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Un viseur d’étoiles pour se passer du GPS de nuit comme de jour

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Fabrice Morlon

La Direction Générale de l’Armement va débuter dans les jours prochains les tests en vol d’un démonstrateur de viseur d’étoiles mis au point par Sodern en coopération avec Safran Electronics & Defense. En cas de perte ou de brouillage du signal GPS et des aides à la radionavigation, le viseur d’étoiles est en mesure de fournir à la centrale inertielle de l’avion une position précise même en plein jour.

Un aéronef militaire approche sa cible en plein jour. Sans aide à la radionavigation, le pilote déconnecte la réception du positionnement par satellite et pourtant, l’appareil est capable de se positionner de manière précise. Un nouvel outil embarqué permet au pilote de poursuivre son guidage vers l’objectif : un viseur d’étoile diurne.

Avec ce système innovant, l’ancienne navigation astronomique est sur le point de revenir dans les cockpits des avions, à quelques différences près. Si le procédé était bien connu et utilisé pour le positionnement des vols commerciaux transatlantiques il y a encore quelques années, les constellations de satellites, qui offrent une précision de navigation inégalée, ont remplacé la navigation aux étoiles.

Depuis trois ans, l’entreprise Sodern, filiale d’Ariane Group, travaille sur un démonstrateur qui, monté sur un avion de combat, permettra au pilote de connaître sa position de nuit comme en plein jour, même en cas de perte de signal satellite ou des aides à la radionavigation (VOR, TACAN…).

« Le positionnement par satellite (GPS, GLONASS, Galileo…) est un outil fantastique, précis, utilisé aussi bien par l’aviation militaire que commerciale » reconnaît Fabrice D., ingénieur systèmes et simulations chez Sodern, qui précise toutefois que « le signal descendant de la constellation de satellites peut néanmoins être altéré, volontairement ou non, ce qui rend le signal inexploitable tant pour des raisons de sécurité de l’aéronef que pour sa navigation. »

Le viseur d’étoiles modulaire Hydra peut être composé de quatre têtes optiques et deux unités électroniques séparées. © Sodern

Brouilleurs de GPS

L’Association Nationale des Fréquences, avec les forces de l’ordre, a par exemple repéré en 2019 que des brouilleurs GPS installés à bord de véhicules mobiles faisaient perdre le signal GNSS aux appareils commerciaux en approche et au décollage depuis les aéroports de Lyon-Bron et Marignane. Avec des conditions météorologiques dégradées, lors d’approches de catégories II ou III, le brouillage du signal satellite peut avoir des conséquences dramatiques.

Pour l’aviation militaire, le problème du brouillage du signal satellite et des ondes radio est majeur. Les brouilleurs sont bien connus et utilisés par les groupes armés et certains théâtres d’opérations peuvent ne pas être couverts par les satellites des différentes constellations.

« L’idée est de s’affranchir des aides conventionnelles à la navigation en adaptant une technologie issue du spatial sur un aéronef ou un véhicule au sol » explique encore Fabrice D.

Sodern est spécialisé dans la conception d’outils équipant les satellites et en particulier les viseurs d’étoiles. Un viseur d’étoiles permet à un satellite de se positionner de manière précise sur un point fixe, une étoile en l’occurrence, et de conserver cette position par exemple pour l’observation de la Terre. Le viseur Auriga, à encombrement réduit, équipe notamment les satellites de la constellation OneWeb qui ambitionne d’offrir une couverture des régions non desservies par l’Internet terrestre.

Le viseur Auriga, miniaturisé, est spécialement conçu pour les petits satellites. © Sodern

Recalage de la centrale inertielle

Le démonstrateur de viseur diurne s’inspire de ce savoir-faire spatial. Les données acquises par le viseur stellaire sont exploitées par la centrale inertielle qui peut les utiliser à la place des informations GPS, ce qui permet au viseur d’étoiles de constituer une alternative à la radionavigation.

Une centrale inertielle bénéficie des données provenant de plusieurs sources : sondes Pitot et prises de pression statique pour obtenir le vecteur vitesse, signaux satellites et aides à la radionavigations pour recaler la centrale. Couplé à la centrale inertielle, le viseur d’étoiles fournira une précision suffisante pour accomplir tout type de mission.

Pour l’aviation militaire, on peut alors imaginer plusieurs utilisations : guider un chasseur pour un ravitaillement en vol, calcul de position de départ pour mettre en œuvre des armements et pourquoi pas embarquer ce système à terme sur les avions de ligne.

