il est un observateur avisé et bien informé des développements des nouvelles technologies et usages qui devront nous permettre de “voler moins carboné”. Il a construit son expérience et son expertise dans des sociétés telles que Socata, Aircelle, Safran, GECI-Skylander, Thales, Airbus-Voltair, Faraday Aerospace et Time To Fly.

View Comments

  • Il n'existe pas de trio: Fiat a acheté Chrysler même si la dénomination pour ne pas déplaire était Fiat Chrysler Automotive (FCA) aujourd'hui il existe Fiat + Peugeot avec un nouveau nom Stellantis .

  • Aberration complète tant sur le plan technique, économique ou réglementaire ; par contre jackpot évident pour les chasseurs de primes, subventions et "plans soit-disant écolo" en tous genres qui fleurissent actuellement avec l'argent des contribuables européens.
    A chaque génération ses avions renifleurs !!!
    Ce qui est plus honteux c'est que les grands de l'automobile ou de l'aéronautique patronnent parfois ces stupidités pour faire semblant de participer au mouvement de la "pseudo-modernité".

  • Je ne peux oublier les conclusions qui ont suivi les essais du Bréguet 941 entre Issy les Moulineaux et Orly ni le fiasco des liaisons par hélicoptères entre Orly et Bruxelles. Pour le Bréguet c'était l'inadéquation des contraintes pour s'intégrer dans le trafic à Orly qui rendait le temps de vol prohibitif et donc la liaison non concurrentielle avec les moyens terrestres. Je ne vois pas comment des taxis volants peuvent apporter une aide significative au transport urbain compte tenu qu'ils sont inadaptés aux encombrements qui en résulteront. Le "pare-choc contre pare-choc" risque d'être particulièrement redoutable.

  • Les remarques de Gilles quant à la méfiance sur de tels projets sont bien sûr réalistes. On a un peu l'impression que le monde aéronautique devient une espèce de squale qui se débat au bout d'un hameçon (Covid, Changement Climatique, Biodiversité) : E-vtol, Hydrogène, Supersonique, hybridation, biocarburants....
    Je ne crois pas vraiment à l'avènement de toutes ces technologies (affaire de conviction personnelle) ; pour autant, par amour de l'aéro, pour la sauvegarde d'emplois, et parce que le rêve est toujours dans les gènes, ces investissements sont certainement ce qu'il y a de mieux pour l'instant. Soit il en sortira quelque chose, soit l'avenir imposera de nouvelles directions moins brillantes...

  • A 7,5M$, on voit enfin un prix, et il est plausible. C'est plus cher qu'un hélicoptère neuf de même capacité et qui va aussi vite.
    Différence: peut-être moins de bruit; moins cher en carburant; un peu moins cher en entretien mais ça reste un mécanique complexe
    Bref, ce ne sera pas pour le passager moyen d'un taxi urbain

    • c'est amusant, je faisant le même calcul que vous. ...
      Enfin un peu de réalisme dans ce marché délirant d'annonces et de promesses.
      je ne vois pas en quoi ces 200 machines supposées intéresser United Airlines auraient un plus significatif par rapport à l'hélicoptère (côté bruit, on attend-avec impatience- un gain quelconque sur les rotors, côté carburant, l'électricité n'est jamais - jamais - "propre": solaire et éolien portant un coût délirant de fabrication, de transport, d'installation et d'entretien pour un gain marginal pour le réseau, gaz et charbon, on connait, et nucléaire décrié par une bonne partie des irrationnels, quant aux batteries, que dire de leur fabrication et de leur destruction...). Mais au moins, United met un vrai prix sur les choses. Celui d'un hélicoptère. Ils comptent sans doute de l'infrastructure dans le coût, mais c'est une bonne base de départ pour amortir les centaines de millions de dollars investit pour quelques milliers d'unités...

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