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Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.

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Martin R.

EBT pour Evidence Based Training : dans moins d’un an, tous les pilotes de ligne seront familiers de cette nouvelle notion qui va changer leur métier. Il s’agit pour l’EASA d’actualiser les modèles d’entrainement récurrent des pilotes qui n’ont pas suivi le même rythme d’évolution que les avions.

Courant 2017, d’une directive européenne instaurera l’EBT, Evidence Based Training : « La formation des pilotes de ligne est un enjeu majeur pour l’EASA. Nous sommes parti du constat que les modèles d’entrainement récurrent des pilotes n’ont pas suivi le même rythme d’évolution que les avions. Avec l’EBT, l’objectif est d’aligner les standards d’entraînement avec le niveau technologique des cockpits. En tant que nouvel instrument règlementaire, l’EBT constituera le nouveau référentiel d’entrainement qui va révolutionner l’évaluation de la compétence et de la performance du pilote de ligne», explique Patrick KY, directeur exécutif de l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (EASA).

Aujourd’hui, dans toutes les compagnies aériennes du monde, qu’elles suivent ou s’inspirent des règlementations FAA ou EASA, la formation et l’entrainement des pilotes suivent toutes le même modèle, établi dans les années 60. Il s’agit de reproduire, au simulateur de vol, un scénario normé, constitué de pannes et d’incidents standards, connus, vus et revus. Or, ces évènements qui pouvaient se produire en vol réel avec des avions conçus dans les années 60, sont devenus extrêmement rares avec les avions modernes.

Si on prend le cas de la panne d’un moteur au décollage, sa probabilité d’occurrence sur un avion moderne est aujourd’hui très faible et, fort heureusement, aucun pilote n’aura à vivre ce scénario « en vrai » dans toute sa vie professionnelle. Quand elle se produit, la panne moteur fait la une de tous les journaux du monde entier, comme ce fut le cas en 2015, lors de l’arrêt d’un moteur d’ATR, au décollage de l’aéroport de Taipei, à Taïwan… (panne qui s’est malheureusement transformée en drame avec l’arrêt volontaire, par les pilotes, du moteur restant).

Ainsi, les pilotes sont entraînés, avec la répétition de l’exécution de gestes techniques au simulateur, à traiter des pannes qui ne se produisent que très rarement grâce à la redondance et la fiabilité des systèmes des avions modernes. Revers de cette médaille, la sophistication et donc la complexité de ces mêmes systèmes peut générer des pannes nouvelles, difficiles à anticiper et donc à simuler. Le pilote se retrouve ainsi à gérer un problème inédit qu’il n’aura pas déjà expérimenté. C’est là qu’intervient le facteur humain pour pouvoir gérer efficacement la panne à deux, avec l’aide de l’autre pilote, en utilisant les techniques du CRM (Cockpit Ressource Management).

Consciente de ce décalage entre scénario et technologie, l’EASA est arrivée à la conclusion que la manière actuelle d’entrainer les pilotes est devenue obsolète en regard de la fiabilité, de la complexité des systèmes avions et de l’évolution du rôle des pilotes dans ce nouvel environnement.

Pour construire son nouveau référentiel EBT, l’EASA a mené une réflexion de fond sur la notion de compétence du pilote. Celle-ci est définie par l’OACI comme la combinaison des trois facteurs Connaissances, Aptitudes et Attitudes requises pour effectuer une tâche, dans un standard prescrit, et dans des conditions données. A partir de cette définition, l’EASA a identifié 9 compétences essentielles, techniques et non techniques, à partir desquelles les pilotes de ligne seront tous formés, entrainés et évalués. Les 9 compétences évaluées sont :

  • Application des procédures : concerne la connaissance, le respect et l’application des procédures opérationnelles et de la règlementation
  • Communication : se réfère à la capacité à transmettre ou recevoir un message, que ce soit verbalement ou non, dans des situations normales ou dégradées.
  • Gestion de la Trajectoire en Mode Automatique : désigne la capacité à gérer le vol en utilisant les systèmes, les automatismes et les protections offertes par l’avion
  • Gestion de la Trajectoire en Mode Manuel : consiste à détecter chez le pilote ses compétences à gérer le vol en mode manuel, sans utilisation ou partie des automatismes de l’avion
  • Connaissances : concerne la mobilisation à bon escient des connaissances du pilote des systèmes de son avion et de son environnement
  • Commandement et Travail en Equipe : évalue les capacités d’un pilote à exprimer clairement son point de vue à son équipage et à le convaincre d’agir sous son autorité
  • Résolution de Problème et Prise de Décision : évalue la capacité à identifier un risque et à résoudre un problème, en considérant plusieurs scénarios possible, dans un environnement contraint (situation d’urgence, de stress ou de contrainte temporelle ou économique)
  • Conscience de la Situation : désigne la prise en compte de tous les paramètres d’une situation, de ses évolutions probable et des risques induits, non seulement dans l’espace, mais également des différentes contraintes (météo, pannes, autonomie, urgence médicale,…) qu’il conviendra de savoir prioriser, sous stress
  • Gestion de la Charge de Travail : chercher à évaluer la capacité d’un pilote à gérer une charge de travail et à affecter les bonnes priorités aux taches vitales pour le vol (le fameux triptyque Fly, Navigate, Communicate)

Avec ces 9 dimensions, placées toutes au même niveau d’importance, l’EASA souhaite que l’entrainement du pilote fasse de plus en plus appel à des qualités aussi biens humaines que techniques. A noter qu’à ce stade, la mise en place de l’EBT ne concerne que l’entraînement récurrent des pilotes et n’adresse pas, pour l’instant, la formation initiale ou la qualification de type, ces deux étapes étant focalisées sur l’acquisition des attitudes et des gestes techniques de base.