Si la technologie est parfaitement connue et maîtrisée par Sodern, le défi aura été de viser les étoiles en plein jour. « Le bleu du ciel est une lumière qui n’est pas uniforme suivant l’heure de la journée » poursuit Fabrice D. « toutefois, l’étoile est toujours là, noyée dans ce bruit de fond que représente le ciel de jour. »

L’écran de la couche nuageuse

A cela il faut également ajouter les contraintes environnementales : les mouvements de l’avion, les distorsions liés aux effets thermiques… Le seul problème du viseur diurne est qu’il ne peut traverser les nuages. Une couverture nuageuse épaisse rend le système inopérant, obligeant le pilote à passer au-dessus de la couche de manière temporaire pour permettre le recalage de la centrale inertielle.

Si le système fonctionne parfaitement, Sodern travaille encore à son amélioration et attend le retour des tests qui seront menés prochainement par la DGA.

En plus de l’aviation militaire et commerciale, Sodern imagine équiper les ballons stratosphériques de recueil de données météorologiques et de tests de concepts spatiaux, ou encore les ballons permettant une couverture Internet d’un territoire. Le système est aussi adaptable aux véhicules terrestres, et en particulier les véhicules militaires.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • @ stanloc
    Étant donné qu’un sous-marin se doit être discret, il n’est pas question qu’il fasse surface pour capter un signal GPS pour sa navigation. D’où l’utilisation de systèmes de navigation inertielle, qui fonctionnent avec des accéléromètres et des gyroscopes. Ces dispositifs enregistrent les distances parcourues ainsi que chaque changement de direction, afin de pouvoir calculer la position exacte du navire. L’enjeu est donc de disposer d’un système le plus précis possible, surtout quand il s’agit de lancer éventuellement un missile balistique. On parle pour nos SNLE du SGN à gyrolasers amélioré grâce à l’adjonction de nouvelles technologies...A l'origine, ce système a été le premier à s’affranchir des gyroscopes à suspension électrostatique (GSE) classiquement utilisés en navigation ‘stratégique'...

    Une centrale inertielle doublée d'un viseur d'étoiles subvient au guidage des M51 : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Missile_M51

    Ces instruments d'un encombrement raisonnable pour équiper l'ASMPA (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Air-sol_moyenne_portée_amélioré) conviennent donc pour un Rafale !

  • @Stanloc,
    Tout ça est vrai, et paradoxalement la précision des centrales inertielles sur les avions commerciaux s'est dégradée avec le temps.
    Comme les calculateurs sont en permanence recalés par GPS ou par triangulation radio là où existent des stations DME ou VOR, les avionneurs équipent les avions de ligne (j'ignore ce qu'il en est pour les avions militaires) de centrales meilleur marché, et donc moins performantes....
    Ça devait être des bijoux de technologie...

  • Mais non, Anemometrix ! Les étoiles ne bougent pas... pour nous, puisqu'on peut les considérer à l'infini. Leurs mouvements dans l'Univers est infinitésimal, vus de notre Terre. Même le Soleil, notre étoile la plus proche, est considéré fixe. C'est notre Terre qui bouge, autour du soleil et en rotation sur elle-même. En vols polaires, sur 707 et 747, quand nous avions perdu les navigateurs, nous vérifions tout de même que nous nous étions pas plantés en faisant de la navigation-grille et recalant nos gyromètres toutes les demie-heures. Pour cela, nous disposions d'un "alidade", une sorte de tablette rotative avec viseur, s'ajustant sur l'auvent du cockpit (rigoureusement perpendiculaire à la ligne de foi de l'avion), et avec laquelle nous pouvions viser la lune ou le soleil. Cela suffisait pour lever le doute à 1° près seulement sur la route suivie. C'était assez formidable comme précision. Elle avait été mise au point par un ancien navigateur d'Air France (Hamelot, je crois). En effet, les vols polaires se passaient dans la zone où la composante horizontale du champ magnétique terrestre est trop faible pour être exploitée par les compas magnétiques (les pôles se comportent comme les deux bouts d'un aimant). Du temps des navigateurs, il fallait aussi avoir les éphémérides, sorte d'agenda des étoiles, susceptibles de nous donner leurs positions dans le ciel par rapport à la Terre, bien sûr, et en fonction de la date. Mais c'est embêtant que ce système ne puisse pas s'affranchir des nuages. Donc plutôt limité. Dommage ! Mais peut-être qu'un jour...

