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Industrie

Avec le premier vol du C919, la Chine se rappelle au bon souvenir de Boeing et d’Airbus

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Gil Roy

 

Avec le C919, avion de 168 places propulsé par deux moteurs Leap-1C de CFM International, la Chine ouvre une brèche dans le duopole Airbus – Boeing qui se partage le juteux marché des monocouloirs. L’Américain et l’Européen seront-ils capables de conserver leur longueur d’avance sur le Chinois ? Pour cela, il faudrait que pendant que Comac acquiert le savoir-faire sur son marché captif, Boeing et Airbus lancent les successeurs du 737 et de l’A320 que le monde leur réclame. Il y a urgence maintenant que le C919 vole !

Sur les 20 ans à venir (2016-2035), Boeing estime que les compagnies chinoises auront besoin de 5.100 avions monocouloirs neufs de type 737MAX et A320neo. Comac, avec son C919, ne devrait pas peser encore très lourd sur cette période, même si avant le premier vol, il revendiquait déjà 570 commandes 23 clients, essentiellement chinois, autrement dit… captifs.

Comac voit au-delà de la Chine

Les deux constructeurs sont bien décidés à ne rien lâcher et à continuer de s’accaparer la plus grosse part de ce marché pendant qu’ils le peuvent encore. En implantant une unité d’assemblage finale à Tianjin, dès 2008, Airbus a, d’une certaine manière, cherché à anticiper, mais aussi à prendre l’ascendant sur Boeing. Mais à moyen terme, la partie ne se jouera plus seulement à deux, mais à trois.

Le C919 a effectué son roll out le 2 janvier 2015. © ComacD’ici à 2035, l’industrie aéronautique chinoise va continuer à monter en puissance et quand elle aura rejoint Boeing et Airbus, elle ne se contentera plus de son seul marché national, même si il est le plus important. Ce sera d’autant plus facile pour elle qu’elle est à bonne école et que la Chine est une élève appliquée qui comprend vite.

Premier client du moteur franco-américain Leap

La Chine est également pragmatique. Avant de se lancer dans l’innovation, elle a choisi d’apprendre à assembler. D’ailleurs, le métier d’avionneur n’est-il devenu celui d’assembleur ? Il suffit de voir comment fonctionnent Boeing et Airbus pour s’en convaincre. La plupart des grands noms de l’industrie aéronautique européenne et américaine qui en ont eu la possibilité, ont embarqué dans le programme C919.

Pour le C919, Comac a fait le choix du moteur Leap-1C de CFM International. © Comac

En décembre 2009, Comac a été le premier avionneur, avant même Airbus et Boeing, a opter pour la nouvelle génération de moteur Leap développée par Safran et GE, au sein de leur coentreprise CFM International. Nexcelle, autre joint-venture réunissant Safran Nacelles et GE, fournit la nacelle et son inverseur de poussée. CFM International a déjà reçu plus de 1.000 commandes de Leap-1C pour le C919.

Montée en puissance de la Chine

Aux côtés de Safran et de GE, ont également pris place deux autres français, Zodiac Aerospace et Thales. Le premier, à travers ses différentes divisions, fournit des équipements de cabine : toboggans d’évacuation, système oxygène passagers, sièges pilotes et équipage, système de gestion de l’eau et des déchets (water&waste), galleys (cuisines), lavatories (toilettes) et porte blindée du cockpit. Le second a été retenu pour le système de divertissement (IFE).

Cérémonie de transfert du prototype du C919 aux essais en vol de Comac, le 25 janvier 2016. © Comac

Il est probable qu’un jour, ces équipementiers et motoristes occidentaux feront face à des fournisseurs chinois, comme Boeing et Airbus doivent se préparer à jouer la partie à trois dans un proche avenir. Cette concurrence est inéluctable et le refus de vente n’est évidemment pas un moyen de la contrecarrer. La Chine possède les ressources pour se hisser au niveau des meilleurs. Il lui faudra juste un peu de temps. Elle a les moyens financiers et la volonté d’y parvenir.