Olivier J.

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

View Comments

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Bonjour,

    Je trouve le sujet de l'article pertinent mais l'exemple choisi du crash de l'ATR à Taiwan n'est pas le bon de mon point de vue.
    En effet, malgré que aujourd'hui (d’après l'article et l'EASA) les pilotes ne sont formés qu'aux pannes qui n'arrivent jamais grâce à la fiabilité des avions et plus particulièrement aux pannes moteurs; le pilote de l'ATR n'a pas appliqué la procédure tant répétée durant la formation.
    Peut-on en déduire qu'il ne l'a pas assez travaillé?

    Donc je dirais que c'est un contre exemple et qu'il va contre ce qui tente d'être démontré dans l'article.

    Cordialement.

    Yannick.

    • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
      Bonjour,

      ce message est surtout une réponse à Yannick DE SOUSA.
      Beaucoup de bon sens, Yannick dans ton commentaire.
      Parmi tous ceux que j'ai lus, je ne vois toujours pas une définition clairement établie par l'exemple, ni une explication du "E" de "EBT-Evidence Based Training". Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots viennent aisément pour le dire....
      Dans ma grande ignorance, je n'ai toujours pas lu les références de l'EASA sur le sujet, mais ce qui est significatif, c'est qu'apparemment personne n'est capable, parmi les commentaires lus, de comprendre "l'évidence" (faux ami) de ce "E" mystérieux et voilà plusieurs années que ça dure.
      Peut-être que l'EASA et l'OACI devraient plus se pencher sur le ressenti et la compréhension de leurs concepts souvent très théoriques (je n'ai pas dit insipides) par le pilote moyen qui n'a pas forcément suivi des études universitaires et qui n'en est pas moins compétent..
      Si on traduit évidemment et à juste titre "Evidence" par "Preuve", l'accident de Taïpeh devrait plus se rapprocher de l'exception faite à la règle, à la preuve. Toutes les bonnes volontés des organisations citées plus haut n'empêcheront malheureusement pas "l'exceptionnel" de s'exprimer malgré tout. Il y aura toujours en matière de probabilités, une malheureuse personne pour arrêter le moteur qui fonctionnait, sur un avion bimoteur, c'est une histoire de contexte objectif, subjectif et de pressions "évidentes" (temps, hauteur disponible pour traiter la panne et vécu personnel).

      Jalil MACHICHI.

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Merci à Michel Lacombe pour ce complément d'information.

    En fait, avec l'EBT l'EASA n'invente rien, elle ne fait que mettre en oeuvre ce nouveau cadre adopté par l'OACI suite aux travaux d'une task force ICAO / IATA / Industry.

    Je pense qu'il faut sérier les problèmes ; la formation, le pay-to-fly, la fatigue en général et d'autres problématiques méritent des réflexions séparées et des solutions spécifiques.

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    L'EBT (Evidence Based Training) est un système de formation aux compétences (Competency Based Training) basé sur l'utilisation d'un nombre restreint de compétences de base (9) (Core Competencies).
    Ce noyau de compétences couvre l'essentiel (voire la totalité) des actions d'un pilote lors d'un vol.
    La bonne (ou mauvaise) gestion d'une situation résulte de la bonne (ou mauvaise) utilisation d'une (ou plusieurs) de ces compétences.

    On retrouve l'utilisation de ce système de formation en maintien des compétences annuel ou en Qualification de type dans quelques grandes compagnies (Emirates, AF et une bonne partie de ses filiales, Delta, BA, Wizzair, etc..).

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Parfait...un pas de plus vers l'excellence. Il ne reste plus qu'à gérer de face le "pay to fly" que l'EASA comme les autorités qui la représentent, valident implicitement en autorisant le ciel européen à ces compagnies qui négligent l'aspect facteur humain donc sécurité...

    • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
      si ce n'était qu'en Europe,
      le pay to fly en Asie consiste à faire fortune avec le pognon des pilotes...

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Le 9 compétences clés identifiées par l'EASA me paraissent être également un bon socle de formation et d'évaluation applicable à tous les niveaux de la formation.

    Les notions de Connaissances / Aptitudes / Attitudes ( Knowledge / Skills / Attitudes ou KSA en Anglais ) ne sont pas nouvelles ( années 90's ou 2000's ) ; elles étaient déjà la base du concept d'analyse des tâches et de la notion de "tâches équivalentes".

    Si je comprends bien, fini l'entrainement répété aux doubles pannes hydrauliques (probabilité 10e-8), chronophages en temps d'instruction mais dont la mécanisation était intéressante à bien des points de vue.

    Je pensais que le concept EBT ( avec E pour Evidence, c.à.d., "preuve" au sens forensic du terme ) était un concept de formation "scenario-based" s'inspirant des occurrences rapportées en service ; qu'en est-il et quelle est la signification précise du "E" ici ?

    Merci à celui ou celle qui pourra éclairer ma lanterne.

    • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
      Salut Michel,
      Le "E" de EBT signifie Evidence...on recueille sur une période donnée les évènements techniques ou pas qui se sont déroulés au sein de la compagnie dans le cockpit,et on s'en sert de base pour construire des scénarios pour les rendre plus réalistes...

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Chez Etihad également depuis déjà deux saisons...

  • Entrainement des pilotes : l’EASA prépare le big bang de l’EBT.
    Déjà en utilisation dans les centres d'entrainement Airbus même pour le type rating.

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