    • Bonjour Bernard,
      Merci pour ce rappel de cours de navigation (j'avais appris tout ça en théorie mais hélas (ou tant mieux...) n'ai jamais eu l'occasion de pratiquer "en vrai".
      Par contre, il me semble me souvenir que notre prof. De nav., M Bayle, polytechnicien génial qui avait exercé trente ans comme navigateur à AirFrance, nous avait expliqué qu'il existait un système qui permettait de suivre le soleil au travers d'une couche nuageuse rien que par la différence de luminosité . (Diffėrence indétectable par l'oeil humain).
      Sans doute moins précis que tout le reste, mais si on est vraiment perdu.....
      Hasta Siempre, Amigo.
      Jean Baptiste

      • Beaucoup s'y essaient (bâillonner JBB). Peine perdue, le format du média lui permet d'en ajouter davantage...
        C'est la seule différence liée à l'époque : a défaut de bâillonner (plus possible) alors baillons (quand la scène s'éternise) mais au fond, ce sont dans les seconds arguments que l'on perçoit le fond. Là où apparait l'essence, dans les derniers retranchements.
        Vive les situations d'inconfort : elles donnent accès à la vraie personnalité, à la pensée profonde, au fruit d'une réflexion qui dépasse les 140 caractères... C'est ça Aérobuzz !
        Alors ce serait donc dommage de perdre ces signaux faibles... des personnalités profondes, que je préfère aux messages bruyants.
        Qu'importe les caciques, le monde avance.

      • Pourquoi pas un nouveau banquet mais usuellement Assurancetourix y est baillonné... Il faudrait obtenir une dérogation (à vie!).

      • Ouarf !🐾
        ....Mais c'est pas mal vu.
        Vos aboiements sont riches et constructifs. 🐶🐕
        (même si je suis parfois mordillé😁)

      • Idefix, car j’aboie lorsqu’on rabote les idées, la mémoire, par flemmardise intellectuelle, les positions de confort... alors que nous - la société des hommes qui parfois se trompent - devons vite réagir en croisant les avis et les expériences.

        A quand le prochain banquet ?
        (Gil Roy : vite un nouveau sujet !)

      • @pilotaillon
        Ouf...
        Au moins n'ai je pas été associé à un romain !...
        Et vous, vous seriez qui dans ce village ?
        Bonne soirée,
        En toute con-vivialité 😂
        JBB

      • Ca me rassure, le village gaulois se dessine enfin sous nos yeux : Anemometrix (qui cherche le vent), Panoramix (B.Baquier qui sait lire les étoiles), Assurancetourix (JBB qui fait d'une simple idée un roman), Tullius Detritus (l'écolo qui sème la zizanie), Savacosinus (le Covid qui pratique la guerre psychologique avec sa massue)...

        Encore un peu d'effort pour associer ces personnages symboliques aux vaillants participants, habitant ce grand village qui résiste aux assauts de la bêtise, qui gravent le marbre de ces colonnes (d'air chaud).
        D'ailleurs comment qualifier la couleur des interventions ou invectives : Con-vection ou con-vectives ?

  • Ce qui me parait épatant c'est que ce système fonctionne dans un environnement mobile. L'avion se déplace mais les étoiles sont également animées de déplacements propres. A un instant donné une étoile a une position connue. L'instant suivant tout a bougé.
    Bine sûr, avec des calculateurs qui ont en database table HO et autres, le calcul doit être instantané. Le viseur d'étoiles suit-il l'étoile une fois acquise ?
    Epatant. Mais nostalgique : https://lh3.googleusercontent.com/proxy/upUtws2mDq8gJ2d38QqcfF2Drp58F-KyBsTYlvw5tJx3LYQnhF0M_veopOVFWn3vTI1sKkAzT-DLEcj1AkUO-fuCriqfKeKUsB2gBRm5jF2Xjw1A

  • "...L’Association Nationale des Fréquences, avec les forces de l’ordre, a par exemple repéré en 2019 que des brouilleurs GPS installés à bord de véhicules mobiles faisaient perdre le signal GNSS aux appareils commerciaux en approche et au décollage depuis les aéroports de Lyon-Bron et Marignane......"
    Je trouve inquiètant cette nouvelle de brouillage aux abords des aéroports!.....
    mais que faire d'autre?.....

    • Le pb est au niveau stratégique c'est a0 dire au niveau du GPS sous maîtrise US, du Glonass russe, du Galileo européen et du système chinois...

      Un rayonnement électromagnétique se brouille et s'arrête...La lumière stellaire est un rayonnement électromagnétique (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Lumière) qui sera arrêté par les étendues nuageuses, de jour comme de nuit...A moins de voler extrêmement haut...C'était pour cela que les bombes guidées laser (GBU) ne pouvaient être délivrées avec la précision nominale par temps de brume, brouillard et pluie et qu'on a évolué vers l'adjonction d'un guidage GPS...https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Armement_air-sol_modulaire

      • C'est ce qui fait de la centrale inertielle l'instrument de navigation par excellence. Je me souviens d'un article dans Air & Cosmos, il y a bien longtemps qui relatait la satisfaction exprimée du cdt de bord du premier 747 d'AF qui avait été équipé d'une centrale inertielle et dont l'imprécision de position en arrivant à JFK était égale à l'emprise géographique de l'aéroport. Il est certain qu'avec les sous-marins nucléaires ces centrales ont fait des progrès considérables sauf que la place dans un Rafale n'est pas la même que dans un sous-marin nucléaire.

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