La fin annoncée d’un duopole

L’industrie aéronautique occidentale possède une longueur d’avance, encore faut-il qu’elle sache en tirer parti. Ce n’est pas en se focalisant sur sa marge financière et sur les dividendes versés à ses actionnaires qu’elle y parviendra, mais au contraire en décuplant ses investissements. Il a fallu à peine quatre décennies à Airbus pour se hisser au niveau de Boeing, voire le surclasser ; l’A320neo totalise plus de 5.000 commandes, quand le 737MAX a compte 3.700.

Le C919 de Comac sur la piste de l’aéroport de Shanghai, lors d’essais de roulage rapide, quelques jours avant le premier vol du 5 mai 2017. © Comac

Il ne faudra sans doute pas plus de temps à Comac pour faire éclater le duopole Airbus-Boeing s’il continue à dormir sur ses lauriers que sont l’A320 et le 737. Pour mémoire, le 737 a effectué son premier vol le 9 avril 1967, cinquante ans avant le C919, et l’A320, le 22 février 1987, trente ans avant. D’ici quelques années, les trois modèles seront sur la même ligne de départ face à un client qui veut acheter un lot de monocouloirs. A ce moment-là, on aura oublié que le C919 a effectué son premier vol avec plus de deux ans de retard et que les certifications américaines et européennes auront été laborieuses à décrocher.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • EH oui les chinois ont acheté un airbus A320 qui n'a jamais volé , donc demonté en pieces pour tout copier!!

  • Entre les annonces médiatiques et la réalité des choses, il y a un monde.

    Il est urgent d'attendre pour savoir ce que va devenir cet avion. Tout n'est pas si rose que ce que cet article laisse supposer.

  • De toutes façons tous ce qu'ils n'auront pas obtenu par la négociation il le prendront par l'espionnage c'est se voiler la face que de ne pas le reconnaitre et leurs moyens sont illimités la coopération permet de limiter la casse momentanément pour combien de temps c'est la toute la question mais il joue aussi en notre faveur quand les Chinois aspirent à de meilleures conditions de vie !

  • N'oublions pas que le premier A300 avait aussi un moteur américain, des systèmes US... Il faut bien commencer. POur ce qui concerne le C919, d'ailleurs, si les grands Equipementiers occidentaux se sont tous précipités à Shanghai lorsque COMAC a ouvert les candidatures pour la sélections de ses Fournisseurs, c'est bien que ces Occidentauxallaient pensaient que ce serait un succès!
    Enfin, pour le successeur des A320 et 737, la clé c'est la motorisation: en lançant le 320Neo, Airbus a verrouillé les motoristes sur le LEAP et le PW1000G: ceux-ci vont devoir durer trente ans pour couvrir les frais de développement. Donc, qui ferait le moteur d'une nouvelle génération d'avions Airbus ou Boeing ? C'est bien la question cruciale qui se pose à Boeing dans sa réflexion actuelle sur le MoM aircraft: mais avec quel motoriste et quel moteur entièrement nouveau ???

    C'était cela la question-clé-stratégique du lancement de l'A320neo...COMAC et Boeing n'ont eu alors qu'à se servir du Leap qui devenait disponible.

  • Euh, première brèche... je dirai plutôt un bateau qui coule...
    C'est un peu oublier d'autre concurrent comme Embraer et Bombardier (CS Series).
    @shiualilapa : oui mais 10ans plus tard, airbus n'a rien de nouveau à proposer.

  • En réalité, les Chinois fabriquent quoi dans cet avion ? Voir l'article sur Liebherr, moteurs Leap, etc.. Il me semble qu'ils dépendent encore beaucoup de fournisseurs non chinois. C919 avion assemblé en Chine. Quant à dire avion chinois ?

  • Ils ont mis 10 pour copier un A320.
    Encore pas mal de temps pour concevoir un avion a partir d'une feille Blanche.
    D'ici la les vrais constructeurs auront sorti des nouveaux modeles.

  • Il est un peu trop tard pour jouer les vierges effarouchées!. C'est avant qu'il fallait réfléchir, au lieu de considérer la Chine comme le nouvel eldorado, et leur offrir sur un plateau notre technologie. Navrant de constater un tel angélisme de notre part.. La Chine est un adversaire, pas un partenaire, et on va le payer lourdement. Sans regrets.. à trop vouloir chercher le bâton pour se faire battre, et bien , on le trouve!!.

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